En voici une image intéressante... pour ne pas dire spectaculaire !...
*** Printemps 1951, nous sommes à l'une des stations-services "Mobiloil" en bordure de route nationale. Une rare Peugeot 802 qui vient d'effectuer son ravitaillement en carburant reprend la route, saluée par le pompiste sans doute satisfait par le volume du plein de réservoir, forcément conséquent pour une voiture à moteur V8 de 3.2 litres de cylindrées. La Belle mais aussi la bête a été immatriculée dans le Doubs au cours du mois de mai 1950. Ce modèle qui coiffe la gamme des productions sochaliennes, dévoilé au salon de Paris en 1940, est encore la plus véloce des routières françaises et européennes de cette époque, ceci, grâce à son gros moteur qui développe plus de 90 Ch. Ce modèle exceptionnel à production limitée et définitivement arrêtée en 1948, est difficile à trouver en occasion et, surtout, difficilement vendable. La clientèle des plus nantis dans l'immédiat après-guerre, préfère se rabattre sur les modèles de marques à la renommée plus huppée telle que ce coupé Hotchkiss type "Basque" garé à droite le long du mur de la station. Sorti des ateliers de Saint-Denis en 1942, il concrétise de manière frappante par son style de lignes plus au goût du jour, le remarquable effort de renouvellement entrepris par ce constructeur depuis quelques années déjà. ***
Oui mais... cette image au dessin réaliste est néanmoins le produit d'un scénario imaginaire où la fiction a pris le pas sur la réalité événementielle. Il y a surtout extrapolation. En outre, on a occulté le temps de guerre s’étendant de la fin des années 30 jusqu'au milieu des années 40, avec la période d'occupation qui a mis à la botte germanique toutes nos usines d'automobiles, contraignant les constructeurs à ne produire que les véhicules destinés à l'armée allemande et donc ne pouvant favoriser l'étude de nouveaux modèles. Cela ne pouvait se faire mais, néanmoins, ici ou là, s'est fait dans le dos de l'ennemi. En conséquence, il n'y eut pas de salon de Paris en 1940 de même, Hotchkiss n'avait certainement pas pu lancer, en 1942, ce joli coupé "Basque", ce constructeur baptisant ses modèles d'un nom de région française comme les célèbres et performantes "Anjou"
En réalité, la 802 Peugeot n'exista qu'à l'état de prototype...
UNE INCONNUE : LA V8 "802"
En fait, il ne s'agit pas ici d'un projet plus ou moins fantaisiste. Les moteurs V8 Peugeot (types TV et TV2) ont fait l'objet d'études précises et quelques anciens de la marque se souviennent encore des prototypes qui tournaient autour de Sochaux au moment du lancement de la 402.
L'idée d'un moteur V8 Peugeot remonte à 1934. La 601 était alors à son apogée et pour répondre à une tendance de l'époque (V8 Ford, V8 Citroën, etc.) on envisages d'en extrapoler une variante V8 super luxueuse qui s'appellerait tout naturellement la 801. Un premier moteur V8 de 18 CV à soupapes latérales fut étudié mais on l'abandonna vite au profit d'un V8 de même puissance à soupapes en tête. Les plans d'étude et de fabrication furent poussés très loin (ci-dessus l'un de ceux-ci retrouvé chez Peugeot) et plusieurs moteurs équipèrent des prototypes pour des essais d'endurance. Les moteurs 8 cylindres en V de Peugeot étaient des 3,2 litres (78 x 85 mm) de 18 CV fiscaux*. On les destinait à un modèle de prestige dérivé de la 402, sortie entre temps. Baptisée en toute logique 802, cette super Peugeot devait être lancée sur le marché dans les dernières années trente, au terme d'essais minutieux. Sa préparation avait été très avancée et l'on en était déjà à penser aux détails, à l'écusson de calandre par exemple dont le plan No 118061 avait été terminé le 16 février 1936. Cet écusson a même été mis en fabrication.
Au sommaire de ce N° 15 d'Automobilia de Juillet 1997, on trouve, parmi les rubriques thématiques, nombre d'articles se rapportant au début des années 50...
- une monographie détaillée sur la Frégate de Renault sortie en 1951 et dont vous trouverez une étude complète ICI.
- pour les collectionneurs de miniatures une présentation des Tractions Citroën 15 six de Solido
- un reportage édifiant sur les performances des 4CV Renault au 24 H du Mans de 1950 à 1954...
De la grande série à la compétition la 4CV Renault a accompli une brillante carrière commerciale et sportive :
LA 4 CV R 1063
Offerte à la clientèle de la Régie désireuse de participer à des courses, la 4 CVR 1063 constitue la première version sportive dérivée d'un modèle populaire Renault. En cela, elle est l'ancêtre de la Dauphine R 1093, de la R8 Gordini et de la R 12 Gordini. Sur cette voiture, seuls la carrosserie et le bloc moteur sont de série. La culasse est remaniée pour donner un taux de compression de 8,2, tandis que les pistons, les soupapes et leurs ressorts sont de types différents. L'embiellage renforcé est réalisé en duralumin forgé et traité tandis que le vilebrequin bénéficie d'un équilibrage plus poussé. Le circuit d'huile contient quatre litres, au lieu de deux sur la 4 CV de série. Avec un carburateur double corps, la puissance développée atteint environ 35 chevaux à 5200 tr/mn, le régime maximum étant fixé à 5500 tr/mn. La vitesse maximum se monte à 120 km/h. Les autres modifications concernent l'embrayage renforcé, la direction moins démultipliée, et la présence de quatre amortisseurs à l'arrière. Le comportement routier est ainsi sensiblement amélioré. La planche de bord reçoit un compte-tours, un thermomètre d'eau et un ampèremètre. Deux projecteurs additionnels et un avertisseur de route complètent l'équipement. 80 exemplaires de R 1063 sont construits par la Régie en deux séries, la première de trente exemplaires et la seconde de cinquante. Ces voitures sont peintes en Bleu Lazuli.
La 4CV Renault au grand prix d'endurance : "les 24 Heures du Mans", en 1952... Devant près de 200 000 spectateurs , le départ des 24 heures du Mans de 1952 est donné. Au premier plan, la 4CV n° 56 est celle de Just-Emile Vernet et Jean Pairard. Au bord des fascines, Jacques Lecat s'élance vers sa voiture N° 55, tandis que Louis Pons fait de même vers la 4CV n° 54. L'un et l'autre ne sont pas casqués . A la gauche du cliché, se trouve la barquette DB Panhard de René Bonnrt et Elie Bayol.
Les voitures engagées aux 24 Heures du Mans sont des versions export équipées de glaces descendantes. Dépourvues de pare-chocs, elles reçoivent une grille de protection sur chacun des quatre projecteurs de marque Cibié. Contrairement à la R 1063 de rallye, les ailes arrière ne sont pas modifiées et seules les ailes avant sont découpées. Dernier détail, le capot est maintenu fermé grâce à des sangles de cuir, celui-ci ayant une fâcheuse propension à s'ouvrir en roulant. Mais la R 1063 peut être également réalisée à partir d'un kit de pièces permettant de transformer une 4 CV de série. Ces pièces sont vendues par la Saprar, filiale de la Régie, mais leur coût très élevé de 300000 francs représente 60% du prix d'achat de la voiture en version Sport. Et cette somme n'inclut pas les frais de main d’œuvre. Le client a le choix entre trois transmissions: la boîte de vitesses de série à trois rapports, une boîte à quatre rapports et la boîte à crabots à cinq rapports mise au point par André Georges-Claude. Cette dernière représente le nec plus ultra, mais son coût est égal au prix de la voiture.
De la grande berline routière surpuissante et gourmande en carburant d'avant guerre à la petite boule de nerf de faible cylindrée économique, on a, à ce début d'après-guerre, l'orientation technique et commerciale que suivront nos constructeurs généralistes ayant pris conscience que l'automobile va devenir un bien de consommation indispensable au plus grand nombre d'usagers. Chaque modèle nouveau se devra, à l'instar de la charmante petite 4CV, être iconique tant par le brio de ses prestations que par son allure jeune.