J'ai toujours aimé voyager de nuit...
Années 50...
Cela remonte à mon enfance avec cette anecdote en hiver 1952 lors d'un voyage à Charroux (Vienne) depuis Lesparre (Gironde) dans la vieille Mathis EMY4 commerciale qui avait déjà 20 ans d'âge :
"Suivant la saison, c’est à la nuit tombée que nous arrivions à Charroux … Route de nuit, halos des phares jaunes qui illuminaient les façades à gauche et à droite de la route, lors des traversée de villages dont les rues étaient justes éclairées par quelques rares lampes blafardes, suspendues au-dessus de la chaussée, lueurs aux fenêtres et volets clos… Passé 7 heures du soir, on rencontrait peu d’usagers en ces temps là, ce qui n’empêchait pas d’être vigilent à cause des piétons éméchés titubant sur la chaussée et des vélos souvent non éclairés. Il arrivait qu’une auto nous ayant dépassés, mon père accélère, prétextant que la devancière allait ainsi nous tracer la route. Soudain sorti de mes rêves, fixant la platine centrale du tableau de bord, je suivais la progression de l’aiguille du compteur rectangulaire gradué jusqu’à 120 : 70... 75… 80… 85… là, on ne devait pas être loin de la vitesse maximum de la Mathis dont le moteur atteignant son régime le plus haut se manifestait bien plus bruyamment… Devant nous, l’unique feu rouge de la voiture que nous tentions de suivre s’éloignait néanmoins. J’aimais particulièrement ce spectacle de l’ensemble des jeux, à distance, des projecteurs éclairant bas côtés et frondaisons. Dans chaque courbe, l’ éclairage de la voiture de devant disparaissait, ne nous illuminait la route que celui de notre voiture puis, à notre tour, sortant du virage, dans une nouvelle portion de route droite, on retrouvait la meneuse… qui nous distançait petit à petit… chez les scouts, il y a bien des éclaireurs, et dans ma pensée, il ne faisait alors aucun doute que, sur route de nuit, parmi les autos en circulation, il y a aussi des éclaireuses… Par temps de pluie, les vitres se couvraient vite de buée, il n’y avait pas de chauffage dans la Mathis, la chaleur humaine de ses passagers compensant… L’hiver on avait souvent les pieds gelés et la goutte au nez ; il valait mieux rester bien couvert à bord. Alors quand, à l’heure du dîner, nous arrivions chez la Tata et la Grand-Mère, nous apprécions la bonne soupe fumante et gouleyante qui réchauffait les corps… Place du Parvis, notre vieille Mathis, elle, pouvait enfin apprécier la fraîcheur de la nuit…
Route de nuit en Dyna Z avec les copains ...
Et aussi conduire de nuit ... Années 60...
J'ai eu mon permis de conduire en Novembre 1964... ma première voiture fut une Panhard Dyna Z de 1957...
Je me souviens d'une escapade de nuit effectuée lors des vacances de Pâques en 1965, depuis Mézière en Brenne dans le département de l'Indre, jusqu'à Paris et retour au petit matin, avec des collègues moniteurs de colonie, pour effectuer une sortie en boîte ... 530 km aller et retour pour se faire un petit resto puis gambiller à peine deux heures... Faut être jeune... j'avais 21 ans... Ce fut ma première grande route de nuit accomplie sans lâcher le volant... Jubilatoire !...
Puis les vacances d'Août 1966 avec les copains de lycée... Quatre jeunes hommes en "Dauphine"... de Loudun (86) Mimizan (40) en passant par Besençon (25)...
" l est 21H30 quand nous démarrons de Loudun pour entamer, vers l’Est, une sacrée route de nuit …
Un détail : nous ne sommes que deux à avoir notre permis de conduire … Pepel qui l’avait obtenu depuis un mois et moi qui avait bientôt deux ans de permis…
A 23H 50 premier arrêt à la sortie De Châteauroux, face à la base américaine sur la RN151… Petit café bien chaud grâce à la thermos. On se dégourdit les jambes et Gégé fait du morse avec la torche électrique … Bon il va falloir déguerpir avant que les « Ricains » ne rappliquent …
Direction Bourges… Nous roulons pépère, on discute en grillant quelques cigarettes, je roule déflecteurs ouverts, histoire de renouveler l’air dans l’habitacle… Bourges est atteint une heure plus tard… A cette époque on a le droit de passer dans le centre des villes car les rocades n’existaient qu’à l’état de projet. (Le périphérique parisien était encore en chantier…) Heureusement en pleine nuit, il y avait peu de circulation dans les villes… En avant pour Nevers !... Cela nous vaut encore une bonne heure de route… 2H20 du matin, nous nous orientons sur Autun à 102 Kms de Nevers. Pepel prend le volant … Derrière Gégé et Alain somnolent. Heureusement, il y a la radio avec l’émission de Max Ménier : « Les Routiers sont sympas » La route se fait plus sinueuse, avec peu de circulation mais Pepel a du mal à rester sur la partie droite de la chaussée quand on croise les rares automobilistes venant en sens inverse ; il est comme attiré par les phares, en face. A un moment, on frise l’accident car si je n’avais pas tiré sur le volant, on fondait sur la voiture en vis à vis. Gégé s’est, lui aussi, rendu compte de la manœuvre… Sans trop tergiverser, je reprends le volant, je laisserai à Pepel le soin de conduire de jour ; la nuit ça craint …
4h15 du matin, nous arrivons à Autun… Nous filons à travers la Bourgogne en direction de Beaune, passons Seurre et arrivons à Dole au petit jour … Matin chagrin , il pleut … Nous nous arrêtons à mi chemin entre Dole et Besançon… Fatigue, semblant de sommeil, les barbes ont poussé… Pas question d’arriver avant 8H30 du matin chez Michel et de réveiller leurs enfants… On attend donc dans la voiture, à l’arrêt, sous la pluie… Difficile de dormir assis, on a des mines bien grises et les paupières lourdes …"
La Ford Anglia en Yougoslavie - La 4L à la montagne...
Années 70 : en Ford Anglia... sur la route retour du voyage en Grèce, la traversée de la Yougoslavie...
- Mardi 25 Août 1970 :
On avance… on avance … Nis, Belgrade… Direction Zagreb…
Vers 20H nous nous arrêtons pour dîner dans un restaurant motel… très bruyant.
Nous repartons une heure et demie plus tard, la nuit est tombée. Nous sommes encore à plus de 250 km de Zagreb.
Commence une interminable parcours de nuit sur une route droite mais infernale avec des tronçons poudreux, des chantiers signalés par des feux de bois, des trous dans la chaussée sur laquelle traînent, ça et là, des objets inimaginables : barres de fer, bidons, cageots, pneumatiques, roues, tout ce qui peut se perdre, venant ou tombant d’un véhicule … C’est apocalyptique … surtout ces flambées qu’on voit de loin, sur ces interminables lignes droites… Il est préférable de ne pas dépasser le "50" pour éviter de faire une embardée fatidique. On roule l’œil constamment en alerte, les mains collées au volant … Cette route dangereuse a l’avantage de nous tenir éveillé, on ne risque pas l’endormissement. Les trois occupants de l’Anglia, nous sommes tous fumeurs … on grille cigarette sur cigarette … De ce fait, nous roulons vitres à moitié baissées et déflecteurs grand ouverts pour rafraîchir l’habitacle qui commence à sentir l’étable et le tabac froid…
On avance… on avance… dans la nuit yougoslave... Pour mon compte, la tension est telle, que je n’éprouve aucune fatigue …
- Mercredi 26 Août 1970 :
Il est presque 3H30 du matin quand nous atteignons Zagreb, ville fantôme aux vitrines de magasins toutes illuminées mais dont les rues et boulevards sont déserts. Dans la traversée de la ville, nous ne rencontrons âme qui vive … Hallucinant !... fichu pays !... On file… En avant vers Ljubljana !
Nous retrouvons la belle route croate à 3 voies bien asphaltées (Autoput)… ça roule beaucoup mieux et surtout plus vite. Nous croisons très peu de véhicules.
Vers 4H30 du matin nous nous arrêtons pour nous reposer un peu dans les voitures. Nous avons parcouru plus de 1050 km depuis notre départ d’Evzoni … 21 h que nous sommes sur la route n’ayant pratiquement pas lâché le guidon …
Nous dormons plus ou moins bien, disons plutôt que nous somnolons durant un couple d’heures… A 6H25, je sonne le réveil … il faut reprendre la route mes amis, l’Italie est encore loin !… Je me fais maudire… Il fait tout juste jour … On est hirsute, nous sortons des voitures pour nous dégourdir les jambes … petit jogging, quelques mouvements, chacun boit un peu d’eau en s’aspergeant également, histoire de bien se réveiller…
Nous levons les capots, regardons les niveaux, faisons l’appoint en eau pour les batteries et en huile pour les voitures dont les moteurs ont pas mal consommé au cours de cette dernière étape. Heureusement que nous avions notre réserve … seulement faisant l’appoint, je me rends compte que j’ai entamé mon dernier bidon. Il faudra pourtant vidanger avant d’entrer en France… on trouvera certainement de la bonne huile moteur en Italie ou en Suisse. L’Anglia ne consomme que de la « Antar Molygraphite »…
Nous voila reparti, il fait beau … Ljubljana est atteinte une heure et demi plus tard… il reste encore presque 100 kilomètres avant de passer en Italie… Route sinueuse dans la montagne où les nuages s’amoncellent.
10H15 du matin nous arrivons au poste frontière … ouf !.. C’en est fini avec la Yougoslavie … Juste entrée en Italie, nous nous arrêtons au premier restaurant qui se présente, pour prendre un solide petit déjeuner. En plus d’un vrai maous café, nous apprécions particulièrement le salamis et le fromage et, puis Daniel et moi sommes heureux de retrouver nos bonnes vieilles gauloises …
En Renault 4L voyage en Autriche...
J'ai toujours aimé conduire de nuit, et je conviens que pour ce premier jour de voyage j'ai amplement profité de l'occasion roulant tout mon soûl au clair de lune… Enfin, pour le clair de lune, c'est sûrement exagéré car le ciel était déjà couvert au départ d'Etrépagny et, si mes souvenirs sont exacts, il semble bien, qu'il le soit resté les trois jours suivant... mais, au volant, ce n'est pas le ciel que l'on regarde, c'est la route qui défile éclairée par nos projecteurs… Cela est même fascinant, cette ambiance des paysages aux abords qui surgissent dans le halo de vos phares... Il y a bien sûr les usagers qui, en sens inverse, peuvent vous éblouir... un bon conducteur sait où il faut porter son regard à chaque fois que l'on croise une voiture de nuit... il doit toujours le porter à au moins à 50 mètres et orienté vers le bas côté droit de la route. Reste effectivement le trou noir, au delà de la zone éclairée d'environ 30 mètres qu'éclairent vos feux de croisement quand ils sont réglés correctement … En tous cas, il ne faut jamais fixer directement les phares de l'auto qui vient à votre rencontre.
Il en demeure que rouler de nuit a ses avantages avec beaucoup moins de circulation qu'en journée et la sérénité propre à la nuit. Ayant à bord la radio les émissions sont, elles, adaptées a la circonstance avec plus de musique variée et des interviews du style détente pour têtes reposées. Déjà à cette époque, « Route de Nuit » animée par Roland Dhordain sur France Inter, est un excellent modèle du genre ; une émission complétée, l'année suivante par celle, incontournable, diffusée sur RTL et animée par Max Ménier : « les Routiers sont sympa » Ainsi pour les rouleurs nocturnes sont diffusés en permanence : bulletins de route, assistance entre camionneurs, chansons et airs en vogue constituant un savoureux panachage d'informations, de conversations entre usagers et de variétés musicales, le tout distillé dans une ambiance chaleureuse quasi familiale ...
Encore à cette époque, le long de nos nationales nombreux sont les relais, restaurants routiers et stations services qui restent ouverts toute la nuit ; ça a un côté très rassurant qui fait que l'on ne se sent pas seul sur la route...
Alors, on va son train en s'arrêtant dès que la fatigue se fait sentir, sachant qu'il y a toujours un bon endroit pour savourer un café bien chaud, manger un morceau, soulager sa vessie, faire un brin de toilette, somnoler quelques instant sur une banquette, se détendre en conversant avec un de ces routiers sympa ou le patron de l'établissement tout en grillant une cigarette accoudé au zinc. Puis, après la pause, faire encore quelques pas au dehors pour prendre quelques bonnes bouffées d'air frais avant de se remettre au volant… J'adorais cette ambiance propre aux voyages de nuit que tous bons road-movies, dignes de ce nom, devraient savoir restituer en images... Aujourd'hui, ils tiennent du légendaire !...
Et, en apothéose de ces instants à « brûler le pavé » vient celui permettant d'assister au lever du jour qui graduellement empourpre les paysages, les nimbant de cette somptueuse lumière dorée aux premiers rayons du soleil levant. Surgissant de l'horizon, juste dans votre champ de vision, il nécessite (surtout circulant en direction de l'Est) que vous rabattiez d'urgence le pare-soleil, car ce feu du ciel a un rayonnement bien plus puissant que ceux des phares des autos croisées au cours de la nuit …
Mais ce matin du 29 juin 1971 je n’avais pas eu à le rabattre ce fichu pare-soleil, car beaucoup de brume s'était formée dès le lever du jour. S'étant dissipée une heure plus tard, c'est sous un ciel bien nuageux et maussade que j’eus à rouler.
A 7H30 du matin, ayant passé Strasbourg je franchissais le pont de Kehl. Passage de frontière... j’arrivais en Allemagne sous une pluie battante …
Lancia Kappa , une silhouette latine et classe . Planche de bord à l'ergonomie plus adoptable qu'adaptable......
Années 90... en Lancia Kappa ... "à fleur de peau"...
Août 1996, suite à la panne "brutale" de la 605 sur l'A 75, au niveau de Massiac, à l'agence de location "Budget" de Clermont-Ferrand, une Lancia Kappa est mise à nôtre disposition pour 24 heures. Elle devra être remise le lendemain avant 19 H. à l'agence "Budget de Perpignan.
Fouette cocher ! C'est reparti. Il est 19 H 30 quand nous quittons l'agence. Arrêt dîner sur une aire d'autoroute un peu plus loin. Notre fille Amélie a faim... les émotions, ça creuse... L'humeur n'est pas joyeuse mais nous ne nous plaignons pas car nous avons la possibilité de rejoindre notre lieu de vacances.
Ayant repris la route, nous essuyons encore quelques bonnes averses d'orages. La nuit tombe bientôt et à Marvejols prend fin la partie autoroutière A 75... Avec la nuit, la pluie, le défilé incessant des voitures phares allumés nous éblouissant sur une route sinueuse et luisante a tôt fait de nous harasser. L’atmosphère est électrique au dehors et à bord …Nous ne voyons rien du magnifique paysage des Cévennes dont le seul souvenir tient à l’éprouvante ascension particulièrement tortueuse qui semble ne jamais en finir au sortir de Millau (le célèbre viaduc n’était pas encore construit à cette époque, où il ne devait exister qu’à l’état de projet). Il faut pourtant poursuivre… Josette, Hervé et nôtre cadette Charlotte, ont été prévenus de notre mésaventure et du retard occasionné. Si tout va bien, nous devrions arriver à Argelès sur le coup de 2 H. du matin.
J’en ai mare de la route, même si La Lancia s’avère confortable et alerte. Les commodos de phares et d'essuie-glaces, inversés sous les doigts, fonctionnent bien-sûr à l'inverse de ceux de la 605… je mets un certain temps pour m’y habituer. A Pézenas, nous en finissons avec l'interminable N 9. Il est minuit trente quand nous débouchons sur l'A 9 en amont de Bézier. A la première aire de repos rencontré on se boit un café. L'énervement est à son comble pour le chauffeur que je suis. La fatigue et la déception se donne libre cours pendant cette pause mais on range sa "grogne" pour poursuivre... Les derniers kilomètres sont expédiés plus rapidement. Pendant plus de deux heures nous n'avions que très rarement dépassé le "70" ; maintenant nous filons à plus du double... Il fait chaud, moite. Enfin parvenu à Argelès, Amélie, suivant le plan de tonton Hervé, nous guide, pour trouver les "Diamants Verts". Ayant appelé mon beau-frère à une cabine téléphonique, comme convenu, au troisième rond-point, nous trouvons Hervé. Leur lieu de villégiature est tout proche, il nous ouvre la grille de la résidence et nous garons la "Kappa" à la place qu’il nous a réservé sur le parking privé… il est deux heure du matin ... Bonsoir, Bonjour, comment çà va … rafraîchissements… on raconte notre mésaventure puis dodo … Tout à l'heure, il fera jour ... Nous sommes arrivés à bon port, c'est l'essentiel ...
En point d'orgue, pour conclure, me revient ce souvenir d'une de route faite au clair de pleine lune, entre Crest et Die dans la Drôme à bord de la 4L, c'était en automne 1973.
La luminosité était si intense que je roulais en "veilleuses" presque tous feux éteints... c'était féerique... et fantasmagoriques ces paysages aux ombres et taches claires très contrastées, aux tons nuancés de bleu et d'argent... Toutefois, avant de franchir chaque virage, je faisais des appels de phares pour me signaler aux usagers pouvant venir en sens inverse et restais en feu de croisement si tel était le cas.
Ce fut un moment de grâce où je me sentais tout à fait en sécurité dans mon habitacle et à la fois happé par le défilé du macadam gris clair où se projetait l'ombre violette des grands arbres aux feuillages luisants, sous les monts sombres. Dans ma tête résonnaient les airs de Mozart et de Debussy, célébrant la nuit et ses clairs de lune, face à ce spectacle grandiose qui n'était pas un rêve ....
Une ombre sous la pluie... - Le Mirebalais Indépendant
Lever de rideau sur une rencontre à la croisée de chemins (Image Internet) Octobre 1973, à la sortie de Toulouse sur la RN113, il est environ 22 H, je roule à vitesse réduite sous les averses,...
https://www.mirebalais.net/2015/02/une-ombre-sous-la-pluie.html
Et sur la route de nuit une passagère chaleureuse...