* Réédition d'un article publié le 4/03/2016, motivée par ces circonstances :
Dans le numéro 252 du « Picton » édition de Novembre-Décembre 2018, revue toujours richement dotée en rubriques valorisant l’histoire de notre région et son patrimoine, a été publié un article qui a retenu toute mon attention, relatant la venue du spectacle « Buffallo Bill’ Wild West » dans quelques villes du Charente Poitou entre le 30 Août et le 6 Septembre 1905, passant successivement dans les villes de Thouars, Châtellerault, Poitiers, Angoulême, Saintes, Rochefort, La Rochelle et Niort. Un spectacle époustouflant par les rétrospectives scénographiques sous la forme acrobatique et équestre des combats entre les conquérants blancs et les Amérindiens sur le sol Nord Américain. Un spectacle de grande envergure jusqu’à là inégalé, exigeant une logistique considérable lors des déplacements : transports, montages, démontages, entretien des matériels. Mais aussi une intendance de grande envergure au niveau des vivres à pourvoir pour les animaux et les hommes figurant mais aussi préparant, organisant matériellement chaque représentation : parades et exhibitions. Tout ceci dans le cadre d’une tournée magistrale à travers 114 villes de France entre le 2 Avril et le 12 Novembre 1905.
A la lecture de cet article bien documenté, resurgit en moi celle du roman : « Tristesse de la terre » d’Éric Vuillard (Prix Goncourt 2017 pour : « L’ordre du jour ») J’en fis la présentation et le résumé qui suit, ayant été profondément touché par les descriptions et l’analyse qu’en fait l’auteur allant à le plus souvent à contrario du succès remporté par cette tournée auprès des foules et chroniqueurs de l’époque.
Que peut-il bien y avoir derrière ce titre de récit publié chez « Actes Sud » ?
Il faut mettre le nez – le mien est proéminent – dans l'ouvrage pour le découvrir...
Et alors vous vous trouvez au cœur du spectacle... car c'est bien d'un spectacle qu'il s'agit et pas le moindre historiquement parlant... celui mis en œuvre et présenté par le célèbre éclaireur et chasseur de buffles Buffalo Bill, sous le nom de « West Wild Show » de 1883 à 1913... 30 ans !...
L'Ouest Sauvage en spectacle, imaginez un peu des chevauchées infernales sur les territoires de multiples tribus indiennes, à cette époque de la conquête de l'Ouest par les colons blancs d'origine européenne venus faire florès en Amérique...
Sans cesse repoussées, ces tribus n'ont d'autres choix que celui de céder de leurs espaces de vie à l'envahisseur mais non sans combattre âprement, car l'Indien, quelque soit son appartenance tribale, est avant tout un guerrier, un chasseur qui a sa fierté et sa dignité. Nombreux sont ceux qui préfèrent la mort à la soumission...
Puis il y eut l'ultime bataille de Wounded Knee, un massacre perpétré par les troupes du colonel James Forsyth assistées de la milice armée d'éleveurs pourchassant les sioux. Une poursuite de camp en camp entamée dans la confusion avec l'exécution de Sitting Bull et s'achevant par la mise à mort de 300 amérindiens (hommes, femmes et enfants) 51 survécurent, prisonniers ou blessés. C'était le 2 janvier 1891...
Eric Vuillard nous décrit ce triste épisode dans une langue poétique puis nous présente la sinistre attitude opportuniste de Buffalo Bill s'étant rendu sur les lieux du drame, venu sous prétexte de se recueillir sur la dépouille de Sitting Bull qui avait participé à son spectacle en 1885 mais surtout pour récupérer ce qui restait du campement des sioux et des cheyennes de Big Foot et pour enrôler quelques sioux Lakota dans son spectacle où, dorénavant, cette tragédie constituera le clou.
Les amérindiens sont des nomades qui n'ont pas le sens de la propriété concernant le sol ; pour eux, la terre est à tous, il suffit d'être à temps au bon rendez-vous pour en récolter les fruits... c'est bien là, au delà des envies de posséder et dominer des uns, se confrontant à la vénération de la Nature des autres, que s'opère le choc des cultures qui conduira l'homme blanc à éclaircir les rangs de ces peuplades indiennes d'Amérique du Nord et en acculer progressivement et irrémédiablement les survivants dans des réserves dont la superficie diminuera sans cesse, au fur et à mesure que ces colons accapareront et exploiteront des terres vierges.
Bien avant les scénographies de plein air aujourd'hui renommées comme celles du « Puy du Fou », Buffalo Bill avait mis sur pied un tel spectacle aussi grandiose et fastueux, un spectacle qu'il a colporté à travers l’Amérique mais aussi en Europe. Il était à Nancy avec tout son arsenal, équipages, acteurs et machinistes quand s'est déroulé le triste et bien sombre événement de Wounded Knee. Il fit alors le voyage aller puis retour, rajoutant à son spectacle des scènes de guerre se rapportant à cette bataille.
Le voyeurisme éhonté pour la violence, les combats et la domination des « civilisés » sur les « sauvages » est aux sources d'une telle production. Le spectateur n'est pas forcément une gentille personne qui se rassure en se contentant de cette morale voulant nécessairement que les forts dominent, à bons droits, les plus faibles, les moins évolués, les plus primitifs, les plus grégaires, et surtout, encore pas « christianisés »...
Alors, ces Indiens, dans leurs accoutrements bizarres, coiffés de plumes, tirant à l'arc ou à la carabine tandis qu'ils chevauchent, à cru et au grand galop, leur rapides appaloosa, puis roulent au sol avec agilité et y rampent comme des serpents, cela fascine les foules qui poussent des Hourra triomphants quand ces guerriers gisent, nez contre terre, abattus par le soldat blanc ou par des cow-boys d’opérettes...
Déjà à cette époque, il y a plus de 130 ans, d'énormes moyens étaient mis en œuvre pour présenter un tel spectacle annoncé par des affiches publicitaires au graphisme soigné et réaliste...
Page 89, nous lisons ceci :
Il serait très étonnant que vous ne ressortiez pas de cette lecture profondément bouleversé.