Pour récapituler, ma première voiture fut une Dyna Z, ma seconde, une 2CV, ma troisième, une Dauphine, ma quatrième, une Ford Anglia, ma cinquième une 4L et ma sixième ?…
…Une R6 TL Renault de 1971 …
Nous sommes au mois de Juin de l’ Eté 76, voilà 6 mois qu’avec Annie nous sommes mariés, Depuis le mois d’Avril de cette année, nous avons repris le travail à Saint Martin mais à mi-temps, c'est-à-dire à demi mois, pendant 15 jours nous sommes en Normandie, 15 autres jours je reviens en Poitou faire mes tournées en campagne visitant la clientèle de mon père et la mienne … Cette situation durera jusqu’à la rentrée de Septembre où nous nous engagerons définitivement à Saint-Martin au grand dam de mon père qui comptait sur moi pour prendre la relève dans la vente de produits pour le bétail …
En attendant nous sommes à ce début de l’été le plus chaud du siècle et la sécheresse sévit déjà … A cette époque nous habitions Saint-Savin un petit logement loué par Annie … Les grandes chaleurs, si elles ne sont appréciées de personne mettant à mal leur bien-être, elles ne le sont pas plus de notre 4L qui a de l’âge avec une mécanique à bout de souffle et dont le moteur chauffe anormalement… outil de travail pour le représentant que je suis occasionnellement, mais aussi véhicule pour nos déplacements courants, je m’inquiète à chaque fois que le témoins de chauffe s’allume sur le combiné de notre vaillante petite R4 verte … Elle a 9 ans d’âge et a accompli pas mal de kilomètres… il est grand temps de la changer … Discussion avec Annie, nous tombons d’accord pour acheter une voiture d’occase pas trop chère et en bon état…
En face chez nous, se tient le garage Citroën tenu par le fils de notre propriétaire du moment, Christian dit « Kiki » qu’Annie connaît bien. Parmi les occasions qu’il présente, j’avais repéré une R6 couleur tilleul. Un modèle à moteur 1100 cm3 de 1971… une voiture de 5 ans d’âge qui totalise 75000 kilomètres au compteur … Le prix de 3750F. nous convient d’autant qu’est reprise notre vieille 4L pour 1000 francs à déduire du prix de vente de la R6. Pour les 2750F. restant à payer, nous convenons d’un crédit court en 3 versement de 950F à la livraison, suivi de deux autres versement de 900F. à la fin des deux mois suivants …
Chaud devant, chaud dedans…
Le lendemain de cet achat, j’étrenne donc notre R6, en faisant la tournée des clients à visiter dans les Deux-Sèvres… Par rapport à la 4L, au volant, ce n’est pas le total dépaysement : La planche de bord, un peu plus moderne, a néanmoins conservé au centre, le levier de vitesse coulissant mais, cette fois, on dispose de 4 vitesses au lieu de 3. Les sièges plus cossus sont confortables et, à l’avant, sont équipées en option de 2 appuie-têtes comme ceux équipant la R16, fort appréciables surtout pour le passager, lors des longs parcours. Deux ceintures de sécurité mais sans enrouleurs font aussi partie de l’équipement… Comme dans la R4, la banquette arrière est repliable et dégage un volume de chargement sensiblement supérieur, la 5ième porte facilitant l’accès au coffre.
Sur la route, l’auto qui a conservé la plateforme de la R4 se montre bien plus véloce tout en restant aussi sûre en matière de tenue de route. Avec son moteur 1100 les accélérations sont bien plus franches, et la vitesse de pointe a gagné presque 30 km/h par rapport à la R4. Croiser à 110-120 ne pose aucun problème et, à cette allure, la mécanique se fait encore discrète. En fait, cette petite voiture s’avère agréable au quotidien autant pour sa fonctionnalité que pour sa conduite grâce à la souplesse du groupe motopropulseur et de ses suspensions au débattement bien maitrisé par un bon compromis de l’amortissement entre élasticité et fermeté.
A cette époque, c’est le type même de l’auto polyvalente, à l’aise en ville et efficace sur route…
Telles furent mes premières impressions lors de ma prise en main, au cours d’une de ces chaudes journées du mois de Juin 1976 où le ciel bleu sans le moindre nuage devient blanc éblouissant au zénith. En fin de matinée, le thermomètre avait grimpé à plus de 33 ° !…
Il est 14H dans la plaine d’Assais quand je tombe en panne … Pas un seul coin d’ombre. Le soleil tape dur. Je fais 2 kms à pied pour gagner une ferme d’où j’appelle un dépanneur qui arrive une heure et demi plus tard … C’est un problème de carburation dont il a du mal à venir à bout. La réparation enfin effectuée, il me dit que le moteur ne tourne pas vraiment rond et que, par moment, le temps de compression semble escamoté sur un des cylindres. A son avis le joint de culasse doit certainement être claqué… En rentrant, ces désagréments mécaniques sont de plus en plus manifestes…
De retour à Saint-Savin, particulièrement surchauffé par la chaleur extérieure et un bouillonnement intérieur consécutif au fait que, sur cette belle occasion, je me suis bien fait avoir, je déboule furax dans le garage de mon vendeur… Kiki, le patron s’en prend une « ronflée » qui le laisse coi … Je l’oblige à venir faire un tour dans la R6 et se rendre compte par lui-même du désastre mécanique … Son mécano en chef, monte aussi à bord … Ils se mettent à l’évidence : par moment, la voiture a de singulières pertes de puissances …
Résultat des courses, cette mécanique est nase ou presque… Pas d’autre solution que de refaire le moteur… mais pas à mes frais. SVP ! Du coup ça gueule pas mal dans la strasse mais devant ma détermination on convient d’un arrangement où, pour cette réfection, je contribue au coût des pièces de rechange mais pas à celui de la main d’œuvre. De plus l’opération sera garantie … Va pour ce coup de fouet mécanique !…
Quand trois jours plus tard, je récupère la R6, c’est une auto avec moteur refait à neuf dont je dispose … une mécanique qui se trouve donc en rodage … je ne vais pas la bousculer c’est juré !…
En fait nous n’aurons plus de déboire avec cette auto qui nous donnera entière satisfaction et avec laquelle nous parcourrons plus de 60000 kms avant de la changer deux ans plus tard …
Voici quelques anecdotes qui ont fait que jamais nous n’oublierons cette auto …
76, une année chaude et, dés le mois de Juin, Annie se trouve enceinte, le bébé est prévu pour le mois de Février suivant. On s’équipe donc en conséquence … A la fin des vacances d’Août alors que je charge sur la galerie les éléments démontés du petit lit en bois prêté par sa sœur, un orage éclate. Pendant l’arrimage sur la galerie, à chaque passage des nombreux camions passant sur la nationale que borde notre logement de Saint-Savin, je reçois des trombes d’eau… C’est à ce moment qu’arrivent les deux représentants de la GPA pour renouveler notre contrat d’assurance multirisque maison et responsabilité civil. Trempé comme une serpillère non essorée, je les accueille avec « fraîcheur » et beaucoup d’agacement … En réalité, je me suis changé trois fois dans l’heure qui a précédé notre départ …
Notre chien Kiki (oui il s’appelait Kiki lui aussi…) était de toutes nos sorties. Il voyageait sur la plage arrière où il adorait surveiller la route. A chacun de mes coups d’œil dans le rétroviseur intérieur, j’avais le reflet de sa gueule noire aux yeux grands ouverts et aux oreilles pendantes… Le Dimanche 20 février 1977, à la clinique Sainte Marie de Vernon, est née notre fille Amélie. Les jours suivants, j’allais passer mes après-midi à la maternité. J’emmenais Kiki lequel restait dans la voiture. Un soir en rentrant à Etrépagny, alors qu’en sortie de ville, j’entamais la série de virages en montée de la RN181, jetant un coup d’œil dans le rétroviseur extérieur, j’aperçus les passagers de la voiture me suivant qui se « fendaient franchement la pêche »… Au même moment, une odeur bien particulière envahissait l’habitacle, tandis que le rétroviseur intérieur, me renvoyait l’image d’un spectacle peu ordinaire : notre teckel le dos arqué, la queue légèrement relevé me déposait un magnifique colombin sur la plage arrière… N’y tenant plus, mon pauvre chien avait cédé à ce besoin naturel… Je m’expliquais le pourquoi des sourires goguenards des passagers de l’auto me suivant qui eux avait une vue directe sur l’événement … Clignotants arrêt d’urgence …
Historique du modèle Renault R6 TL
Dans les années d’après guerre, notre constructeur le plus national sous l’appellation de Régie Nationale des Usines RENAULT, avait relancé l’outil de production en construisant surtout des petites voitures à moteur arrière dont l’architecture simple, revient à de moindre coût … C’est à partir des années « 60 » dans la refonte de la gamme que le constructeur au losange, en vient, 27 ans, après Citroën, à la traction avant qu’il adopte en 1961 sur la R4, en bas de gamme puis en 1965, sur la R16, en haut de gamme… Opérant le remplacement progressif de ses modèles de moyenne gamme encore équipés du « tout à l’arrière » comme les R8 et R10, pour combler, le vide entre la R4 et la R16, Renault planche sur un nouveau projet, le N° 118 qui aboutira à la sortie de la R6 en 1969. En fait la nouvelle venue sera le produit bien métissé entre la petite Renault traction avant de base et la grande Renault traction avant du haut de gamme. Une bâtarde ayant adoptée la plateforme technique de la R4 et, en réduction, le style de carrosserie de la R16… La silhouette de l’auto si elle n’est pas particulièrement esthétique n’en est pas pour autant disgracieuse. Entre voiture populaire et bourgeoise, la R6 s’intercale comme étant le compromis idéal et passe-partout.
Passe-partout, la nouvelle Renault 5/6cv l’est puisque elle peut aussi bien être à l’aise pour circuler sur des petits chemins en campagne que sur l’asphalte des grandes nationales et les pavées des villes, dans des conditions de confort bien moins spartiates que celui de la R4 mais presque aussi cossu que celui d’une R16 … De ces deux modèles elle hérite de ce type de carrosserie à 5 portes qui caractérise toutes les nouvelles berlines de la marque et qui, à l’usage, les rend aussi fonctionnelles et pratiques à vivre qu’un break …
Caractéristiques techniques de la R6TL modèle 1971 – 6cv
- Moteur : 4 cylindres à soupapes en tête actionnées par culbuteurs commandés par arbre à cames latéral - Cylindrée 1108 cm3 (70X72mm) – Taux de compression : 8,3 – Puissance 45 Ch. DIN à 5300 tr/mn . Refroidissement par circuit hermétique et vase d’expansion – Alimentation par carburateur simple corps – Allumage électronique intégral.
- Direction à crémaillère
- Freins hydrauliques non assistés avec disque à l’avant et tambours à l’arrière, avec répartiteur de freinage..
- Suspension avec roues indépendantes à l’avant et barres de torsions longitudinales ; à l’arrière avec roues indépendantes et barres de torsions transversales – 4 amortisseurs hydrauliques télescopiques sur chaque roue.
- Pneumatiques à carcasse radiale : 145 X 330.
- Dimensions : Empattement : 245 cm à droite , 240 cm à gauche – Voies, à l’avant : 128,5 cm , à l’arrière : 125 cm – Longueur : 385 cm , largeur 153,5 cm, hauteur 147,5 cm .
- Poids : 820 kg
- Capacité coffre de 380 à 1190 dm3 …
- Vitesse maxi : 135 km/H
- Consommation moyenne : 7.6 l au 100 kms
- Prix du modèle 1971 : 9990 F.
Entre 1969 et 1980, c’est 1 674381 exemplaires qui furent produits . En 1971 avec 236177 unités , la R6 se trouve être la 3ième voiture la plus vendue cette année là derrière la R4 (279 069 unités) et la R12 (254 816 unités ), faisant de Renault le premier constructeur généraliste français .
Photos et illustrations de haut en bas, de gauche à droite :
- La R6 à l'identique de celle que nous avions
- Été 76 , à Saint-Savin, nos premières vacances de jeunes mariés .(ça se voit ...) avec, devant notre R6, les parents d'Annie. Mon beau père tient Kiki en laisse...notre teckel bien sûr, pas le patron du garage ...
- Un jour de congé de cet été 76 à Dieppe, pose pique-nique ...
- L'Année suivante encore à Dieppe : Bébé dans le landau, Annie et, en arrière plan, Kiki le teckel ...
- Une R6, vue de profil
- Intérieur et planche de bord
- Écorché technique de l R6