Sur la route autrefois - 35 -

Rentrons dans l'image...

A cette intersection de routes communales plutôt étroites et tortueuses d'un hameau du Loiret, viennent à se croiser exceptionnellement 3 véhicules, ce qui ne semble pas effaroucher ce chien flairant l'herbage du talus à gauche, ni le chat perché sur les tuiles d'un appentis, à droite, et encore moins les deux merles au faîte d'une grange à foin. En cette belle matinée estivale, rouler n'est pas désagréable pour profiter de la fraîcheur ; c'est certainement le cas pour le conducteur de cette Alpine d'une couleur peu conventionnelle pour la marque de cette sportive plus généralement habillée en bleu de France. Ici, son propriétaire a préféré le rouge vif qui lui sied bien également. Il s'agit d'une Alpine A 110 de 1965, une des premières 1300 reconnaissable aux ouïes de refroidissement sous les phares.  Avec ses 115 chevaux, cette berlinette n'est  encore à cette époque qu'au début de sa légendaire carrière. 

Une Citroën Ami 6 bleu ciel, immatriculée dans ce département vient de lui passer sous le nez. C'est un modèle de 1961 identifiable à ses quatre catadioptres, à l'absence de fermeture extérieure du coffre et à ses vitres de portes arrières fixes. Son moteur bicylindre de 602 cm3 lui permet de combler en partie, l'ample fossé dans la gamme des voitures au double chevrons, entre la rustique 2CV et les sophistiquées ID et DS 19...  

Cette originale Citroën à la vitre de custode inversée, se retrouve nez à nez avec un autre véhicule de la même marque... en la situation, nez n'est pas un euphémisme car, c'est bien celui proéminent du très populaire fourgon type H, ici, carrossé en bétaillère, qui se présente face à elle ; un véhicule utilitaire dont la carrière a duré plus de 50 ans !...

Je retiens :

Le plan Pons, nécessité ou loi scélérate ?

Plan Pons une loi scélérate bis ?...

Fin janvier-début février 1944, dans un article de prospective confié à L'Illustration et évoquant les questions qui se poseront à l'industrie automobile lorsque la paix sera revenue, Jacques Loste, le directeur de L'Argus de l'Automobile, expose les problèmes d'approvisionnement que l'on rencontrera et annonce avec clairvoyance: « Le gouvernement, attentif à surveiller l'emploi de la voiture et du camion, veillera à ce que les matières premières disponibles soient équitablement affectées aux divers besoins de la collectivité. L'automobile, étant elle l'a prouvé, elle le démontre chaque jour, un remarquable élément d'activité, ne devra pas être bridée faute de matériaux. Contraindre l'automobile à "marquer le pas", ce serait retarder le relèvement de la France. Quel usage sera fait de ces matériaux? D'abord ils seront transformés en camions et autocars. Des voitures particulières aussi seront fabriquées».
Jusque là, nous ne lisons rien qui puisse nous étonner. Beaucoup plus surprenante est cette ubuesque annonce d'une possible intervention de l'administration pour retirer de la circulation les voitures anciennes par crainte d'une saturation du marché L'auteur écrit en effet : « Déjà une *loi a mis hors circulation les voitures appartenant à des types présentés avant septembre 1925. Il n'est pas impossible qu'une législation du même ordre malgré ce qu'elle peut avoir de choquant pour la notion du droit de propriété, frappe dans l'avenir la plus ancienne tranche (des 800 000 voitures immobilisées depuis le début de la guerre), dont la masse présente de graves dangers pour la fabrication des voitures neuves et aussi pour l'économie. Au double point de vue du propriétaire et de la communauté, la voiture "hors d'âge" est onéreuse ».
Dans les années précédant la guerre, en face de la mévente dont ils souffraient, les constructeurs avaient cherché à faire adopter des mesures visant à retirer de la circulation les voitures anciennes. Pensent-ils réellement que le problème est toujours d'actualité alors qu'il n'est plus fabriqué de voitures depuis quatre ans?

*Il s'agit, bien sûr, de la loi du 14 octobre 1941 que nous avions déjà évoquée dans 'Automobilia N° 23.

De joyeuses discussions en perspective...
Reste maintenant à savoir comment ces dispositions vont être accueillies et appliquées par tous ceux qu'elles concernent. On serait tenté de dire que ce plan fait l'unanimité... l'unanimité, oui, mais contre lui! Les pouvoirs publics détiennent les munitions... en l'occurrence les matières premières, dont ils régissent la distribution, mais ce sont les constructeurs qui disposent du nerf de la guerre, puisqu'excepté Renault ils ont conservé la maîtrise financière de leurs entreprises. Le mariage de la carpe et du lapin, soit celui du dirigisme et du capitalisme, ne va pas se réaliser sans quelques heurts assez vigoureux, nous le verrons bientôt.

L'Alpine Tour de France

L'Alpine Tour de France, favorite des simples amateurs de conduite rapide autant que des pilotes les plus chevronnés, cette berlinette gagna d'innombrables rallyes et reste pour beaucoup la plus typée des voitures françaises de son époque.

La Planche récapitulative des modèles de Simca Sport des années 50

Vous n'êtes pas fumeur... c'est bien pour votre santé, mais ça ne vous empêche pas d'entamer ce voyage autour d'un cendrier...

Hélas, il n'y a pas que les cigarettes qui s'éteignent dans le cendrier...  sans doute victimes du plan Pons il y a aussi...

les *étoiles* de la haute couture automobile...

Quand les étoiles s'éteignent...

- Au cours de l'été 1950, cette Delahaye  135 MS carrossée par Saoutchik fait halte sur les bords de la Seine, le temps d'un cliché. Ce type de réalisation se veut encore le porte-drapeau du prestige automobile national. Reste qu'une telle voiture vaut alors près de trois millions de Francs de l'époque...

- Très exubérant, ce cabriolet Talbo Lago Record  est bien caractéristique du talent de son carrossier, Saoutchik. Le généreuse applications de chromes sont alors appréciées d'une certaine clientèle, plus soucieuse de lignes spectaculaires que de qualités routières. En effet, un tel ensemble dépasse allègrement les deux tonnes, ce qui explique aisément que les 170 chevaux du moteur aient fort à faire...

- Bien que photographiée aux abords immédiat du Grand Palais, cette Alfa Roméo 6C 2500 connaît en France une diffusion plus que confidentielle. Dotée d'une carrosserie tout acier, de quatre roues indépendantes et de freins hydrauliques, sa conception technique est, à bien des égards, plus sophistiquée que celles des voitures françaises de même catégorie. Son prix pharamineux l'empêche cependant de constituer une rivale dangereuse.

Elles sont belles mais déjà d'un autre âge ! A ce tournant des années 50, la voiture de luxe, élitiste, n'a déjà plus voix au chapitre, l'automobile doit être l'affaire de bien plus de personnes touchant une clientèle élargie jusqu'aux couches prolétaires de la société. Sa démocratisation s'amorce avec des modèles bien plus humbles, moins imposants en taille et en apparence, moins sur-puissants mais néanmoins aboutis sur le plan de l'esthétique, du confort et de la fiabilité mécanique avec des moteurs de plus petites cylindrés, robustes, plus économes en carburant, mais aussi performants. De l'âge d'or automobile d'avant guerre, à ce début des années 50, on est arrivé à l'auto pour Tous, indispensable pour effectuer les petits trajets du quotidien autant que pour accomplir les voyages au long cours. Elle va changer la physionomie du monde autant que les mentalités des automobilistes en bien mais aussi en mal... Plus que toutes autres inventions humaines, l'automobile fait appel à toujours plus de conscience et de sens civique chez chacun, dès qu’il se place derrière son volant.