En page 2 & 3 de l'Automobilia N° 34, Illustration due au graphisme aussi soigné que réaliste de Thierry Dubois. Cliquer pour la voir dans un plus grand format.
Entrons dans l'image...
Aux confins de la Meuse et de la Haute Marne, dans les environs de Saint-Dizier, l'hiver se fait encore piquant en ce mois de février 1939. Sur la route, face à nous, une récente Simca 8, immatriculée dans la Meuse, vient de monter allègrement la côte, passant devant ce relai où une 202 Peugeot, version découvrable de 1938, immatriculée en Haute-Marne reçoit le plein d'essence, le pistolet plongé dans la goulotte de la trappe qui se trouve au centre de la roue de secours dont on déposé l'enjoliveur couvercle au bord, contre la plaque d'immatriculation. Son propriétaire chaudement vêtu, légèrement en retrait, fait de la buée en respirant. Il observe le cadran rond à cliquets indiquant le volume de carburant qui remonte dans les deux buses en verre au sommet de la pompe, s'emplissant alternativement par quantité de 5 litres d'essence, tandis que le garagiste active en va et vient la manivelle du pompage. En arrière plan, sur l'esplanade, nous masquant le nom de l'hôtel restaurant, un camion bétaillère Renault AGOD à cabine avancée (disposition moderne à cette époque), à l'arrêt, attend son chauffeur lequel se réchauffe sans doute d'une boisson chaude à l'auberge. Là encore, sur cette image, on remarque que les murs nus des bâtiments, constituent un support grand format aux annonces publicitaires peintes directement sur l'enduis en façade ou en pignon. A, gauche, même si on n'en voit pas toutes les lettres, on devine que c'est le chocolat Menier qui s'affiche aux regards des automobilistes de passage.
Cette scène routière encore bien singulière au cours des années 30, préfigure celles qui se généraliseront après-guerre où l’automobile se démocratisera grâce à des modèles de petite et moyenne cylindrée comme ces deux 6cv de marques différentes qui viennent à se croiser sur cette image.
A découvrir également ans ce 34e numéro d'Automobilia, la Juvaquatre Renault sortie, elle aussi, à la fin de ces années 30
Au sommaire de l'Automobilia N° 34
La Juvaquatre : en couverture - Dossier complet en page 19 - Véhicule privilégié de la gendarmerie au cours des années 50.
Juvaquatre, Simca 8 et 202 Concurrentes en leur temps, avant et juste après la guerre...
Outre sa faible cylindrée, la Juvaquatre, entièrement nouvelle, se singularise par deux solutions techniques adoptées pour la première fois en série à Billancourt : ses roues avant indépendantes et sa coque autoporteuse entièrement en acier. En dépit de sa modernité, la Juvaquatre souffre de la faiblesse de son moteur pas assez véloce en reprises, comparée à ses deux autres concurrentes françaises mais aussi de ses deux seules portes pour monter à bord ; un choix handicapant face à ces deux rivales bien mieux dotées. Le constructeur y remédiera en 1938 avec la version à 4 portières type AEB 3. La Juvaquatre sera produite jusqu'en 1960 grâce à ses modèles break à 3 potes et fourgonnettes appréciées des commerçants et artisans mais aussi par les unités de gendarmerie. A noter sa ressemblance avec l'Opel Olympia produite de 1935 à 1953.
La carrosserie Franay
A gauche, ce Landaudet Duesenberg J sorti en 1930 a participé à de nombreux prix d'élégance. En 1932, il a remporté au concours d'élégance de Cannes, le prix d'honneur pour la plus belle voiture de la manifestation. // A droite, fièrement campée sur le marchepied de cet imposant coupé chauffeur Hispano-Suiza J12 54 CV, Mademoiselle Suzy Vernon pose au Bois de Boulogne lors du concours d'élégance de Juin 1934. L'expression monter en voiture, prend là, tout son sens ...
Avec un style alliant sobriété et sens de l'apparat, Franay apporte sa brillante contribution à l'âge d'or de la carrosserie française.
A parti de 1922, Marius Franay succède à son père, Jean-Baptiste Franay, fondateur de l'entreprise en 1903. L'activité de la carrosserie est alors sensiblement réorientée et l'accent est mis sur des réalisations de grand luxe. C'est pendant la seconde moitié des années vingt que la carrosserie Franay intègre véritablement la cour des grands et s'impose comme une griffe de référence. Au cours de cette période, une clientèle d'élite prend le chemin des ateliers Franay pour leur confier les châssis des marques automobiles les plus prestigieuses.
S'affirme alors un style propre à la maison, qui connaîtra son apogée au cours de la décennie suivante. Conjuguant élégance et sobriété, il s'inscrit dans une tradition classique privilégiant le sens de la mesure. Préférant la retenue à l'ostentation, il apparaît représentatif du bon goût à la française. En même temps qu'il se fait un nom, Franay cultive aussi une spécialité, celle de la limousine transformable. La carrosserie exploite alors le « créneau du coupé chauffeur ou du landaulet limousine, de sorte qu'à la fin des années vingt, les voitures sortant de ses ateliers ont une forte tendance à se ressembler quelle que soit l'origine du châssis.
Les planches d'identifications De Thierry Dubois :
les Peugeot 302 et 402 légères de 1936 à 1940.
Le fuseau Sochaux, déclinaisons et évolutions, s'oppose aux lignes carrées encore en vigueurs dans la première moitié des années 30. Photo colorisée sur la Croisette à Cannes en 1932.
Le plan Pons.
Entre restructuration du produit industriel et rationalisation contraignante des modèles et des sites de production, se veut être le levier de remise en route de notre industrie automobile mis en place par le gouvernement au lendemain de la guerre. Pour les constructeurs de voitures de luxe, Buggatti, Delage, Delahaye, Hotchkiss, Talbot, il s'impose comme trop restrictif, entraînant la disparition en cascade de ces marques de références qui n'ont d'autre choix que de se regrouper puis s’associer ou bien, avant l'ultime fermeture d'usine, se reconvertir dans la fabrication d'autres genres de produits manufacturés.
Pour les généralistes, Renault, Citroën, Peugeot, Simca, Panhard, associé au plan Marshall d'influence américaine d'aide à la reconstruction économique de l'Europe, il va stimuler positivement l'ingénierie de ces constructeurs tant au niveau économique que productif, être source de créations modernes voire révolutionnaires mieux adaptées aux besoins des clientèles sans cesse croissantes tout au cours des Trente Glorieuses.
La Vespa 400
Mini et mimi la Vespa 400 produite par Acma* à Fourchambault dans la Nièvre - Testée avec succès sur un raid Paris-Moscou-Paris en 1958. Sur plus de 8000 km sa consommation a été de 5, 85 L au 100 et sa vitesse moyenne de 61,69 km/h
Tout au cours de son éphémère carrière, la Vespa 400 présentée au 44e salon de l’automobile en octobre 1957, s'insère parfaitement dans les mentalités et canons en vogue à l'aube des années 60 où le mini fera fureur que ce soit dans la mode vestimentaire avec le raccourcissement des jupes ou dans la taille des voitures populaires qui se réduit sans cesse depuis l'avènement de la 4CV Renault en 1947 et de sa concurrente italienne la Fiat Topolino née, elle, avant guerre, puis devenue 500 à la fin des années 50.
*Acma est la filiale française de Vespa marque des Scooter produit par Piaggio à Gènes en Italie. La gestation de cette charmante petite auto se fera en Italie mais c'est en France qu'elle sera complètement élaborée, mise au point, puis fabriquée en série. De conception simple et rationnelle techniquement, non dépourvue d'élégance, elle séduira la jeunesse déjà cliente de la marque grâce au plus célèbre des deux roues du moment le scooter Vespa.
A sa sortie, de l'avis des essayeurs des revues spécialisées, la Vespa 400 ne manque pas de qualités ; Nervosité, confort, bonne tenue de route, agrément de conduite, sont à mettre à son actif. Les deux passagers sont assis très bas sur des sièges plutôt minces mais pas inconfortables. Son petit moteur de 2 cylindres en ligne de 434 cm3 développant 14 ch, est du type 2 temps fonctionnant au mélange huile-essence à 2%. Il lui permet d'atteindre une vitesse de pointe qui frise les 100 km/h. Son poids est de 395 kg et sa consommation plutôt élevée dans sa catégorie, oscille entre 6 et 8 litres de carburant au 100 kilomètres
Si l’engouement, en début de carrière fut manifeste, il s'est, hélas, très vite étiolé en abordant les années 60, ceci en raison d'un coût d’achat (360 000 F à 380 000 F suivant les finitions) sans doute un peu trop élevé par rapport aux concurrentes directes installées depuis plus longtemps sur le marché (4CV Renault - 2CV Citroën - Fiat 500). C'est, globalement, 30 000 Vespa 400 qui trouvèrent preneurs entre 1957 et 1961.
Passant de la Renault Juvaquatre, à l'Hispano-Suiza puis à la Vespa 400, l'automobile se présente sous des visages bien différents à en avoir le vertige entre summum et minimum, entre sophistication et archaïsme, mais derrière les unes et les autres, œuvre en permanence, le même génie créatif de ses constructeurs.