Sur la route autrefois - 25 -

Que nous raconte cette image ?... (Cliquer pour la voir en grand format)

Sur une route secondaire dans la traversée d'un village de la France rurale des années 20, une torpédo Hispano-Suiza file à grande allure soulevant un énorme nuage de poussière, la route n'étant pas encore asphaltée... Il s'agit du modèle Type H6 de 32 CV, de 1924, version sport, vraisemblablement  carrossé par Labourdette. Ce n'est pas le genre de véhicule qu'on rencontre ordinairement dans ces parages... Le vrombissement du moteur associé aux bruits de roulement et de caisse de cette voiture exceptionnelle, roulant à un train d'enfer (capable d'atteindre les 160 km/h en vitesse de pointe), le déplacement d'air et la nuée poussiéreuse en résultant, ne peuvent que sidérer les habitants du cru à son passage...  Elle a fait sursauter ce jeune homme à la casquette, à droite, qui s’apprêtait sans doute à traverser la rue. La femme en tablier et  son chien, au centre de l'image, sont visiblement surpris  par ce bolide venu de quelque grande ville que l'automobile commence déjà à envahir. Mais les plus étonnés semblent se situer aux abords de la récente station service - rare à cette époque - où le gérant sert le plein d'essence au chauffeur de cette Renault type GS de  1920, modèle à l'origine de la populaire lignée des 10CV KZ. Il s'agit, là aussi, d'une torpédo à capote. dont le propriétaire, au volant, vient de tourner brusquement la tête au passage de cette imposante Hispano qui semble fuir l'orage proche dont la nuée sombre apparaît déjà en arrière plan du clocher de l'église voisine. L'ancien en tenue de gentilhomme campagnard qui s'appuie sur sa canne, semble plus stoïque, se disant que les temps ont bien changé et que les chevaux d'antan seront bientôt tous remplacés par ces chevaux mécaniques pétaradant et fumant à volonté... des monstres métalliques animés par le démon de la vitesse qui, raccourcissant les distances, vont certainement changer les comportements et la nature des rapports entre les êtres humains.

Les souvenirs douloureux de la première grand guerre sont encore présents si l'on en juge par cette enseigne peinte sur le mur pignon de la maison à droite "Le Repas du Poilu"... Pourtant, nous sommes dans les "années folles", les citoyens, que ce soit là et partout ailleurs, ont envie d'oublier cette tragédie ; la jeunesse veut déjà vivre "à fond la caisse" et l'automobile bien qu'inaccessible au plus grand nombre, est un "joujou" qui fait vraiment rêver. C'est  au milieu de ces années "20" que mon père a eu son permis de conduire et sa première voiture : une Donnet Zedel CI6 torpédo 11CV qui dépassait le 90 km/h et le maintenait quel que soit le profil de la route, permettant de réaliser de bonnes moyennes, aimait-il nous raconter.

Dans ces années "20", circulent encore une majorité de voiture dites "ouvertes" (à capote repliable). C'est progressivement que vont apparaître les "conduite intérieures", lesquelles se généraliseront dans les années "30".

Remarquez aussi les pompes à essence de la marque à la coquille Saint Jacques, elles fonctionnent avec un levier, un peu comme celles que nous avions au garage de Lesparre (Gironde). Autre singularité présente sur cette illustration d'ambiance très réaliste d'une époque nous ramenant 100 ans en arrière : les manivelles, à la base des radiateurs des deux voitures, sont indispensables pour mettre en route les moteurs, même si quelques unes, les plus modernes et luxueuses, disposent d'un démarreur électrique.

Apparition progressive de la signalisation routière... (Source : Almanach  RUSTICA 2024)

*** Après la Première Guerre mondiale, les deux frères Michelin se penchent à nouveau sur la signalétique des routes. En 1928, s'inspirant des Fingerpost anglais, ces poteaux en ciment qui indiquent du doigt les directions à chaque carrefour, leurs ingénieurs mettent au point la fameuse "borne d'angle", un cube de béton armé surmonté d'un chapiteau à pointe de diamant pour assurer un bon ruissellement de l'eau de pluie, posé sur un pied légèrement évasé du bas, et dont les quatre faces, indiquent les directions des points cardinaux. Mais quelle technique employer pour rendre les inscriptions des localités et des distances durablement lisibles? André Michelin sait, par expérience, que la tôle peinte ou la fonte gravée en relief ne donnent pas des résultats satisfaisants à long terme. Le hasard va lui fournir la solution. De passage à Riom (Puy-de-Dôme), il est intrigué par la plaque d'un monument. Bien que datant de près d'un siècle, celle-ci semble intacte. Il se renseigne et apprend qu'elle est faite d'une plaque de lave émaillée. Dans cette région d'Auvergne riche en volcans, ce n'est pas la lave qui manque  Les carrières de Volvic et du Mont Dore vont approvisionner  un atelier spécial  à Cataroux sur le site historique de Michelin. Ainsi, les plaque  de lave émaillées sur lesquelles sont inscrits en lettres sombres  sur fond blanc le numéro de la route , la destination  de la localité suivante  et sa distance en kilomètres, sont lumineuses et résistantes. Les avantages de la borne d’angle sont multiples : elle est peu coûteuse à produire, solide, inaltérable et lisible. ***

Aux carrefours, ces croisements de routes toujours dangereux, elle rendra prudent l'automobiliste qui, cherchant sa route, ralentira forcément pour lire  les indications écrites sur ces fameuses bornes d'angle. Ceci, en attendant qu'apparaissent et se généralisent, au début des années 30, les panneaux de sécurités routière, une signalisation standard puis universelle, découlant du code de la route créé en 1921. Le permis de conduire prenant le relais du certificat de capacité remontant à 1851, fut instauré en décembre 1922 et exigible pour chaque conducteur de véhicule à moteur particulier, à partir de cette date.

Au sommaire de ce N° 25 d'Automobilia :

Je retiens le dossier sur la Dauphine et cette planche de toutes les 2CV de 1948 à 1960, réalisée par Thierry Dubois. Deux autos d'un autre âge avec lesquelles j'ai aussi fait la route autrefois...

Roulez jeunesse !...