Dans le téléfilm "Tu ne tueras point" diffusé su F.2, ce mercredi 3 avril 2024, la plaidoirie finale de Me Marchand, avocat pénaliste, ex ténor du barreau (Samuel Le Bihan), pour soutenir la cause, à priori non défendable, d'Elsa Sainthier (Natacha Régnier) une mère infanticide, est un exposé oral d'anthologie. Cette scène de 15 minutes portée par un texte à la forte résonance, empreint d'humanité, met en exergue cet autre rôle de la justice qui, au-delà du jugement et de la sentence, est de tenter de comprendre* et de faire comprendre* aux jurés, à l'auditoire mais aussi à la société accusatrice et aux médias vent debout, quels tenants et aboutissants conduisent les prévenus cités à la barre, à commettre l'irréparable.
Quant aux paroles en conclusion, elles mettent, elles, en avant la compassion énoncée avec force par l'avocat. Il est mentionné que lors du tournage de cette scène, à l'issue de cette plaidoirie époustouflante, c'est toute la salle, les magistrats consultants invités en coulisse, ainsi que les réalisateurs et tous les opérateurs autour, qui se sont levés comme un seul homme pour applaudir à tout rompre...
Note : * comprendre : en prélude au procès il y a l'instruction... n'est-il pas concevable qu'elle se retrouve aussi lors du procès, cette fois, destinée au public, en tant qu'enseignement... La justice à côté de ce qu'elle relève et condamne, a aussi une mission pédagogique devant toucher les consciences.
La compassion pour le partage...
Elsa Sainthier a commis l'irréparable en poussant à l'eau pour qu'elle s'y noie, sa fille de 12 ans, Clara, polyhandicapée, affectée en outre du spectre autistique le plus grave. Elle n'a pas fait cela par dépit, désespérance ou renoncement après des années de soins, d'accompagnement dans chaque acte du quotidien, de tentatives d'éducation et de rééducation. Non ! C'est par amour nous dit-elle, parce que sa fille était lasse de cette gangue opaque qui l'emprisonnait et l'empêchait de communiquer avec tout son entourage. Une souffrance insoutenable qu'elles partageaient toutes les deux : la mère et la fille confrontées quotidiennement aux crises imprévisibles, aux accès de violence répétitifs, aux rebellions incompréhensibles... Un mur d'enceinte d'une forteresse imprenable que cette mère aimante a voulu franchir puis abattre sans jamais y parvenir parce qu'en plus, face à cette désolation elle s'est retrouvée seule sans aide y compris sans celles des structures d'accueil qui, l'une après l'autre, ont renoncé tant le cas dépassait leurs compétences et leurs capacités à faire progresser.
Me Marchand sollicité par la mère de la prévenue pour défendre sa fille commence par refuser l'affaire puis vient à rencontrer Elsa en prison. Face à lui ce sont une montagne de mutisme et un ferme repli sur soi qui le décident finalement à assister cette "cliente" abattue qui ne nie absolument pas sa culpabilité et a définitivement capitulé, renonçant à toute défense légale. La souffrance est à son comble. son avocat va s'en saisir et la prendre, lui aussi, à son compte.
Comprenez là, qu'il ne s'agit aucunement d'excuser et de légitimer cet infanticide, cela reste un acte criminel tombant sous le coup de la loi, un meurtre innaceptable que la Justice doit impérativement sanctionner et pénaliser en condamnant son auteur à de la prison ferme.
On en arrive à ce stade qui, de l'empathie mène à la compassion...
La compassion et le sentier octuple
Si la pitié tient de l’émotionnel ponctuel et se manifeste momentanément, pouvant aussi s'accompagner de condescendance, la compassion implique le partage des souffrances d'autrui pouvant s'ensuivre d'une assistance morale et (ou) physique qui se prolonge dans le temps. Compatir va jusqu'à souffrir avec l'autre, ressentir ce qu'il éprouve d’insupportable et douloureux puis de l'accompagner sur le chemin de la rémission.
Le noble sentier octuple qui, selon la religion bouddhiste conduit l'adepte vers l'illumination, comporte ces 8 étapes :
- la compréhension juste.
- la pensée juste.
- la parole juste.
- l'action juste.
- les moyens d'existence justes.
- l'effort juste.
- l'attention juste.
- la concentration juste.
On remarque ici, la répétition systématique du qualificatif *juste* et forcément on se demande que doit-on comprendre par juste ?... Qu'est-ce qui nous assure que ce "juste" correspond véritablement et j'ajouterai sincèrement, à ce qu'il qualifie ainsi. Envisageons les à partir de la compassion qui nous extrait de notre ego.
- La compréhension juste sera celle de l'observation méticuleuse et l'écoute attentive des faits et des agissements des personnes, nullement induites par mes émotions et mes codes de vie personnels
- La pensée juste sera celle de l'objectivité jamais impactée par un quelconque sentiment personnel mais uniquement "nourrie" par la quintessence de son contenu.
- La parole juste, issue du silence paisible, ne peut être porteuse que des contenus de la pensée juste et s'accorder à la vérité comme vibration sonore de la réalité.
- L'action juste ne peut être que la résultante des 3 étapes précédents : de l'aperçu, du penser et de la parole justes, où se cultive la paix intérieure.
- Les moyens d'existence justes sont ceux qui prennent en compte les intérêts d'autrui avant les miens, sachant que ce que j'entreprends sert en priorité les besoins de la communauté ou de la société qui me le rendra puisque je m'y inclus.
- L'effort juste est celui qui m'implique le plus dans dans le présent où, l'agir dans l'intérêt de tous et de moi-même, n'est que la réponse pour parer à l'indispensable, et à l'essentiel, excluant le superficiel et la procrastination.
- L'attention juste me fait considérer la valeur de toutes choses, pensées, paroles et actions à la lumière du seul profit universel, devant m'enrichir à la fois d'objectivité et de vérité.
- La concentration juste est celle qui lie mon ego à la pensée universelle, me rassemblant à cet hyper-centre pour rejaillir à la périphérie métamorphosé en germe d'Amour.
Hors tout prosélytisme : Juste et Justice // Autisme et Amour. Du repli sur soi à la Compassion, le chemin est celui du retournement que l'on trouvera dans la méditation *Point / Cercle*.