Il faut que je vous dise... le bio qui est tellement d'actualité et si prisé ces temps-ci, il y a une soixantaine d'années, c'était loin de faire l'unanimité, ça faisait même fuir les gens parce que cela était considéré comme vraiment rétrograde.
Bon, me rétorquerez-vous, c'est un peu exagéré ça !...
Nullement, du point de vue culture et élevage, c'était faire un gros retour en arrière, parce que jugé peu productif et quasi à contre-courant de l'évolution accomplie en agriculture. A cette époque, les générations pères et fils de paysans qui cultivaient leurs champs et élevaient du bétail, s'étaient accrochées sur les méthodes de culture et de gestion des sols pour finalement adopter tous les ingrédients nouveaux augmentant les rendements en diminuant, le temps de travail grâce à la mécanisation. Produire toujours plus, étendre son exploitation ainsi que son cheptel, constituaient le mot d'ordre pour progresser dans le bon sens. La quantité l'emportait très nettement sur la qualité... Les engrais de synthèses suivis par les produits de traitements phytosanitaires entrèrent vite dans les pratiques de cultures et d'élevage visant les hauts rendements
C'est ainsi que le paysan soigneur et exploiteur de la terre, gardien des grands équilibres mais aussi modeleur bien inspiré de paysage, devint chimiste de surcroît... et sans doute un apprenti sorcier … (et non sourcier...)
Evolution corporative : le colporteurs autrefois se déplaçait à pieds parfois accompagné d'un âne ou d'un mulet il a fait place au VRP (Voyageur Représentant Placier) - Dans les années 60-70, mon père faisait ses tournées en Mercedes et moi en 4L... mentionnons encore que ces deux voitures étaient de couleur Verte...
Et maintenant ceci : à cette même époque, au milieu des années 50, mon père avait une fois de plus changé d'horizon et de métier, de garagiste, vendeur de tacots à Lesparre en Gironde, il est était devenu VRP, prospectant en campagne poitevine faisant la vente de produits vétérinaires. Ce créneau commercial, était tout à fait nouveau et opportunément juteux pour qui voulait établir sa clientèle au profit de laboratoires qui développaient leurs vastes gammes de médications pour animaux, d'une distribution alors en marge de ceux qui étaient réservés qu'aux seuls vétérinaires. Il n'y avait encore pas de réglementation sur la vente de tels produits n'en donnant l'exclusivité qu'aux pros de la santé animale. Cela s'est fait petit à petit à partir du milieu des années 70.
Mon père eut tôt fait d'établir et fidéliser une clientèle importante qu'il visitait au cours de ses tournées quotidiennes, passant régulièrement chaque mois dans la même exploitation. C'est ainsi qu'à l’été 1955 nous sommes venus habiter Mirebeau, commune mieux centrée pour effectuer ses tournées. Il a d'abord travaillé avec « Laboferm », puis « Porvigor Supranimal », des laboratoires qui existent encore mais qui, aujourd'hui, ne produisent que des aliments et compléments minéraux pour bétails. A l'aube des années 60, il cessa de démarcher au profit du premier laboratoire cité pour collaborer à la diffusion de produits vétérinaires plus sains moins « chimiques » des Laboratoires d'Homéopathie Vétérinaire de Touraine (L.H.V.T.) sis dans la région de Loches. Bien vite, il imposa ces produits sous le label homéopathique qui connurent un franc succès auprès de cette clientèle paysanne. Bientôt mon père rallié à la cause médicale du Dr Samuel Hahnemann, s’intéressa à l'agriculture biologique et s'approcha de la méthode Lemaire-Boucher proposant, le « Lithothamne », à base d'espèces d'algues rouges pour fertiliser les sols.
Tout ceci était très nouveau et si mon père, prospectant a pu avec acharnement imposer ces méthodes de culture et d'élevage à certains membres de sa clientèle, quand j'eus à m'y coller en automne 1964 au retour de mon service militaire, il n'en fut pas de même et j'eus à essuyer de nombreuses rebuffades, des coups de gueules, des insultes, des railleries de paysans outrés qu'on leur prépose de la poudre à perlimpinpin et des promesses de récoltes provenant de fertilisants respectueux des sols et des plantes qu'on y cultivait autant que de la santé d'un bétail pas autrement soigné qu'avec des antibiotiques...

« Pauvre petit con, on voit bien que t'as jamais mangé du pain noir ni connu la guerre ! » et de me faire sortir de la cour de ferme manu-militari avec course à l’échalote...
En Juin 1965, dégoutté, je quittais cette association avec mon père pour aller prospecter sur un tout autre terrain professionnel en montant à Paris...
10 ans plus tard, suite à une série d'événements en cascades, j'ai repris le collier de cette profession de VRP en association avec mon père qui comptait bien que je prenne sa suite, sans mieux réussir à établir une clientèle suffisante pour en vivre et pérenniser l'affaire familiale... dans le monde paysan, il y avait encore, au cours des années, énormément d'hostilité vis à vis de l'agriculture biologique. Et c'est aussi à cette époque que commença à se cristalliser la réglementation sur la diffusion des produits vétérinaires dont la vente ne pouvait être assurée que par le circuit médical officiel, c'est à dire, par les pharmaciens et par les vétérinaires. Dès lors, les VRP faisant commerce avec les agriculteurs et les éleveurs ne furent autoriser à vendre que des produits d'alimentation pour bétail et des compléments minéraux.
En Avril 1976, avec mon épouse nous réintégrions le Centre Saint-Martin à Etrépagny (Eure) où j'avais déjà travaillé comme éducateur pendant 7 ans, ceci, au grand dam de mon père qui eut à trouver un successeur pour reprendre son commerce de *colporteur.
/image%2F0957248%2F20160207%2Fob_65f3c1_photo-0021.jpg)
La grande métamorphose du monde paysan ... - Le Mirebalais Indépendant
Réédition d'un article initialement publié le 07/02/2016 à 10:54 Le Salon International de l'Agriculture à Paris, comme chaque année, à cette époque, ouvre ses portes aujourd'hui. Il nous p...
http://www.mirebalais.net/2016/02/la-grande-metamorphose-du-monde-paysan.html
Au cours des deux années où j'ai fait des tournées en campagne, et, avant cela, quand gamin, j'accompagnais mon père dans les siennes, j'avais appris à connaître le monde paysan et assisté à sa longue et irréversible métamorphose. Je me souviens que dans les années 50-60, dans les bourgs, les villages et hameaux, il y avait encore de nombreuses fermes, des petites exploitations qui pratiquaient la polyculture et possédaient quelques têtes de bétails avec un nombre de vaches laitières n'excédant que rarement le nombre de 12 têtes. Ces paysans là pouvaient vivre sur une exploitation de 5 à 10 hectares maximum... mais voilà, le paysan pourtant de nature méfiant s'est laissé entraîner dans cette course infernale à l’accroissement qui étendit ses surfaces cultivables, ses rendements à l'hectare, le nombre de têtes de son cheptel, l'obligeant à s'équiper d'un matériel agricole toujours plus important et cher, d'agrandir ses bâtiments de corps de ferme, s'endettant sans cesse et devant, en conséquence, produire toujours plus... une agriculture biologique n'avait aucune place dans cette montée en puissance de l'ensemble des productions agricoles.
Parallèlement étaient nés et avaient déjà pris de l’expansion les centres commerciaux en zone péri-urbaine dr nombreuses villes ce qui influença très sensiblement la façon de consommer et donc de produire, faisant intervenir les notions de quantité, de bas coût, de concurrence, bien plus axées sur des méthodes d'agriculture et d'élevage intenses excluant le label « culture biologique ». L'ère de la malbouffe venait de commencer avec les premiers drugstores et fast-foods importés du pays de l'oncle Sam...
On ne parlait pas encore de l'écologie et la qualité de l'environnement n'était nullement un souci à ce moment où il importait de construire en périphérie de nos cités des barres d'immeubles et où les autoroutes commençaient à balafrer nos paysages sur des centaines de kilomètres.
Alors aujourd'hui, quand je vois cette course au bio, cette propagande, à la radio, à la télé, dans les magazines et journaux, je n'en crois pas mes yeux. De plus en plus d'agriculteurs se convertissent pour produire bio surtout dans le monde viticole où là, c'est la biodynamie qui prend de l'essor, méthode, encore plus contraignante prenant en compte les bio-rythmes, les cycles lunaires, la grande variété de natures des sols, les micro-organisme et autres êtres vivants dans les terres, etc...
Le bio se retrouve aussi dans les cosmétiques, c'est la folie !...
Est-ce alors une question de mode ou de prise de conscience ?...
De la part des consommateurs de produits bio, il y a des deux, sans doute un souci de se nourrir de façon plus saine avec des aliments produits de manière naturelle, mais aussi l'impact mode quelque peu « Bobo » pour faire bien, ne pas être à la ramasse dans cette société d’exaltations primesautières où, en voulant se distinguer, on a tôt fait de faire comme les autres et en fin de compte de faire tous pareils... si bien que, dans la foulée, ce sont les lobbys qui reprennent du poil de la bête à grand renfort de publicités et d'étiquetages prometteurs devant mettre en confiance …
Faut-il s'en alarmer et s'en méfier ?...
Il y a le choix !... il s'ouvre de plus en plus de magasins spécialisés en produits BIO ... et une presse spécialisée, veille au grain ...
Voilà bien qui nous met dans l'embarras... car on ne peut pas être contre une culture du Bio, et ce, dans tous les sens du terme... on doit absolument prôner et soutenir l'agriculture biologique et l'élevage de tous types de cheptels de fermes, sur des sols assainis et nourris avec des fourrages sains.
C'est au niveau du label qu'il faut être vigilant car l’appellation « produit issu de la culture biologique », en dépit des réglementations toujours plus strictes, n'est pas garanti BIO à 100%... et peut très trompeur par défaut d'un suivi rigoureux du parcours dudit produit depuis son ensemencement jusqu'au magasin distributeur en passant par chacune des étapes de sa transformation.
Il y a aussi d'autres alternatives comme l'agriculture raisonnée, la permaculture, qui ont le souci de savoir faire cohabiter des espèces différentes en parfaire harmonie, ce qui est salutaire pour la survie de ces espèces et donc, d'un point de vue écologique, parfaitement sain pour la Terre.