Réédition d'un article initialement publié le 07/09/2015 à 12:13
D'une décennie à l'autre le constructeur au losange est passé de la voiture pour élite richissime à la petite auto populaire… passant du véhicule à la taille monstrueuse (Reinastella et Suprastella des années « 30 ») à la mini voiture presque riquiqui présentée à la fin des années « 40 ». Entre, il y eut la guerre, l'occupation... grandeur et déchéance Louis Renault eut à payer un lourd tribut à cette période de grands troubles où sa collaboration (forcée) avec l'occupant lui a valu la disgrâce et de mourir en prison en 1945 puis de voir nationaliser son immense entreprise.
Genèse :
C'est bien dans ce contexte qu'a été pensé, mise en étude, puis en chantier, testée, et plusieurs fois révisée, la pétulante 4CV de Renault.
Au début, ce projet de Fernand Picard embauché en 1935 au bureau d'étude des usines de Billancourt, n'enchante nullement le grand patron Louis Renault, bien plus intéressé aux voitures de grande diffusion passe-partout comme la Juvaquatre et aux limousines et sportives de prestige. Associé à Edmond Serre, les deux ingénieurs entrevoient la nécessite d'avoir dans la gamme des produits Renault, un modèle basique plus économique et plus à même d'intéresser, dans un avenir proche, une plus large frange de clients aux ressources plus modestes mais désireux de s'équiper d'une automobile, un objet de plus en plus indispensable dans une vie moderne axée sur un accroissement des besoins de communiquer, de se déplacer plus loin, plus vite et sans occasionner de gros frais. Et, sur ce point, nous le savons aussi, Renault n'était pas le seul à envisager cet avenir où l'auto prendrait une part prépondérante dans la vie quotidienne tenant à la fois au travail et aux loisirs, puisque son plus redoutable concurrent du quai de javel, planchait, lui aussi, à la même époque, sur le projet et l'élaboration d'une petite auto qui se révélera au monde, en 1949, sous le nom de 2CV.
Le cahier des charges établi, il fut décidé de créer une auto à moteur arrière ayant l'avantage de regrouper l'ensemble moto-propulseur et les organes de transmission avec boîte à vitesses dans un même bloc mécanique à l'arrière du véhicule ce qui présente l'avantage de simplifier la réalisation au niveau technique et donc être moins coûteux. C'est en secret que furent ébauchés les premiers plans, maquettes et prototypes devant être soustraits aux regards du patron mais aussi de l'occupant allemand qui avait imposé à la marque au losange de ne construire ni projeter des automobiles particulières et tous types de véhicules autre qu'utilitaires ne devant répondre qu'aux besoins militaires de l'armée allemande...
Il faut mentionner que les premiers prototypes réalisés sont fortement inspirés par la KdP allemande ( La future VW - "Kafer" dite « coccinelle ») que les ingénieurs de l'état major Renault avaient pu entrevoir lors de leur participation au salon de Berlin en février 1939...
Un matin de Mai 1941, lors d'une visite impromptue dans les ateliers et bureaux d'étude, Louis Renault, surprit Serre, Picard et Amise entrain d'examiner la maquette du moteur de la future petite Renault. Le grand patron en observa les moindres détails tandis que ses ingénieurs, rouge de confusion, bredouillaient quelques mots d'explications pour le moins confus..
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C'est beau ça ! Qu'est-ce que c'est ?
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Picard, ayant du temps libre a réalisé cette maquette de petit moteur pouvant équiper une petite auto à moteur arrière comme nous l'avions envisagé il y a quelques mois mais aussi la Juvaquatre. Toutefois, nous ne pouvons pousser l'étude plus loin n'en n'ayant pas le droit ainsi arrêté par les autorités allemandes. Expliqua Serres...
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Pas le droit ! Je m'en fous... poursuivez » tonna Louis Renault ...
A partir de cet incident tout devint plus facile pour mener les études et passer à la mise en œuvre de la future 4CV, n'ayant plus à se méfier que du seul contrôleur allemand, le distingué prince Von Urach, installé chez Renault, précédemment attaché à la direction de Mercedes-Benz et tenu à faire respecter les clauses du traité d'armistice imposé par l'Allemagne nazi à La France. Dès l'été 1941, trois moteurs furent fabriqués et le premier prêt à tourner au banc, le 7 février 1942. Dans le même laps de temps, les autres éléments : châssis et carrosserie préparée par Robert Barthaud, organes de liaison au sol, furent aussi élaborés, si bien que le 23 décembre 1942 le premier prototype fut présenté clandestinement... Sur le plan esthétique ce modèle à deux portes n'étaient vraiment pas affriolant et plutôt laid s'en tenant a des canons de mode dictés par les soucis d'économie pour la réalisation et s'appuyant sur les principes de symétrie, allant dans ce sens, en utilisant des emboutis communs se retrouvant à l'avant et l'arrière du prototype... Le trouvant particulièrement laid, les ingénieurs planchèrent pour concevoir une nouvelle version de cette petite voiture. Celle-ci aboutie, fut prête à rouler le 17 mars 1944 mais ce deuxième prototype d'apparence plus proche de la 4CV que nous avons connue ne fut vraiment mis en circulation qu'à la libération, 5 mois plus tard, n'ayant parcouru que 1230 km, tandis que le compteur du premier prototype affichait, lui, 21 250 km...
Au début du mois de Septembre 1944, Paris libéré, les portes des usines de Billancourt rouvrirent mais une ambiance délétère où les rancœurs remontant aux grèves de 1936, à travers des agitations politiques se mêlant aux accusations de collaboration, entraînèrent l'arrestation de Louis Renault qui fut incarcéré à Fresne où il mourut dans l’indifférence et dans des circonstances restées mystérieuses, le 24 Octobre suivant. Toute cette confusion fut préjudiciable à une bonne reprise de la production. Le 6 Octobre, le gouvernement provisoire nomma Pierre Lefaucheux à la direction des usines, un brillant patron qui se révéla aussitôt comme étant un habile négociateur évitant les excès de l'épuration et un remarquable gestionnaire en remettant l'outil industriel en route.
Ayant pris contact avec le bureau d'étude, Serre et Picard lui présentèrent les deux produits élaborés pendant l'occupation la 4CV et la 11CV. Pierre Lefaucheux ordonna de poursuivre en priorité les études de la 4CV laissées en plan depuis plusieurs mois mais en la dotant de quatre portes au lieu de deux. C'est ainsi qu'un troisième prototype vit le jour, Robert Barthaud, dessina la carrosserie de cette troisième mouture qui, cette fois avait, à quelques détails près, l'aspect de la berline de série que l'on a connue et célébrée par la suite.
Il fallait trancher entre poursuivre la mise au point de cette petite auto et reprendre celle de la 11cv plus conventionnelle. Ce fut le 9 Novembre 1945, à l'occasion d'une conférence capitale à laquelle assistait tout l'état major de la toute nouvelle Régie que l'on décida de produire la 4CV qui, elle, répondait plus aux exigences du ministère de la production industriel le et des instances d'une politique dirigiste appuyée par le plan Pons, évinçant la production d'automobiles « bourgeoises ». Par ailleurs, l'obligation d'équiper l'usine en machines-outils complexes, de se pourvoir en matériaux sidérurgiques dont le prix est en fonction à la fois de l'importance et de la complexité mécanique du véhicule à fabriquer, furent aussi un critère décisif pour axer toute la production de l'usine sur un seul nouveau petit modèle. Pour une première présentation officielle et entrée en production sur chaîne, la date du 1er Juillet 1947 fut fixée. En attendant, l'usine devant fonctionner, poursuivait la production de la Juvaquatre qui fut déclinée en quatre portes puis en break.
Lors d'une grande assemblée, présentation de la 4CV aux concessionnaires puis au salon de Paris en octobre 1946
Dans ce contexte, le prototype N°3 fut achevé quelque jour après cette conférence, le 15 Novembre, suivi d'un quatrième puis d'un cinquième le 22 Mars 1946. A partir de cette étape, on entreprit l'assemblage à la main de plusieurs 4CV de pré-série auxquelles on faisait effectuer des centaines de milliers de kilomètres depuis les neiges du Cap Nord jusqu'aux piste torrides d'Afrique. Elles étaient toutes peintes en jaune sable à partir d'un stock de peinture récupéré de l'Afrika Korps. C'est sous cette forme, mais peinte en couleur foncée, que fut présentée confidentiellement la 4CV aux concessionnaires en Juin 1946. Vient le tour des journalistes le 26 Septembre 1946 puis sa présentation officielle au premier salon de l'automobile d'après guerre, le 3 Octobre 1946.
Premières impressions : Si les premiers prototypes affichaient une réelle laideur, les 4CV présentées au salon étaient esthétiquement réussies. Un gros capital sympathie était acquis par devant les nombreux visiteurs... La "bouille" de cette petite Renault est absolument craquante... bien proportionnée, pimpante dans sa livrée vert pâle, cette nouvelle venue est une réussite. Son style, sa compacité, sa simplicité mécanique, ses performances, son économie à l'usage, vont séduire un large public dès son entrée en production un an plus tard.
Citadine avant la lettre, la 4CV est une petite voiture agréable à vivre au quotidien. Quatre adultes peuvent prendre place à bord mais doivent se limiter en quantité de bagage, le coffre avant étant trop exsangue. Le confort reste dans les critères acceptables pour l'époque et compte tenu de la petite taille du véhicule. Les suspensions un peu sèches, la direction précise et incisive, la motorisation souple et nerveuse, en dépit de sa très modeste cylindrée de 760 cm3, lui confère un caractère sportif qui plaira à une clientèle jeune et sera exploité par le constructeur qui, par la suite, réalisera parallèlement des 4CV sport bien plus performantes qui prendront des places d'honneur en compétition et en rallye.
Chaine montage - Train arrière moto-propulseur - Coupe transversal du moteur - Liaison au sol et supension - Boïte de Vitersses.
En 1950 sort la 100 000ème 4CV ce qui place la Régie comme premier constructeur national employant alors 47 500 ouvriers. C'est bien ce modèle qui va servir de tremplin à cette grande entreprise pour sortir du marasme économique d'après guerre et permettre le lancement d'autres modèles plus imposants tels que la "Colorale" un gros break à usage à la fois familial et commercial puis la classique "Frégate".
Les évolutions dans le temps ...
Modèles 1956 à 1961 Il y eut pas mal de version différente de la 4CV "Affaire", passant par la "Normale" puis la Luxe et Super Luxe jusqu'à la sémillante Découvrable.
Dès 1951 La Régie Renault produit en moyenne plus de 100 000 4CV par an et à l'arrêt de sa fabrication, le 6 juillet 1961, sort l'ultime exemplaire la 4CV N°1 105 547.
C'est la R4 qui va prendre le relais, cette fois dans une configuration mécanique et stylistique totalement opposée : traction avant et carrosserie de petit break. En 1993, le pétulante Twingo, constituera une évolution original de la petite voiture (citadine). Et Aujourd'hui la dernière version de Twingo a repris la disposition du moteur à l'arrière … un retour aux sources en quelque sorte !...
"4 cylindres - 4 places - 90 km/h - 6 litres aux 100 Km" ... telle la présentait la publicité de l'époque ...
Souvenirs...
La première 4CV dans laquelle je suis monté, c'était celle de personnes en relations avec une grande amie de ma mère chez laquelle j'étais en vacances, à Dol de Bretagne, en Été 1951...
Je me souviens que le garage concurrent de celui de mon père, sur le cours Général de Gaulle à Lesparre, était un agent Renault et que son patron M. F., participait à des courses avec sa 4CV sport au moteur gonflé.
A Mirebeau, A la fin des années « 50 », la prof d'anglais du Cours Complémentaire, Mlle L. avait une 4CV bleu ciel qu'elle garait sous le hangar de notre logement Rue Hoche
Du temps où j'étais éducateur dans la Drôme, un collègue sympa, Jean-Paul B. m'avait emmené à bord de sa Vieille 4CV passer la veillée de Noël 1972 dans sa famille à Crest.
Personnellement je n'en n'ai jamais possédée sinon celle que vous trouverez parmi d'autres, dans l'ensemble des illustrations ci-dessous, un modèle réduit
qui appartient à ma collection d'autos miniatures.Un indéniable succès commercial avec ce mérite d'avoir démocratisé l'automobile, la 4CV RENAULT est sans consteste un jalon qui fait date dans la grande histoire de l'Aventure Automobile ... Une adorable petite voiture !
La Renault 4 CV - La Compétition - Le Palmarès
1949 1951 1952 1953 Rallye Garmisch-Partenkirchen Seyfferth-Wencer Rallye de Monte-Carlo Estager-Gillard Critérium Neige et Glace Galtier Rallye Paris-St Raphaël féminin Mme Simon Rallye des Routes
La 4CV Renault un incontestable succès commercial mais aussi un formidable palmares sportif...
Planches et images : "Automobilia" N° 44 et N° 45 - "Toutes les Renault" de René Bellu.