- Réédition d'un article publié le 15/11/2007 -
La pollution est une préoccupation de notre temps qui mobilise bon nombre d’esprits mais, généralement, c’est sous la forme des nuisances faites à la nature et, d’une manière générale, à tout « l’être » de la terre, que cette pollution est envisagée pour qu’ensuite, en en décelant les causes, nous déterminions les moyens de la combattre, voire d’en endiguer le trop plein …
Qu’une pollution d’un type bien plus subtil, s’adressant, cette fois, à la nature psychique des êtres vivants dont l’homme, puisse être dénoncée, voila qui est encore exceptionnel …
Pourtant, nous baignons dans un monde où, entre autres fortes impressions liées à notre actuel mode d’existence, l’impacte de l’image sur nos personnes et sur notre vie affective est considérable et bien souvent déterminant quand on le rapporte à nos comportements…
L’image différée ou pas, aujourd’hui colportée par l’éventail de toutes sortes d’écrans, est de plus en plus mobile, fugace, sonore, percutante, traumatisante aussi, par sa volubilité, sa forme et son contenu …
Il est vrai que nous sommes dans un monde où tout bouge de plus en plus vite, où la précipitation, la mouvance sous toutes ses formes sont de mise. A l’ère supersonique, du TGV et de l’Internet, tout s’effectue rapidement, avec vivacité, empressement, il ne s’agit pas de traîner ni de perdre son temps (bien que …) Il est donc évident que tout autour de nous, en conformité avec cette accélération dans notre rythme de vie, la fréquence et les cadences des images produites soient également super activées …
Les images ne devraient pas être les seules mises en cause car, vont avec, les sons, et toutes les impressions captées par nos sens : odeurs, goûts et contacts avec la matières, les matières en rapport avec les 5 sens classiques (Il en est d’autres, des sens mais c’est un tout autre sujet …)
Tel que je présente les choses, ici, en tant que pollutions de l’âme, il apparaît que je privilégie l’impact des images face aux autres sources et formes de pollutions pouvant affliger l’âme…
Le fait est, que dès que l’on se réveille, même suite à une émission sonore quelconque, ouvrant les yeux, le monde « rentre » directement en nous par le canal visuel … On est d’abord imprégné et vite submergé par l’image, les images de notre environnement, c’est à ce titre que je m’en réfère surtout aux impressions visuelles pour développer le présent sujet, demeurant conscient que d’autres formes de pollutions existent, s’adressant à l’âme …
Ainsi impressions lumineuses, couleurs, formes, mouvements, viennent nous assaillir dès que nous ouvrons les yeux …
Retenez bien cet exemple car il est capital pour saisir la suite de ce propos… En effet, sans l’émergence de notre conscience s’appuyant sur des concepts, le monde perçu est immédiatement caustique et agresse directement l’âme. Il faut dresser la barrière de notre conscience pour appréhender toutes les impressions qui sans, cette présence d'esprit, percutent notre psychisme et l’irrite fortement …
Entre parenthèses, voilà un peu de ce que ressentent certaines personnes dites «autistes» qui ne peuvent conceptualiser (dans le sens de re-connaître, identifier et donc se rassurer) certains éléments, voire tous les éléments de leur entourage (objets, comportements, paroles, propos, événements)
Nous, individus lambda, nous nous familiarisons à notre environnement par le truchement des habitudes prises, de la mémoire et ce qui va avec la mémoire, l’oubli …
Il n’empêche que la somme, des impressions, des images (toujours envisager la forme ou l’apparence matérielle et le contenu de l’image) est de nos jours si dense, si saccadé, que notre possibilité de les dégurgiter, de les digérer, devient de plus en plus difficile, voire impossible. Ces impressions descendent alors dans notre inconscient et induisent, à notre insu, notre vie intérieure, notre psychisme à travers nos affectes, nos réactions, notre compréhension des événements …
En résulte des quantités de comportements révélateurs des pathologies classifiées comme psychose ou comme névrose…
Voici, un exemple significatif du caractère pathogène de « l’image » (entendez de la somme d’images) lié à la procédure de leur diffusion et ce à travers les films contemporains :
L’image cinéma, l’image télévisuelle, l’image vidéo a subi cette accélération, cette extrême vivacité de notre mode de vie… Les films sont une incroyable succession de scènes mises en images se déroulant à une vitesse bien supérieure à la réalité espace-temps du contenu qu’elles veulent traduire. Ainsi on passe très vite du présent au futur et au passé avec des va et vient entre ces repères dans le temps, s’effectuant sur un rythme de plus en plus précipité. La cohérence de l’action s’en ressent et est, en tous cas, complètement déconnectée de la réalité. Ce sont des monuments d’images en flash, en flash back et de projections brutales dans l’avenir … souvent étayés par des dialogues à l’emporte pièce ; il faut une extrême attention pour suivre et comprendre… (Je sais, je suis vieux, et plus lent au niveau intellectuel … Passons …)
Il en demeure pas moins vrai que ces procédés relèvent d’un état schizophrénique … Ne nous étonnons pas que beaucoup de jeunes aient énormément de difficulté pour développer une idée, un raisonnement si, le cinéma, la télé, les jeux vidéos etc. ne constituent que leur seule culture.
Entendez que si ils délaissent la lecture ou la simple observation paisible de ce qui constitue leur environnement, ils n’ont, en fait, aucune réelle capacité cognitive et pondérée à disposition pour « digérer » ces impressions trop abondantes, trop fluantes et trop fortes qui les assaillent venant du virtuel et d’univers sortis tout droit de la fiction …
Un autre exemple significatif de cette pollution de l’âme par l’image, concernant, cette fois son contenu, je le relèverai simplement dans la qualité esthétique de l’environnement et là, sans entamer le sujet, on a tôt fait de constater que le citadin est logé à moins bonne enseigne comparé au villageois vivant en campagne … Il est évident que de n’avoir au saut du lit que des façades mornes bétonnées, en tant que paysages, n’offrent pas à l’âme des habitants de ces lieux, un spectacle aussi apaisant et bienfaisant qu’une vue directe sur des coteaux verdoyants, des monts scintillants, une mer mouvante à la blanche écume …
S’ajoutent à cela les scènes tumultueuses de la vie quotidienne, l’excitation qui en résulte, les multiples artifices urbains qui n’ont rien en commun, s’agissant de leur caractère, stressant en ville et quiet en campagne …
Attendez ! Je vous vois, hurler… je sais … beaucoup d’entre vous n’ont pas eu la possibilité de choisir leur lieu de vie… ici, je ne veux pas retourner le couteau dans la plaie, à l’égard des personnes qui, en grande majorité, vivent dans les agglomérations, je veux simplement attirer leur attention sur ce que représente la qualité de l’environnement et par là, faire entrevoir comment celui-ci peut influencer notre vie intérieure, si on ne se défend pas un tant soit peu, contre toutes ces « agressions » de notre vie moderne trépidante …
J’en reviens maintenant à l’exemple de l’énigmatique destin de Kaspar Hauser, cet enfant coupé du monde, pendant au moins quinze années, qui n’a pratiquement reçu aucune éducation, qui, en découvrant brusquement un simple paysage par le fenêtre, hurle de frayeur parce qu’il ne peut mettre un nom sur ce qu’il aperçoit … Lui, à cause de sa séquestration est comme « vierge » de toutes impressions et quand il découvre un seul pan des réalités de ce son environnement naturel, n’ayant que peu d’éveil de la pensée conceptuelle, il réagit comme un écorché vif à cette première vision d’un parc arboré …
Nous, nous n’en sommes pas là… Pourtant, chacun, en sa demeure, considérant, combien de choses, de personnes, d’événements, nous rencontrons au quotidien auxquels s’ajoutent tout le contenu du virtuel transmis par nos écrans, de cette foison d’impressions, combien demeurent présentes à notre esprit et combien, sondant notre mémoire, en faisons nous ressurgir à notre conscience, nous constatons alors, que c’est une grande part que nous avons oublié qui donc, subsistent dans notre inconscient comme déposées dans une boîte à déchets, déchets qui, bien sûr polluent et, ici, polluent l’âme, à notre insu…
Oh, attendez, chers amis lecteurs, le farfadet n’est point saint homme ni homme plus sain que d’autres, que nenni, je vis comme vous avec mon temps, et ayant abordé ce sujet, je ne crache pas sur notre monde même si on peut le juger aussi imparfait, parfois sordide et enlaidi, non, car il nous reste la possibilité de poser nos regards sur ce qui est beau, noble, authentique… Même en habitant au cœur des cités, il n’est pas besoin de faire des centaines de kilomètres pour trouver ces qualités qui vivifient l’âme, parfois il suffit de regarder autour de soi et c’est aussi tout proche quand on sait où porter son regard et où ne pas le porter... La liberté elle est bien dans les choix que nous faisons en connaissance de cause …
Il est évident qu’à la lecture ce vaste sujet n’est pas clos, qu’il n’est qu’à peine ébauché …et mériterait donc un développement bien plus approfondi, je pense que vos réactions vont certainement orienter le débat et permettre d’avancer car il est moins question de remettre en cause ce monde tel qu’il s’offre aujourd’hui à notre regard, que de savoir, en tant qu’individu, se préserver des influences néfastes qui en émanent et dont nous sommes, au premier chef, les auteurs …
Je termine par cette sentence :
« En ce bas monde, l’Esprit est bien la seule véritable lumière qui porte son éclairage sur les êtres et les choses. Ainsi pour avoir une saine compréhension du monde où nous vivons, il ne suffit pas de ne considérer que les sujets et objets ainsi éclairés mais surtout, d’appréhender par la conscience ce qui, à la source, les met ainsi en lumière … »
* Kaspar Hauser : fr.wikipedia.org/wiki/Kaspar_Hauser