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Vous connaissez certainement cet adage : « Ne jamais dire : fontaine, je ne boirai pas de ton eau !... » Et bien cela, je puis me l’adresser, à propos de ce qui va suivre…
Il est des préjugés que l’on pratique au quotidien et que l’on adopte également lorsqu’on choisit son auto… Ainsi, je m’étais fixé de ne jamais posséder de Dauphine Renault ceci, à cause de sa réputation concernant sa tenue de route souvent apparentée à celui d’une savonnette sur une planche à laver …
En ce début de Printemps 1966, cela fait 6 mois que je travaille dans une Institution de l’Eure comme éducateur stagiaire auprès d’adolescents et jeunes adultes handicapés mentaux ( A des lieux de mes intentions de devenir designer en matière automobile … Cf. la fin de l’article sur la 2CV). Etant en campagne, une voiture pour mes déplacements le jour de congé, (A l’époque un seul jour en semaine …) me faisait cruellement défaut. J’avais donc économisé pour pouvoir acheter une voiture d’occase… Je m’étais fixé d’acheter une « 404 » d’occasion étant séduit par l’allure et les prestations de cette jolie berline sochalienne… Il y en avait bien une au garage « L » en parfait état qui totalisait 54000 Kms, pour 4 ans d’âge, bleu marine mais encore affichée au prix prohibitif pour moi de 5400F. A l’époque je gagnais 600F par mois et n’avais comme économie que 1800F … Un crédit n’était pas envisageable à ce moment là, moi, ne sachant pas si j’allais continuer à travailler dans l’institution mentionnée plus haut … ( En fait j’y ai effectué toute ma carrière … ) Donc exit la « 404 » bleu marine !... Néanmoins, j’avais mis M. « L. » patron du garage Peugeot, en quête d’une occase dont le coût ne devait pas excéder 2500F. Un mois se passa jusqu’à ce qu’il m’avertisse qu’il détenait la bonne affaire … Le matin de ce mercredi, mon jour de congé à l’époque, je me rendais donc à son garage … Quand il m’a présenté la belle affaire, j’ai sursauté … Il s’agissait d’une « Dauphine » vert d’eau, impeccable certes, mais Dauphine « Très » ne répondant pas du tout à mes attentes, malgré mon impatience de posséder ma voiture … Je formulais à M. « L » les raisons qui me rebutaient pour acheter une telle auto : moteur arrière, coffre avant exigu, habitacle étroit, tenue de route aléatoire et surtout, ce n’était pas une Peugeot !… (A l’époque une « 204 » de gabarit légèrement supérieur à celui de la Dauphine, m’aurait convenu sauf, qu’à l’occase, ce modèle apparu l’année précédente était rare et encore cher ; il fallait compter au moins 7500F…)
Me voilà donc marri à contempler cette Dauphine, M. « L » m’expliquant que, certes ce n’était pas une Peugeot, mais la tenue de route jugé par moi comme dangereuse, dépendait surtout de la façon de mener la voiture et puis elle était propre, la mécanique en parfait état ne totalisant que 21000kms au compteur pour 4 ans d’âge, pas une égratignure sur la carrosserie, l’intérieur était comme neuf… Lançant le moteur, celui-ci émettait un beau son, il m’invite à faire un essais … Allons-y dis-je laconiquement …
Je me retrouve au volant à ses côtés, à monter et pousser les 3 vitesses sur la grande ligne droite de la N 14 bis … La mécanique répond bien, les accélérations changent par rapport à la voiture que j’avais en main, l’année précédente ( La fameuse 2CV… ) Finalement je trouve cette petite auto bien sympathique, et tout compte fait assez logeable pour moi et une petite amie éventuelle à rencontrer au cours de mes sorties de jeune homme … De retour au garage je suis convaincu… adieu les préjugés de Dauphine « roule tonneaux »… Reste le prix fixé à 2850F un peu en deçà de mes prévisions… On discute un peu mais le père « L » ne concède pas un iota sur la voiture qu’il me garantit, verbalement tout du moins, comme pratiquement neuve. Finalement avisant mon patron, M. « D » directeur de l’institution où je travaille il consent à me prêter la somme complétant mes économies à savoir 1000F à lui rembourser sans intérêt sur 10 mois ce qui me fait des traites de 100F par mois à prélever sur mon salaire. C’est donc jouable comme on dit de nos jours et l’affaire est conclue le soir même… Ne reste plus qu’à contracter une assurance et pour ça, une amie de l’institution versée dans la partie, m’établit un contrat convenable et finalement peu coûteux…
A la fin de ce mois de Mai j’ai droit à un week-end qui me permet de rendre visite à mon père à Mirebeau où je n’étais pas retourné depuis plus de 10 mois et lui présenter fièrement mon acquisition car, cette fois, c’était moi qui m’étais payé la voiture, ce qui n’avait pas été le cas de la Panhard et de la 2CV financées l’une et l’autre par mon père qui d’ailleurs, les avait récupérées après mon départ de la maison en Eté 1965… En fait, cette Dauphine était, en tant que propriétaire, ma première voiture…
Ce vendredi soir là, parti à 22H 30 de mon lieu de travail, après mon service je n’arrivais à Mirebeau qu’au petit matin (Je m’étais arrêté à Ste Maure de Touraine pour dormir 3 heures couché en « chien de fusil » sur la banquette arrière de la voiture qui, hélas ne possédait pas de sièges couchette) Au cours de ce voyage j’ai pu apprécier les qualités de cette Dauphine qui avait déjà pour elle une silhouette élégante, jouissant d’une ligne encore pas démodée à cette époque. Sur route on pouvait maintenir bon train, en se tenant régulièrement à 90-100 compteur sans faire hurler la mécanique. Les 3 vitesses commandées par un petit levier au plancher passaient bien, leur parfait étagement procurant de bonnes relances et une souplesse de conduite finalement appréciable. Il fallait simplement s’accoutumer à la position du pédalier décalé par rapport à l’assise à cause de la proéminence des passages de roue, impliquant d’avoir une position de conduite légèrement oblique… Mais jeune, on se fait à tout, n’est-ce pas ?… Le freinage était assez puissant, la suspension assez sèche était compensée par le moelleux et le bon maintien des sièges séparés à l’avant. La tenue de route dont je redoutais qu’elle fût aléatoire était, tout compte fait, convenable pourvu qu’on sente bien la voiture et, sur ce point, j’avais « flairé » le style de conduite à adopter. La tenue de cap était bonne sur le sec mais il fallait être prudent sur le mouillé ou les brusques relevés de pied de l’accélérateur et les freinages intempestifs pouvaient accentuer la tendance de vive dérive du train arrière, (tendance au survirage) toujours problématique en sachant que ce train est motopropulseur … En virage, ce défaut devenait presque un avantage en conduite sportive, surtout dans les montées, en faisant légèrement décrocher l’arrière ; on replaçait l’auto dans l’axe, en sortie de virage, par un léger contre-braquage en effectuant simultanément un coup d’accélérateur. Mais pour en arriver là, il fallait bien connaître l’auto et malgré tout être constamment sur ses gardes. En conduite coulée, la Dauphine pouvait se montrer suffisamment sécurisante si on maintenait la vigilance au niveau de l’anticipation dans sa conduite… Effectivement pour les conducteurs ou conductrices au caractère impétueux cette auto à la conduite amusante, presque grisante, entraînait vite à la faute aux conséquences parfois gravissimes. Voiture de jeunes, certes, mais de jeunes sachant garder la tête froide… Le plus souvent je menais cette Dauphine sans la « bousculer » ce qui n’empêchait pas de réaliser , avec, des moyennes honorables sur grand parcours. Ainsi les 380 Kms de Mirebeau à mon lieu de travail en Normandie, je les parcourais en 5 heures et, à l’époque, ce parcours n’empruntait que des nationales et départementales qui ne contournaient ni ville ni village à traverser …
J’ai conservé cette voiture qu’une seule année, hélas… A cause de mes sorties hebdomadaires, des vacances souvent coûteuses et des autres équipements dont je me nantissais à l’époque, j’avais du mal à rembourser mon dû à mon patron. En Mai 1967 je revendais donc cette Dauphine à la concession Renault des Andelys n’en récupérant que 1900F… Je remettais 500F de cette somme à M. « D » pour m’acquitter de ma dette puis, dans la foulée, achetais un cyclomoteur « BB. 104 » Peugeot pour effectuer mes déplacements. A partir de cet événement, il me faudra attendre encore une année, pour, à nouveau, circuler sur 4 roues
Il resterait encore à conter les multiples périples accomplis en Dauphine au cours de cette année d’utilisation intensive pendant laquelle j’ai accompli 32000 kms rien qu’à l’occasion de mes sorties loisirs car, à cette époque, j’habitais sur mon lieu de travail… Ces escapades parfois rocambolesques feront, ultérieurement, l’objet d’un autre article…
Historique : Au moment de la sortie de la nouvelle petite Renault, c’est Pierre Dreyfus qui dirige la RNUR succédant à Pierre Lefaucheux décédé accidentellement en février 1955.
Présenté en Mars 1956, la Dauphine, allait vite prendre le relais de la populaire 4CV produite depuis 10 ans au moment de la sortie de sa cadette… Dans la lignée des productions des usines de Billancourt, la nouvelle venue, ne rompt pas avec l’architecture technique en vogue chez ce constructeur national, à savoir petite auto à transmission motrice tout à l’arrière : Groupe motopropulseur, boîte et pont. Cette architecture réunit les avantages de la simplicité mécanique d’un faible coût et de la fiabilité à l’usage. Par rapport à la 4CV, La Dauphine de cote plus importante, est plus habitable que sa devancière, de même, son coffre avant présente un volume plus généreux ; sa ligne moderne et gracieuse inspirée de la « Frégate » (la seule grande berline de Renault à cette époque) en fera la coqueluche des conductrices de l’époque, et, sa mécanique plus puissante, sera surtout appréciée des jeunes sportifs…. La Dauphine sera le modèle le plus vendu en France à la fin des années « 50 » et au début des années « 60 » Au cours de 12 années de production, il sera fabriqué presque 2 millions d’unités de cette séduisante petite voiture qui a même été exportée aux USA pour tenter de concurrencer la « Coccinelle » de Volkswagen, elle, bien implantée sur le nouveau continent…
Anecdote Royale : Une Dauphine fut offerte par le Président René Coty, à Elizabeth II d’Angleterre, lors de sa visite en France en 1957. Comme il se devait pour une auto destinée à rouler en Grande Bretagne le volant était placé à droite…
L’alliance de Renault avec Amédée Gordini et le concours des pilotes Monraisse et Féret offriront au palmarès sportif de la Dauphine, de prestigieuses victoires en rallye : aux Mille Miles en 1956-57 puis à Monte-Carlo et au tour de Corse en 1958.
Caractéristique Techniques du modèle 1962: Type « R 1090 ». 5 CV
Moteur : « Ventoux » 4 temps – 4 cylindres de 845 cm3 développant 31 Ch. SAE à 4250 tr/mn. Carburateur inversé « Solex » de 28.
Disposition du groupe motopropulseur : longitudinale tout à l’arrière avec transmission aux roues arrières par boite 3 vitesses synchronisées.
Direction à crémaillère.
Freins hydrauliques à Tambours sur les 4 roues.
Suspension AV et AR à roues indépendantes avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs.
Pneus 135 X 380.
Dimensions : Empattement 227 cm – L : 394,5 cm – l : 152 cm – H : 144cm .
Poids 630 kg .
Vitesse : 115 km/h – Consommation moyenne d’essence ordinaire : 6 l au 100.
Prix au salon 1961 – Dauphine « Export » : 5800 F
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Conclusion :
Voiture de conception simple mais bien construite, à l'esthétique réussie présentant une allure aussi élégante que dynamique, amusante à conduire, vive, économique à l'usage et plaisante à vivre au quotidien, en son temps, la Dauphine en a séduit plus d'un et plus d'une et pour ça, elle fut une "reine" qui rapporta bien des "royalties" à la Régie Renault, boostant cette entreprise et faisant de "Renault", le premier constructeur sur le plan national...
PL17 - alias Farfadet 86...
P.S. Les petites photos jointes insérées dans l'article, ont été scannées à partir des revues "AUTOMOBILIA" N° 25 et Hors série N°19.