Effectivement, à la suite des livres I et II, le sous-intitulé correspond à ce qui est raconté dans ce troisième opus du roman fleuve d'Elena Ferrante, bien que l'on se demande parfois au défilé des pages et des étapes du récit, suivant les anecdotes, laquelle fuit, Laquelle reste ?... Cela peut s'inverser en fonction du ressenti du lecteur.
La narratrice nous livre ici, beaucoup de passages intimistes mais aussi les flots de pensées fulgurantes dans la tête de Lenù qui nous partage, au défilé des pages, moult soliloques traduisant ses impressions du moment, ses doutes, ses hésitations, ses revirements, ses pensées folles et déraisonnables, etc.
Cette partie est riche en événements… à l'aube de l'année 1968, les jeunes femmes se retrouvent avec mari et enfants, installées dans une vie de foyer familial avec ce que cela comporte de répétitif et de lassitude au défilé des jours, des mois et des années... Toutefois, pour chacune d'elles, le milieu n'est pas du tout le même mais aux antipodes, socialement. On ne mène pas le même type d'existence à Naples et à Florence... le fossé est immense entre les habitants de ces deux cités pour les uns prolétaires, vivant à la petite semaine, pour les autres bourgeois, ultra mondains dépensant sans compter. Lila au quartier, à Naples, aura à subir les outrances puis les violences de Stefano qu'elle a trompé avec Nino pour, ensuite, fuir son foyer et là, connaître la déchéance dans un quotidien de bas fond. Lenù à Florence, diplômée de l'école normale supérieure, mariée à Pietro Airota professeur en université, mène une vie de salons, de débats et discussions de haute volée mais aussi d'échanges superficiels et en certaines occasions de marivaudages...
Lassitude, ennuis, besoins de plus en plus d’échappatoires, de transgression et finalement de reconnaissance, l'écueil n'est jamais loin mais pas forcément repérable.
Pour des raisons différentes Lila et Lenù ont succombé aux affres de l'interdit, faisant voler en éclat ce qu'elles avaient édifié en ayant emprunté des chemins, eux aussi, différents.
Entre elles, il y a Nino Sarratore, l'intellectuel surdoué, opportuniste, beau, attirant, séducteur, profiteur qui sait s'incruster dans tous les milieux et même dans l'intimité de ses relations amicales, professionnelles, politiques...
L'avoir dans la peau… Le diable, le vice, l'amant ?...
Quand le corps, les instincts, les pulsions imposent leur insatiable et débordante vitalité surpassant toutes saines raisons, comment résister, comment ne pas jouir de l'interdit et du digressif ? D'abord amoureux de Lila, Nino devient son amant fougueux... au moment où elle tombe enceinte, il la quitte pour retrouver quelques mois plus tard Lenù qu'il n'aura aucune peine à séduire en s'infiltrant chez elle, devenant l'ami de Pietro, son mari, tant elle lui a gardé, depuis l'adolescence, un amour passionné, inconditionnel. Dès lors, on peut dire qu'elle l'a vraiment dans la peau.
La question sexuelle revient comme un leitmotiv obsédant non pour ce qu'il représente en tant qu'actes mais pour l'aspect émotionnel qu'il contient jamais distant du discours intellectuel dépendant de la raison, elle aussi souvent insatisfaite... comment accepter, subir, puis ensuite échapper à cette obnubilation, cette outrecuidance, cette persistance du plaisir charnel et du besoin de l'autre ? Lenû voudrait savoir ce que Lila éprouvait dans les bras de Nino... était-ce différent de ce qu'elle vit elle et lui dans leurs ébats ? Le jeu des confidence à ce sujet est, lui aussi, jamais assouvi jamais révélé...
Mais dans ces pages il y a bien d'autres tourments que ceux liés au sexe...
Pages 360 - 361 conditions sociales et outrages - "Crachons sur Hegel" écrits de Carla Lonzi dans opuscules prêté par Adèle Airota -
"L'université ne libère pas les femmes mais ne fait que perfectionner leur répression" - Elena (Lenù) est sidérée par une telle hardiesse dans la façon de penser aussi librement, hors les grands principes qui maintiennent la femme soumise aux lois du patriarcat aussi intransigeant qu'irréductible.
"La femme est l'autre face de la terre" - et celle là semble proche de celle que la narratrice Elena Greco admire et rejette à la fois : Lila (Raphaëlla Cerullo) intraitable, directe, de celles qui ne se laissent pas dicter ce qu'elles doivent penser, choisir et faire par qui que ce soit, homme ou femme.
Il s'agit ici, bien au-delà du féminisme latent, d'une volonté manifeste d'indépendance des femmes. Elena, en faisant ce constat pour elle même, comprend que les femmes doivent réapprendre à penser bien au-delà des codes . L'érudition ne suffit pas pour s'imposer, il faut aussi la manière, la pugnacité ce que Lila possède sans avoir fait d'études secondaires et universitaires.
Pages 428 à 432 Panégyrique de la mère de Marcello et Michele versant dans l'outrance digne de "parrains" mafieux.
Ces hommes dans leur plus exécrable machisme, adulent leurs mères et méprisent les femmes qui se soumettent à eux et qui vivent dans leur sillage. Elle sont leur chose dont ils disposent à leur gré tantôt enjôleurs, tantôt brutaux...
Aux antipodes de ces hommes là, il y a Enzo, amoureux de Lila qui ne l'aime pas mais accepte sa compagnie rassurante. Il est son protecteur dévoué jusqu'à l'abnégation et pour cela rentrera progressivement dans la vie de Lila, aimant et fidèle hors toute passion. Enzo est la contre-image parfaite de Nino.
L'écriture tantôt fluide, tantôt concentrée, tantôt haletante, nous entraine dans ce chassé-croisé incessant entre les personnages de cette saga elle aussi prodigieuse, chamboulant nos émotions, bousculant nos attentes, renversant nos supputations... rien est définitif, tout est, à chaque instant, possible : le meilleur, le pire, l’inconcevable, l'apaisant, le douloureux.
Cette Saga est jubilatoire sans jamais être loin des réalités existentielles... Le livre IV prometteur, nous conduira-t-il à une apothéose tenant elle aussi du prodige ?
Lecture à suivre bien évidemment...
L'amie prodigieuse IV - L'enfant perdue - - Le Mirebalais Indépendant
Dès que l'on entreprend la lecture de ce quatrième et dernier opus de l'amie prodigieuse, l'intitulé nous obsède déjà... quel enfant sera perdue au cours de cette longue histoire ?... C'est e...
https://www.mirebalais.net/2021/04/l-amie-prodigieuse-iv-l-enfant-perdue.html
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