Réédition d'un article initialement publié le 13/04/2007 à 22:39
Ce Dimanche des Rameaux, souvenir d'un joyeux compagnon qui nous a quitté, au cours de la Semaine Sainte il y a 24 ans...
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C’est dans le cadre de la semaine Sainte que j’aurai dû publier cet article …
Cela fait un peu plus de 10 ans, nous perdions Jean-François, un de nos valeureux compagnons …
S’il y eut des instants pénibles à vivre au cours de notre pratique professionnelle, il en fut aussi des biens plus douloureux comme de trouver, au lever matinal, un compagnon mort dans son lit…
Ce mardi 25 Mars 1997, j’ai fait ce terrible constat … Jean-François avait passé le seuil au cours de la nuit, il avait 45 ans … Je vous passe les émotions du moment… Il fallut d’emblée, gérer la situation sans affoler les autres résidents. Marc, son compagnon de chambre, ne s’était rendu compte de rien… La veille, Jean-François avait fait un malaise à table et j’avais dû le coucher. Il était fiévreux avec 39°5 … J’appelais aussitôt le médecin du Centre qui constata le malaise et mit en route le traitement habituel, ce fait étant coutumier avec Jean-François … Après la réunion de synthèse du lundi soir, retournant à sa chambre, avec mon épouse, nous constations qu’il avait vomi, j’appelais à nouveau le médecin qui rappliqua aussitôt. Nous avions commencé à le changer ainsi que ses draps souillés ce qui n’était pas une mince affaire tellement il était affaibli. En présence du médecin, il a encore vomi puis déféqué, ce qui nous valut de le changer une nouvelle fois..… Le médecin lui administra une piqûre pour le réhydrater … Jean-François reprit des couleurs et finit par s’endormir, son pouls et sa respiration étant redevenus réguliers …Il était une heure trente du matin … Lors de mes passages, au cours de la nuit, il dormait, respirant normalement et n’avait plus vomi …
Jean François avait un foie en piteux état suite à une grosse hépatite contractée quinze ans plus tôt… En conséquence, son foie était particulièrement nécrosé, comme celui d’un alcoolique (lui n’ayant jamais bu une seule goutte d’alcool de sa vie) D’un point de vue médical, nous savions que cela avait gravement entamé son capital vie … Une fois par an il faisait un séjour en hôpital pour contrôler l’évolution de son état hépatique et avait un régime alimentaire stricte dont il savait fort bien s’accommoder…
Bien sûr, ce soir là, son malaise nous avait alerté mais comme il en faisait assez régulièrement, (accès de fièvre et vomissements) et du fait qu’il avait retrouvé le sommeil, le médecin remit au lendemain l’éventualité d’un transfert à l’hôpital …
Il n’eut pas à y aller … Dur dur !…
Mais avant… Qui était Jean-François ?
Jean-François était arrivée à l’âge de 13 ans, l’année de l’ouverture du Centre Saint Martin en 1965. Ce qui avait motivé son placement en institution spécialisé tenait au fait qu’il était un « sujet » trisomique…
Évocation :
L’Enfant :
Jean-François aimait les belles, les fines couleurs comme celles dont nous gratifie la Nature et qu’il savait bien observer … Il s’émerveillait devant un coucher de soleil faisant flamboyer le ciel, il s’extasiait devant un joli bouquet de fleurs champêtres et pouvait, des heures durant, contempler les belles images d’un livre d’Art…
Jean-François aimait aussi le mouvement, qu’il percevait à travers la course des nuages dans un ciel de tempête autant qu’à travers le cliquetis des braquets au passage d’une course cycliste … Cette joie de vivre le transportait spontanément vers tous ceux de son entourage auxquels il témoignait sa grande affection
Jean-François a toujours eu besoin d’une mère et quand il a perdu la sienne à laquelle il vouait un immense amour, il a cherché auprès de toutes braves femmes qui lui ouvraient leurs bras, leur cœur, cette chaleur maternelle si réconfortante pour lui et si bienfaisante pour elles…
L’amuseur :
Jean-François adorait la plaisanterie, surtout celles dont il pouvait être l’auteur… Au jardin où il travaillait, d’une bêche, il faisait une guitare et, par là même, un numéro qui faisait se plier de rire les témoins de son spectacle improvisé…
Au quotidien, Jean-François laissait toujours une large place à la fantaisie, transformant toutes morosités en joies et redonnant leur sourire aux plus taciturnes, cela par un mot drôle, une mimique, une attitude exprimés avec le talent d’un véritable comédien . Et, bien sûr, Jean François se régalait vraiment, quand, à leur tour pour son plaisir, d’autres s’employaient à le faire rire …
Le mélomane :
Jean-François jubilait intensément à l’écoute de toutes musiques mais il a affiné ses goûts, surtout, à Saint Martin. Il explosait véritablement de joie aux accents de « La Marche Turque » et ses yeux brillaient comme diamants en pleine lumière quand l’orchestre vibrait des harmonies d’une grande symphonie … Et puis, lorsque Jean-François avait l’occasion de chanter en chœur, il rayonnait, sachant mêler sa voix à celles de ses compagnons dans le parfait unisson …
L’Homme de Fêtes :
Parce que la Fête est ce moment unique qui rassemble les hommes et qui, par son contenu, les rend meilleurs les uns envers les autres, Jean-François affectionnait particulièrement la Fête ; là où l’atmosphère amicale, la chaleur des cœurs, voire, l’enthousiasme des foules pouvaient se déverser, non pas dans une bacchanale furieuse, mais en une œuvre d’art sociale, faite d’instants de joies, sans débordements et, en certaines occasions, de recueillement ; ces moments donc, où l’on respecte l’autre, où nous l’accueillons, nous l’écoutons, comme l’ami, Jean-françois les privilégiait dans sa vie…
Au cours de la dernière semaine de son existence, Jean-François nous a signifié vivement son désir de se joindre au groupe qui devait aller voir « La Passion à Ménilmontant » Cette demande était si forte, si intense, que Henri, l’un de ses camarades, lui a laissé spontanément sa place afin qu’il puisse y assister… Jean-François n’était pas inscrit sur la liste des participants à cette sortie spectacle…
Et parce que la fête, c’est aussi la nourriture des yeux et du cœur, lorsqu’elle se présente sur scène, c’est aussi parce qu’elle devient un message authentique pour l’âme, lorsqu’elle soulève les émotions et, enfin, se transforme en Amour Véritable, surtout quand elle glorifie l’Homme par la présence de Dieu en lui , et bien, c’est parce que, pour Jean-François, la fête était cela avant tout autre chose, qu’il a tant tenu, avant de nous quitter, d’assister, ce 23 Mars 1997, à cette représentation scénique des événements de la Semaine Sainte…
Le surlendemain, Jean-François nous quittait, ce Mardi Saint, aux premières lueurs du jour … à l’aube d’une résurrection pour lui, sa résurrection au Monde Sprituel...
Comme sur le tableau vu l’avant-veille, quand le personnage de Jésus s’avançant vers nous, au bord de la scène, dit : « Qui croyez-vous que je suis ? », Jean-François, se présentant à nos cœurs, nous interroge à son tour et dit : « Qui croyez-vous que j’étais ? »
Son passage sur Terre, loin d’être une succession de drôleries, n’a de sens que s’il nous fait nous interroger sur ce que nous sommes, nous-mêmes et sur ce que nous faisons de nos existences. C’était là sa véritable mission qu’accompagnait, sans le moindre relâchement, son Amour pour tout ceux qu’il a côtoyé ici-bas …
La Passion de Ménilmontant - le procès et la mort du Christ
Les mesures sanitaires ne nous permettent pas de préparer et de répéter notre spectacle. Nous remercions chaleureusement nos spectateurs qui, grâce à leurs dons, ont permis la survie de La Pas...