Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Les mots choisis du Farfadet, #Les facéties du Farfadet

 Colin pénètre chez Isis, au 358 ter, rue de La Bêche, à Lépathe / Scène

« J’entre, tu entres, nous, vous, tous, ils entrent … »
Parvenu au bout d’un long, très long, et quasi-interminable vestibule, Colin abandonna son trench-coat, son sur-main droit et son sur-main gauche à un porte-manteau retraité de soixante-seize ans qui n’avait toujours pas lu les aventures de Thym-thym & Mildiou étant un inconditionnel du Bibi Fric-Hautain. Dans un miroir au tain irisé de cent mille reflets d’argent, il égalisa d’un revers du pouce, la frange aube-urne de sa moustache puis, avec grand soin, refit sa raie dont il redoutait en permanence qu’elle glisse trop vers la gauche…
« Et une belle raie pour Colin ! Ça m’évitera la poisse peut-être… » Songea-t-il en poussant vivement la porte à tambour qui ne manqua pas de le catapulter dans la grande salle des réceptions où il retrouva les « quatre fers » en l’air, exposé à tous les regards médusés…

Une soudaine clameur l’accueillit. Colin pensa que c’était, à n’en pas douter, une ovation en sa faveur pour saluer son entrée fracassante …
« Il se trompe… Colin, tu te trompes… mais Nous, ne nous trompons pas, car nous accueillons maintenant le héros de la Fête : le caniche Ossol qu’accompagne Millau sa canichette préférée ! » Persifla la pétulante et célèbre animatrice Alise de la chaine CQQ* …
- « Tu tombes bien Alise, je …
- Moins bien que toi !... Tu as même déchiré le pan arrière gauche de ta veste à brandebourgs !... »
Alise partit dans un rire en cascade qui n’en finissait pas… Elle, parée, dans une étonnante robe mouvante indigo ressemblait à la mer en furie qu’agitait toujours plus chaque saccade de son rire aussi strident que stupide… Colin lui jeta un regard vague, fit la moue, se releva vivement, déposa sa veste au pan pendant, entre les mains extrêmement blanches d’Alise puis se faufila à travers la foule ondulante des invités …
« Elle m’ennuie, celle-là, cette empêcheuse de tourner en rond, avec ses grands airs !... J’ai d’autres cœurs à charmer moi, enfin ! »

Ossol et Millau furent hissés sur un podium fait d’os à moelle entrelacés. Les deux caniches comme à la parade, rutilant dans leurs vareuses d’astrakan couleur abricot répondirent par un concert d’avoiements aux applaudissements incessants et saccadés de la gente en liesse. Ces battements faisaient tintinnabuler tous les lustres en berlingots de Carpentras qui illuminaient de leur fluorescence mentholée cette gigantesque pièce ronde …

« Il n’y a pas le moindre coin pour s’isoler dans cette salle - constata Colin - Mon cœur s’envole ici… je m’envole, tu t’envoles, nous, vous, tous, vous envolez ! … »
- « Colin ! Colin ! Eh Colin ! C’est toi ?
- Non, c’est Colin - répondit l’interpellé. »
Mayard, tout de blanche flanelle vêtu, le teint hâlé par les courants d’air manifestés par son hébétude chronique, restait, bouche-bée, planté devant Colin…
- « Tu ne me reconnais pas Colin ?... C’est moi, Mayard !... Tu ne te souviens plus de ton vieux copain de plage ?... Rappelles-toi tous ces concours de châteaux en Espagne auxquels nous avons participé quand nous étions en vacances à Pleurnichet / mère … Ensemble qu’est-ce qu’on en a eu de ces premiers prix ! … Nous étions les rois du petit seau, les seigneurs de la petite pelle !…
- Ah oui !... eh bien mon vieux, retourne vite à tes pâtés de sable, tout ça, c’est bien loin pour moi, mon petit père !... » répondit Colin visiblement agacé par cette évocation de turpitudes enfantines absolument hors contexte en de tels lieux …

Plantant là Mayard, complètement abasourdi, il se dirigea alors vers l’une des plus hautes fenêtres ogivales que l’on n’atteignait que par des escaliers de secours…Il gravit les marches quatre à quatre.
Au dehors, il contempla le paysage givré … Tout à coup, il ressentit un froid immense dans son cœur
- « Ne serais-tu pas amoureux ?...» lutina une petite voix intérieure … »
- « Et voici la belle Védaire ! » tonitrua un majordome sec comme une tringle à rideaux…

Justement, à propos de rideaux, Colin en fin observateur, constatait que ceux qui encadraient ces immenses baies étaient réalisés dans du gros coutil damassé avec des motifs blancs et bleus en forme de coquillettes… Colin, sur son imposte, fit volte-face pour découvrir avec stupeur la nouvelle arrivante : La Belle Védaire une danseuse de renommée internationale amorça une glissade qu’elle ponctua de 29 saltos arrières avant de s’engager dans une pirouette phénoménale qui lui fit exécuter 387 tours sur elle-même, avant de retomber, comme une crêpe molle, sur le marbre rose et vert de la rosace carrelée au centre de la salle. La mousseline mauve écru de son tutu écumait come la frange baveuse d’un vieil océan libidineux.

Irrité par ce spectacle grotesque, Colin éleva son regard vers les hauteurs désireux d’oublier cette coterie ridicule… Il put admirer à loisir le plafond hémisphérique… y figuraient, dans une fresque de tonalité outremer, des Farfales, êtres ailés qui se poursuivaient dans le tumultueux tourbillon d’astres dévoreurs d’étoiles… Ce fond de ciel extraordinaire se prolongeait jusqu’au piétement des douze colonnes supportant cette audacieuse coupole...
« Je suis bien mieux ici, rêvassait Colin, l’Amour est dans le ciel … Pourtant, celle que je veux aimer est en bas, bien plus bas, sur terre … Courage Colin ! Allons courage !... Je descends, tu descends nous, vous descendez mais, moi d’abord !... »
Sur l’estrade il aperçut alors les jumeaux Damour et Daufrêche qui jonglaient avec des clés de sol… leur noire chevelure plaquée se terminait sur le front par un duo d’accroche-cœurs…

Colin exulta « Des accroche-cœurs mais c’est exactement ce qu’il me faut … Ouiiii ! Mais … comment les confectionnerai-je ? … » Il avait parlé si haut que Clary N’Ett, la souris à moustache verte, jaillissant des manches de son sur-pull, lui répliqua du tique au tac :
- « Mais mon grand bêta, c’est avec un âme-son que tu accrocheras son cœur …
- Tais-toi donc idiote , on va se faire repérer ! - Elle s’agrippa à son col pour lui glisser à l’oreille :
- Vois là, juste devant toi, la voici ta Dulcinée ! Je la connais moi, elle est faite pour toi tu entends ! Bon maintenant à toi de jouer, j’en ai assez fait …
- Je t’en prie, Clary ne me laisse pas tomber …
- Tu as vu ça toi , une souris amoureuse d’une belle femme ?... Elle disparut aussitôt dans la manche du sur-pull de son hébergeur amoureux tandis que La Dulcinée en question faisait face à Colin …

- Mamoizell, bredouilla-t-il, vous fendrez pien une couve de Chambagne ! » Faisant preuve d’une adresse n’ayant d’égale que la vivacité de son geste, Colin avait extirpé des mains d’un groom aussi rouge qu’une tomate bien mûre, le plateau garni de coupes.
Elle ravissante, éclata d’un rire cristallin si sonore, qu’autour d’eux, le silence s’établit brusquement… Colin fondit comme sucre que l’on plonge dans un café bien chaud …
- « Merci très Cher ! fit la Belle – Je vous cherchais …
- Vous, Vouhou, vou-vou- vou vous me cherchiez !... j’en crois, cro , croa, croa pas mes oreilles … Ah là là là , Ah là là là , maintenant j’en suis sûr , tu es, , il est , nous sommes tous , mais alors tous à Vous !...
- Ah ce que vous êtes drôle Colin !… Là-Haut, ils m’avaient Tous bien prévenue, vous êtes MAGNIFIQUE !...
- Ah oui !... Dites-moi, comment dois-je vous appeler ?
- Comme je me nomme voyons – et d’ajouter d’une voix suave – Appelez-moi Klavie.
- Klavie ?...
- Klavie Cordès est mon nom complet …
- Ah bon !... ( Ça y est , j’ai effectivement fait une « touche » - se rendit-compte Colin - Je me laisserais bien aller à pianoter sur ses charmantes épaules … ) »
A cet instant précis un rayon de soleil illumina son bustier d'organdi ourlé de fines dentelles d’Alençon. Colin s’en émerveilla car jamais, jusqu’à cet instant, il n’avait vu, si bel « enclave-seins »
- « Vous dansez Klavie ?
- Je suis à vos pieds , lui sourit-elle.
- Eh bien, ça marche, je vous invite à suivre le tempo et m’engage illico à ne point écraser vos « chausse-pieds » ! … »

Ils fondirent dans la foule des danseurs que le grand orchestre des « Khang Hourroux » faisait tanguer sur le lac de marbre rose et vert …

Inspiré de "L'écume des jours" de Boris Vian  c'était une nouvelle onirique et pour le moins décalée du Farfadet Abel Vehedaire.  

Commenter cet article
E
C'est agréable de te lire ; tu écris bien. Farfadet, ton blog est agréable, tu as de l'humour et tu en mets toujours dans les commentaires. Rien que pour ça j'ai bien fait d'ouvrir mon blog il y a trois ans. Merci.
Répondre
D
un sacré exercice de danse avec les mots ! l'enclave-seins me réjouit, quel bel instrument !
Répondre
C
Aux premiers mots, je retrouvais le ton de Vian, je cherchais des yeux le "piano-bar", mais ta verve imagée a su m'enivrer !<br /> BRAVO !<br /> amitié .
Répondre

Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

Archives

langues

 

Hébergé par Overblog