Mars 1934, une jeune femme apparentée à la famille Chenard a eu la délicatesse de se placer derrière son Aigle 4, afin que nous découvrions mieux les lignes nouvelles de ce récent modèle. 65 ans plus tard, elle s'en souvenait comme la Chenard & Walcker qui l'a le plus enthousiasmée.
Présentée au salon de 1933 ce modèle se situe à la charnière du style d'automobiles à caisses carrées et du style de caisses inspirées par l'aérodynamisme, entre classicisme des lignes anguleuses et modernisme des lignes courbes. Rigidité contre fluidité...
Pour la firme de Gennevilliers c'est la chant du cygne avant la chute aux abysses.... un comble pour un aigle qui par nature frôle en permanence les sommets...
Au garage de Leparre, en 1952, nous disposions d'une Aigle 4 de 1934. Je me souviens de cette voiture qui a promené notre petite famille pendant quelques mois avant d'être revendue.
Entre berline populaire et berline grand luxe, l'Aigle 4 de Chenard & Walcker représente le bon compromis entre voiture de grand standing et voiture bourgeoise conventionnelle. Elle n'affiche rien d'ostentatoire, fait dans le sobre et chic, sans plus. Ses prestations sont honnêtes, son confort agréable, son sérieux de fabrication notoire, avec juste ce qu'il faut comme adaptations de solutions et améliorations techniques, en vogue à ce milieu des années 30.
Voyager en Chenard, ce n'est pas pour en "foutre plein la vue", mais pour rouler sereinement, sachant qu'elle vous mènera toujours à destination, même sur les longs trajets, tant sa fiabilité mécanique est élevée. Une excellente auto dans laquelle j'ai aimé m'installer aux places arrières, à côté de notre brave chienne Poppie qui, comme moi, savait apprécier l'assise moelleuse de l'accueillante banquette.
Il faut savoir qu'au début des années 50, nombreuses étaient les voitures d'avant guerre, encore en circulation. Des véhicules qui avaient de 20 à 30 ans d'âge et dont certaines avaient vraiment accompli un long service ayant fait parfois 2 à 3 tours de compteur kilométrique (à cette époque étalonné seulement jusqu'à 99 999 km avant de revenir à 0...)
Notre Chenard & Walcker avait donc 18 ans d'âge et, sans doute, avait effectué un bon kilométrage. Si sa peinture noire était ternie, sa carrosserie n'avait pas encore été attaquée par la rouille. Quant à la mécanique, nullement poussive, elle tournait rond encore avec cette souplesse des moteurs donnant leur puissance maximum à bas régime (2300 à 3000 tr/mn). Sans être un foudre de guerre, notre Aigle 4 ne redoutait pas les randonnées improvisées à la sauvette. Promenade à Soulac, à Montalivet, à Lacanau, à Arcachon, à Pauillac et aussi à Bordeaux. Entre Pointe Grave et Cadillac, elle a sillonné la Gironde, à allure de sénateur sans jamais flancher... "Elle tourne comme une horloge" disait mon père qui appréciait tellement cette vénérable auto.
Ressemblances : Chenard & Walcker Aigle 4 - Citroën 10 CV - Coffre Aigle 4 - Coffre Citroën 10 CV - Garées devant le Grand Palais, lors du Salon 1934, voyez comme toutes ces autos des années 30, vues de 3/4 arrière, se ressemblent !...
Qui copie sur qui ?
En y regardant de près, on s'aperçoit que des modèles de marques différentes se ressemblent énormément avec quelques détails ornementaux ou d'équipement différents. Ainsi les carrosseries des Chenard & Walker Aiglon et Aigle 4 de 1934, ressemblent beaucoup aux carrosseries des Citroën 8 et 10 CV sorties la même année.
En fait, cela est une tendance qui correspond à la mode stylistique des carrosseries dans l'air du temps. Forcément les constructeurs s'inspirent des évolution de ces modes et, toute nouveauté présentée en première, influe sur les changements qu'apporteront les constructeurs concurrents par la suite sur leurs productions. Cela devient un art de faire du nouveau sans avoir copié. Quand l’innovation est notoire, franchement révolutionnaire et qu'elle est copiée en presque totalité, il arrive que le constructeur novateur entame un procès à celui qui l'a copié sans retenu, comme par exemple, en 1938, Opel face à Renault pour la Juva 4 copie de la l'Olympia du constructeur Allemand. Les évolutions techniques, suivent les mêmes influences... Les progrès technologiques se partagent et se transmettent au gré du temps qui passe, sans pour cela être systématiquement considéré comme espionnage industriel. Chaque année, les salons, favorisent ces évolutions à partir des nouveautés présentées.
En tous cas, dire aujourd'hui, en 2023, que les voiture se ressemblent toutes, n'a rien de nouveau ; ce fut le cas à toutes les époques, comme vous pouvez en juger à partir des illustrations ci-dessus, s'agissant de modèles d'automobiles du milieu des années 30.
A Poitiers, en 1935, sur la place d'Armes, la caravane de démonstration Chenard & Walcker. - En vitrine chez l'agent Chenard & Walker avec Mathis de Beauvais Cette "Aiglon" C & W, constitue un beau cadeau de Noël !
Et moi, dans ma 9e année, à ce Noël 1952, J'ai reçu en cadeau mon premier "Meccano" N°4 ... Ma première réalisation fut de reproduire, le plus fidèlement possible, la Chenard & Walcker qui nous avait promenés au cours de cette année là ...