Paris 1937... dessin fiction de Thierry Dubois réalisé en 1996... (Page 2 et 3 de la revue Automobilia N° 3 de Juin 1996)
Entrons dans l'image.
Vroum !... truiiiittt !... kriiiiissss !... Vous là !... dégagez la voie !... Elle n'est pas banale cette scène même si dans le Paris de l'entre-deux guerres les poursuites entre gangsters et policiers ont nettement progressé depuis les premières hardiesses routières et criminelles de la bande à Bonnot, 25 ans plus tôt...
Dans le paysage urbain des années 30, ces deux véhicules, au premier plan, ont de quoi surprendre... D'abord cette 402 torpédo, une carrosserie devenue obsolète depuis que se sont généralisées les conduites intérieures intégralement fermées et les décapotables vitrées. A bord de cette auto "courants-d'air", qui file à grande allure, quatre policiers dont le chauffeur ont pris place, l’œil rivé sur tout ce qui bouge dans leur environnement... ça déménage pas mal sur la chaussée... et le conducteur de cette Traction coupé rouge, à châssis court, a freiné brusquement pour laisser le passage à l'étonnante auto* des agents de police vraiment pressés.
"402" commerciales. dont la varsion "torpédo" de l'image fiction, serait, sur un châssi plus court, une éventuelle déclinaison.
En fait, 25 exemplaires d'un tel véhicule (*véritable baquet à poulets...) auraient été commandés aux usines de Sochaux par les services d'intendance de la police parisienne pour équiper ses agents de la mobile. Cette carrosserie ouverte, présente un réel avantage pour se servir de leurs armes, bien plus vite dégagées des obstacles internes et plus faciles à pointer pour faire feu avec efficacité sur les fuyards. Sur cette image on ne voit pas d'armes sorties, sinon le bras droit du passager avant dont la gestuelle ordonne à ceux qu'ils croisent de se pousser en hâte pour leur laisser le passage.
Ce vacarme n'est pas sans attirer l'attention des piétons surpris par les crissements et les coups de sifflets du policier à l'arrière de la torpédo, qui, côté gauche, fait le nécessaire pour attirer l’attention des usagers devant leur laisser la priorité. Face à l'urgence de leur intervention, le typique bus parisien Renault TN4 de 1933 s'avançant au carrefour suivant, devra, lui aussi leur laisser le passage.
Quant à cette Traction coupé rouge à empattement réduit, elle correspond à un produit commercial spécifique destiné aux représentants de la marque aux chevrons ayant besoin d'un véhicule peu encombrant, pratique et économique pour visiter leur clientèle : concessionnaires et agents, voire particuliers, n'ayant donc à transporter que leurs prospectus. Pour abaisser le coût de fabrication de cette Citroën de service, on l'a dépouillée de ses pièces chromées et équipée des éléments standards déjà existants telles que les portières du coupé.
Outre l'aménagement de passages cloutés sur la chaussée que doivent emprunter les piétons pour leur sécurité, nous ne manquerons pas de remarquer aussi, faisant partie du mobilier urbain de cette époque, la vespasienne, en vert, sur le dessin... surnommée "tasse", lieu d'aisance pour les personnes du sexe masculin (Mentionnons qu'il n'existait hélas rien de semblable comme commodité appropriée aux besoins des femmes... encore un injuste et déplorable manque de considération de la condition féminine dans un souci égalitaire...) Ces urinoirs créés et installés sur la voie publique dès le milieu du 19e siècle, furent indéniablement utiles jusque dans la récupération des urines dont on extrayait l’ammoniac. Mais, au-delà de la puanteur qui s'en dégageait, c'étaient aussi des lieux de rencontres à la sulfureuse réputation...
Quand les agents de police n'étaient pas en opération à bord d'un véhicule, ils avaient aussi mission de régler la circulation aux multiples carrefours de la capitale qui ne disposaient pas encore de feux tricolores (les premiers apparus dans les années 30 étaient bicolores : rouge/vert)... Pour la sécurité de ces agents, on installa au milieu des croisements de rues, des podiums urbains, qu'on ne tarda à nommer "Cocotte-minute" sorte de "réchauffe poulet" en quelque sorte ...
Couverture du N° 3 de la revue *Automobilia* - Au verso, la double page illustrée avec les titres de rubriques.
Au sommaire de ce numéro 3 d'Automobilia la lecture se partage entre un article phare sur les Simca 1000 sportives des années 70 venues concurrencer les fameuses R8 Gordini de Renault, le deuxième des 3 volets d'une monographie sur l'Amilcar Compound de 1937 à 1947, et un dossier complet nous présentant, du point de vue historique et technique, la Dyna X de Panhard des années 46 à 53 constituant l’illustration principale de la couverture de ce fascicule.
La Dyna X Panhard - La 4CV Renault... Toutes les deux présentées pour la première fois au Salon de 1946...
Ces deux là auraient du être rigoureusement concurrentes puisque nées à la même époque, juste après guerre où le plan Pons imposait aux constructeurs français de produire des autos économiques moins gourmandes en carburant. Sur le plan fiscal, ce sont des 4CV, leurs gabarits sont approximativement les mêmes et leur poids respectifs avoisinent les 600 kg. Ce qui les différencie, ce sont les solutions techniques , la Dyna Panhard ayant opté pour un moteur bicylindre de 610cc disposé à plat et refroidi par air avec transmission aux roues avant (traction), la Renault 4CV adopte, elle, la solution du tout à l'arrière (propulsion) avec un moteur 4 cylindres en ligne de 747cc.
De prime abord, l'une et l'autre s'adressent à la même clientèle dune couche sociale plus populaire et par la suite, au cours des années 50, celle se situant dans les rangs du prolétariat, quand l'accès à l'automobile se démocratisa. Hélas, il en fut tout autrement car la concurrence s'est surtout exercée entre la 2CV Citroën et la 4CV Renault. Le responsable fut le prix de vente de la Dyna nettement supérieur à celui de la 4CV. (une différence allant de 100 000* à 200 000 Francs anciens suivant les modèles).
*100 000 Francs anciens de 1950, correspond à environ 3000 € d’aujourd’hui.
Il est intéressant d'observer que le dessin de caisse de cette sympathique petite auto s'est inspiré de celui de la grosse Panhard d'avant-guerre la Dynamic produite de 1936 à 1940. Tout s'est orienté dans le sens de la réduction : les dimensions de l'auto, et son appellation Dyna... De constructeur d'automobiles de luxe, Panhard dans les années 50 à 65, hormis les véhicules militaires, n'a produit que des voitures de petites cylindrées, des mécaniques performantes, un brio au service de carrosseries esthétiques et confortables. Ce fut déjà le cas avec cette petite Dyna X produite de 1946 à 1953, à laquelle a succédé la Dyna Z en 1954, puis la PL17 en 1961 et enfin les 24CT et BT produites de 1963 à 1967 avant que Citroën ne rachète Panhard en 1965.
Types de carrosseries et Caractéristiques techniques des Dyna X
Les Dyna X une gamme complète de 3CV - 4CV - 5CV fiscaux...
Comme on peut l'observer sur le tableau récapitulatif ci-dessus, ce qui est remarquable, concernant la Dyna X qui a évolué pendant ses 7 années de production, c'est la puissance spécifique de son petit moteur (nombre de chevaux au litre) dont la cylindrée est passé de 610 c3 développant 24 puis 28 chevaux à 4000tr/m - à 745 C3 développant 33 puis 38 chevaux à 5000 tr/m - à 850 c3 développant 38 à 42 chevaux à 5000 tr/m. Sur bien d'autres voitures de cette époque, il fallait un moteur faisant presque le double de ces petites cylindrées, pour obtenir la même puissance...
Le constructeur de la Porte d'Yvry n'a, non plus, lésiné sur les déclinaisons de carrosseries, comme on peut le voir sur la planche ci-dessus, alternant avec le tableau des caractéristiques techniques. Il y en avait vraiment pour tous les goûts, pouvant répondre à de multiples et divers besoins.
Je me souviens qu au milieu des années 50, le boulanger du quartier de la Madeleine, à Mirebeau, possédait une Dyna X commerciale. Jacques, le fils aîné, à 14 ans, installé au volant à côté de son père ou de sa mère, la conduisait régulièrement pour livrer le pain en campagne (Par la suite, il a fait carrière comme moniteur d'auto-école). Voila qui m'épatait moi le gamin de 11 ans...
Pour clore ce chapitre des souvenirs des Panhard d'après guerre j'ajoute ici que ma première voiture fut une Dyna Z de 1957... avec déjà bien des péripéties routières connues à son bord