Un siècle s'est écoulé depuis la proclamation de l'armistice mettant fin à la plus terrifiante des guerres avec ses millions de morts sur les champs de bataille et ses centaines de milliers de familles endeuillées...
L'humanité, l'homme, allaient-ils en retirer une leçon significative pour enfin éviter ces carnages, cette sauvagerie, cette acharnement à détruire et à nuire tout ce que la vie érige, transforme et fait évoluer, tout ce que âme anoblit par amour et par efforts sans cesse renouvelés ?
Nous savons qu'il n'en fut rien et que le pire peut encore succéder à l'horreur jusque dans la surenchère de l'immonde...
Roule le feu, perce le fer, et mord le froid …
Casque sans tête, tête sans tronc, tronc sans ses bras ;
Vision d’enfer, trous de misères, regards d’effroi,
Casque trop clair, rai d’un éclair et succombera…
Boue des ornières, tranchées en terre, rien n’est plus droit
Nuit en plein air, ciel sans lumière, dort sans ses draps…
Roulement de tonnerre, cri des guerrières, signes de croix ;
Ombres fantoches, pluie meurtrière, mains pleines de gras…
Champs ravagés, sillons sans fin, fin d’un endroit…
Rides hideuses, plaies d’une terre, sonne le glas !
Nouvelle tanière, tremble pas fier, l’obus tout broie …
Bulles de glaires, mares de sang, glaise du trépas…
Môles et crevasses, comme taupinières, répit t’octroient ;
Saut des barrières, rafales rasent l'aire, et rebondira…
Pantins rampants, la fondrière, guette sa proie ;
Larmes de chair, jamais cette guerre, ne finira !…
Le sordide peut alors s'ajouter à cette horreur, il n'est qu'à lire le livre de Pierre Lemaitre : « Au revoir là-haut »
Oui, ce best-seller méritait bien le Goncourt. C'est très bien écrit, c'est haletant et c'est historique par le fait que l'intrigue se situe dans le cadre de la première grande guerre et, pour être précis, juste à la fin. Elle commence au tout début du mois de novembre 1918, une dizaine de jours avant que soit proclamée l’Armistice.
Non, je ne vous en ferai pas ici un résumé, car c'est essentiellement une invitation à la lecture de ce dernier roman de Pierre Lemaitre, qui justifie ce billet.
Connaissant le cadre, qu'est ce qui alors pourrait vous allécher pour, à votre tour, dévorer les pages de « Au revoir là-haut » ?
Pour cela, je ne vous parlerai donc que d'un personnage lequel n'est pas à compter parmi ceux les plus importants qui, par leurs conduites et menées héroïques ou viles, leur chassé-croisé dans l'espace et dans le temps, participent, aux premiers plans, au dénouement de ce drame lequel s'étend sur à peu près 3 années ...
Merlin, oui Merlin ... pas l'enchanteur non, le personnage en question, ici, n'a rien pour faire rêver, il est même un des pire cauchemars qui puisse se présenter à notre vision, par son apparence physique, son accoutrement et ses gros brodequins crottés, en plus, il pue, il empeste à cause de la crasse cumulée et le graillon qui imbibe ses vêtements... un sinistre individu à la face inexpressive, un rustre qui ne répond pas à vos questions, qui vous bouscule sans manière pour suivre ses plans...
Sa fonction... justement... c'est un fonctionnaire de l’État, un sans-grade, qu'au gré des mutations on a toujours mis au placard, un sale type, peu communicatif qui n'a que faire de ses collègues et qui obéit uniquement et strictement aux ordres venant de ses supérieurs au sommet de la hiérarchie. Personne n'aime ce Merlin qui pourtant, fait scrupuleusement et honnêtement son travail. Sa présence vous fait froid dans le dos, à son contact, on se trouve plus que mal à l'aise, ceux qui auront à le croiser ne l'oublieront jamais... et pourtant dans son existence banale à pleurer, Merlin est bien l'être humain qu'on oublie aisément comme tous ceux qui se comptent dans la cohorte des insignifiants …
Alors, quand au cours de l'année 1920, on le charge d'une mission que tous fonctionnaires ayant longue carrière derrière eux refuseraient, tant elle est rebutante, lui, il y va avec ses gros souliers, ne craignant nullement de patauger dans la fange des cimetières de fortune (ou plutôt d'infortunes) où l'on exhume tous ces soldats tirés des champs de bataille, enterrés à la hâte à l'arrière du front, pour accorder à chacun de ces valeureux poilus une sépulture digne dans ce qui constituera ces vastes champs d'honneur constellés de ces centaines de rangées de croix immortalisant leurs noms. C'est en inspecteur missionné par une haute commission d'enquête sur les moyens employés pour effectuer cette douloureuse besogne ayant à dessein de restituer tous ces milliers de morts à la postérité nationale et à la gloire qui les honore eux et leurs familles inconsolables, que Merlin vient mettre les pieds dans le plat d'entreprises les plus éhontées qu'on puisse mettre en œuvre au détriment de la dignité humaine et du respect à accorder à ceux qui ont été, par centaines de mille, sacrifiés sur l'autel de la Patrie …
Autour, ça s'articule, ça gesticule, ça grimace, ça geint, ça pleure, ça rit jusqu'à faire peur comme dans un vilain rêve qui n'en n'est pas un... Un voyage au delà de l'horreur et du sordide dont les sentiments les plus humains ne sont pas exclus ni la dignité humaine forcément écorchée en dépit des chairs meurtries et des peurs viscérales...
Cette œuvre monumentale - et ce qualificatif, ici, n’a rien de singulier tant il sied à son thème post-historique - nous délivre deux messages importants :
Le laid, l’horrible n’incarnent pas forcément le mal, de même que le beau, le plaisant, le charme, n’habillent pas nécessairement le bon et le bien… on peut aussi bien les masquer, au propre comme au figuré… et jeter ainsi un peu plus de confusion dans ce rapport qui oppose esthétique et éthique… mais pas seulement…
La Rédemption serait aussi envisageable pour qui, un jour, aurait renié son père ou qui aurait renié son fils…
Merci Monsieur Lemaitre, qui ajoutez à l'Histoire, les pages d'une fiction bien ficelée qui n'a rien d'improbable quand sont à l’œuvre les intentions les plus égoïstes et perverses, les désirs d'hégémonie les plus vifs excluant dignité et probité quand, à l’opposé, d'autres accordent sincèrement et douloureusement de l'amour à leur prochain.
Et au-delà de ce misérabilisme on établit cet indigne et inconvenant Traité de Versailles au mépris de l’extrême souffrance et des ravages endurés par les nations engagées dans le conflit : vainqueurs et aussi perdants. On humilie les vaincus, on les mets à genoux sans pitié, sans concevoir qu'ils sauront se relever pour s'engager dans une autre terrible grande guerre, 20 ans plus tard...
Der des ders, en vient une autre, qu’on n’attend pas…
Tranchées de naguère sont oubliées, roulent les convois ;
Nations en guerre, partout sur terre, ne se comptent pas ;
Familles entières, loin déportées, qu’on ne revoit …
Villes d’enfers, hameaux en flammes, tout y passera ;
Ruines de sang, murs de chairs, peurs d’être une proie…
Le militaire, pas seul à terre, même le civil, en pâtira ;
La fin d’un monde, jet nucléaire, pas d’autres choix …
Fin de cette der, tout près de la mer, milliers de croix …
Fin des misères, faire payer cher, tous les parias ;
Tribuns de fer, femmes tonsurées, justice sans loi…
Vie après mort, des cendres d’une guerre, resurgira !…
Et où en est le monde 100 ans plus tard ?
A l'ère de l'hyper communication, les guerres font hélas toujours partie de l'actualité, entraînant des migrations de peuples de plus en plus importantes. S'ajoutent à ces conflits armés, les colères de la Terre, les déchaînements des éléments. La Nature aussi se révolte contre les entreprises des hommes toujours plus avides de pouvoir et d'argent et dont l'ego est exacerbé par l'esprit de domination, le besoin d'être supérieur aux autres, et ce, dans toutes les couches de la société. Nous vivons de grands instants de confusions, de troubles relayés par les réseaux sociaux de plus en plus prégnants sur nos consciences, créant une soumission contraire à nos envies pourtant légitimes de liberté. L'univers informatique, ses fascinantes et multiples applications, soudoyant des lobbys monstrueusement dévoreur et pourvoyeur de capitaux, nous illusionnent sur ce que nous sommes capables de faire et produire. Il en résulte un détournement manifeste de nos volontés et, chez nombre de sujets, une propension à la violence verbale puis physique. Des individus, toujours plus nombreux, rentrent en rébellion contre l'ordre établi, se jouent de ceux qui en assure le maintien. Aller au-delà des règles et des convenances, provoquer l'incident, l'accident, l'embrouille... agresser, vandaliser, font parties de l'esprit du temps présent. Alors, face à cette colère, se dressent les rangs de populistes, les nationalismes, les hégémonies racistes et sectaires. La peur de l'autre, l'insécurité, au présent au futur, prennent le pas sur la raison et la sérénité du quotidien... nous ne sommes pas loin d'une guerre de tous contre tous...
Fin des galères, Yéyé dans l’air, casse-toi la voix !
Jeunesse altière, tous sommes frères, on se le dira …
Fin des repères, amour à terre, vie pleine de joies ;
Plus de filles mères, répond au père, rien ne t’incombera …
Rue des colères, chauds ses pavés, sus à ces rats !…
Foule va-t-en guerre, marée chaussée, n’a plus de droit …
Grenades et pierres, faut fort cogner, sur les malfrats ;
Coups de rapières, se défouler, l’esprit étroit…
Quitte ta terre, met tes œillères, c’est le nirvana !...
Passe les manières, cesse tes prières, chasse le bourgeois ;
Ecran de verre, forts commentaires, tout t’enchantera
Ski en hiver, l’été en mer, surveille ton poids !…
Riches affaires, trop de mandataires, que du tracas,
Rire de faussaire, traîne tes mystères, même sous ton toit…
Jamais pépère, soigne tes nerfs, toujours combats,
Stress ordinaire, puis marche arrière, pour ça tu bois …
Nouvelles galères, rue des misères, manches sans rabat ;
Mord la poussière, bord de rivière, quel fond tu vois ?
Soupe populaire, faim des compères, traîne ton cabas !
Un soir d’hiver, fais le fait divers, meurs sans pavois …
Aux environs d'Amiens, le circuitor Martin, partage son manteau - Mosaïque réalisée en 1968 par André Christen au Centre Saint-Martin à Etrépagny (Eure).
Pourtant, la grande figure de ce 11 Novembre est bien celle d'un soldat, un héros que nous avons oublié, néanmoins célébré ce même jour : Saint-Martin
Si la légende l’a rattrapé, il n’en demeure pas moins que Saint Martin est une figure historique de grande importance et intimement liée au destin de notre Nation ; on pourrait aussi dire que Martin est notre Saint national…
Ayant vécu au IV ° de notre ère il prend place dans le contexte historique de la Gaule pacifiée et romaine, une époque encore prospère avant la chute de l’Empire Romain en 476.
Saint Martin s’est surtout révélé par son œuvre apostolique, sa mission évangélique à travers la lutte contre le paganisme et surtout par l’exemplarité de son existence inspirée par la charité chrétienne qu’il pratiquait au quotidien, pansant plaies et misères de ses prochains, venant au secours des indigents tout en vivant l’ascèse monastique avec autant de rigueur, de ferveur et de joie…
Sa vie rapportée par un témoin contemporain de ses œuvres, Sulpice Sévère, n’est non plus dépourvue de miracles, car le personnage alliait vitalité et confiance en son Dieu au point qu’il provoquait des guérisons miraculeuses, et que sur son passage, les événements les plus inquiétants, prenaient toujours une tournure rassurante… Le maître mot avec lui c’est apaisement, un apaisement dû à cette force grandiose qui rayonne de sa personne et fait qu’il est respecté et obéi de tous ceux qu’il croise.
Il est également remarquable qu’il se refusera à tous honneurs et distinctions…au point que ce ne fut pas une mince affaire pour les Tourangeaux que de le convaincre d’être leur évêque, lui, ce moine pauvre et humble de Marmoutier …
Le chroniqueur ne tarit d’éloge sur sa vie qui fut féconde en actes de bienveillance, de pacification et d’évangélisation. Il est indéniablement celui qui a répandu le christianisme sur l’ensemble de notre territoire faisant adopter en priorité cette religion à un peuple encore attaché aux idoles d’un paganisme de plus en plus obscure… les seuls coups portés pour y parvenir sont ceux qu’il destine aux effigies de ce paganisme car, avec les personnes, Martin est toujours aimable, serein, agissant envers elles avec autant de douceur que de fermeté dans le propos et l’intention, pour les convertir …
Cette autorité s’étaye sur l’exemplarité de sa conduite qui le fait constamment se soucier du sort des autres, bien avant lui-même…
Grand voyageur, grand conciliateur Martin s’imposa aux autorités militaires, civiles et cléricales. Jamais il n’emploie la manière forte ni n’a recours à l’abondance de propos. Plus qu’un orateur, Saint Martin a le sens de la réparti juste et pertinente. Sa volonté est inébranlable parce qu’elle s’accompagne d’une grande sérénité intérieure et d’un foi immense dans son Dieu et ses « armées célestes » … Il ne s’agit pas d’une croyance naïve mais, son énergie, sa volonté d’action, il les puise dans la prière, dans l’attitude méditative, dans la contemplation.
L’origine de son nom, Martin, a pour racine Mars, dieu de la guerre. Lui, ses combats, il les mène sans arme avec sa force d’âme uniquement et ses conquêtes n’investissent d’autre territoire que le cœur des humains vers qui, il va, toujours au devant.
Plus que jamais, la mission de celui désigné comme étant le 13ème apôtre, est d'actualité, symbolisée par son geste grandiose. Un geste qui inspire déjà les âmes nobles de notre temps, qui savent que les sociétés de demain doivent se construire dans cet état d'esprit à travers tous les actes de la vie attenants à la réalité quotidienne : le PARTAGE .
Il ouvrit son manteau,
Et d’un geste rapide de la main,
L’épée comme couteau,
Il trancha net le tissu romain.
Jamais plus noble geste,
Lors ne fut accomplit,
Que ce coup si preste,
Au travers les beaux plis…