De Lucius Fadet du Poitou aux Lulus de la bande (dessinée), évoluant à la même époque, le lien se fait naturellement : le premier, en 1913, surprenant des garnements de 13 ans au bord de la Clouère, les seconds pris dans la tourmente de la première grande guerre...
Nôtre fille aînée Amélie et son compagnon Samy sont allés au 50e festival de la BD qui se tenait du Jeudi 26 au Dimanche 29 janvier à Angoulême. Ils en sont revenus ravis, avec des sacs en papier contenant plusieurs albums dont certains dédicacés par leurs auteurs et, pour moi le tome 7 de *La Guerre des Lulus*.
Les 7 opus en ma possession (il en est, actuellement sortis 8 et d'autres sont à venir) de cette aventure de gamins en passe de devenir adultes, pris dans la toumente de cette terrible grande guerre ... Galerie de portraits dans le journal du 3 mars 1919...
Entre peurs et espérances, entre entreprises à risques et jubilations en défiant les gens et les événements, nos quatre boys, prénommés Lucien, Luigui, Ludwig et Lucas, orphelins égarés dans la nature au cours des 4 terribles années de la première Grande guerre, vont avoir à endurer la rigueur des hivers, souffrir de la faim, du manque d’hygiène, de la rusticité de leurs hébergements successifs. Mais la débrouillardise, l'esprit de créativité et le sens de l'opportunité, et le réalisme dans l'action font partie des « talents » qu'ils se partagent en dépit de leurs défauts récurrents. On s'attache à leurs bouilles sympathiques autant qu'à leurs frasques et leurs réparties tout à fait dans le ton de cette période de la vie qui précède l'âge adulte où la fraîcheur, la naïveté, les interrogations, les doutes autant que les espoirs propre à l'enfance, ne sont jamais loin.
Et puis nos quatre Lulus ne sont pas les seuls héros de cette aventure, une charmante Luce rencontrée au début de leurs pérégrinations se joint à eux et va partager leurs tourments, leurs émotions et leurs joies éphémères. Les quatre ont compris qu'ils devaient la protéger mais, sans elle, auraient-il toujours pris les bonnes décisions ?
Voilà qui nous ramène aux dialogues bien ficelés, drôles, émouvants, percutants de vérités. Ils reflètent parfaitement les caractères juvéniles et adolescents de chaque individu autant qu'ils correspondent aux préoccupations tenant à leur jeunesse. Autour, les grands, ces adultes montrent leur sérénité sans les écraser de leurs savoirs, et savoir-faire souvent respectueux de leur soif d'apprendre et surtout se montrant protecteurs.
Beaucoup d'humanisme transpire dans ce récit en bulles et en images. Même les soldats allemands antagonistes, souvent présents dans leurs escapades, se posent des questions en rapport avec l'absurdité et l'horreur de cette guerre.
Lucien est le plus âgé, il a 15 ans au début de cette histoire. Entreprenant, téméraire, il a l'étoffe du chef et demeure suffisamment influent sur le groupe malgré les contestations.
Luigi, 14 ans, à la fois irritable et flegmatique est le plus revendicateur et profiteur du groupe. Mais il fait montre d'un esprit de solidarité qui cimente les liens de leur sympathique petite troupe.
Ludwig 13 ans, est l'intellectuel de la bande, pragmatique il a la réparti infaillible au moment de prendre les décisions.
Lucas, avec ses 11 ans, est le plus jeune. Curieux, intrépide mais aussi candide il se montre pugnace lorsqu'on veut le tenir à l'écart des raids les plus périlleux.
Luce la seule fille a 13 ans. Pondérée, sa sérénité, sa témérité aussi lui valent le respect des quatre garçons. Sa maturité influe sur le groupe et elle ne manque pas de les rappeler à l'ordre lorsque les querelles pour des futilités opposent les gars. Tous sont subjugués par sa sensibilité et sa beauté.
D'autres personnages parfois hauts-en-couleurs viennent pimenter cette aventure, sorte de road-movie par-delà les bruits de bottes et les détonations d'une guerre terrifiante.
Un ensemble d'excellentes BD qui nous plonge dans ces pans de l'Histoire douloureuse tout en nous préservant des horreurs du champ de bataille...
L'émotion est au rendez-vous...
Et puis, Les Lulus, vous pensez bien ma fille cadette a opportunément saisi la proximité de la consonance de notre nom de famille : Lucquiaud, voilà un rapprochement judicieux, d'autant que mon grand père maternel que, hélas, je n'ai jamais connu, se prénommait Lucien, a fait et est mort à cette guerre.
Page 6 de l'album N°7 : en janvier 1919, Lucien et Luigi en errance sur une champ de bataille désaffecté, dans la Somme, rencontrent des soldats ayant pour mission de garder le site ...
Cette planche ci-dessus, au graphisme réaliste, nous renvoie à l’extrême violence des combats et à l'horreur de cette guerre qui ne s’arrêtent hélas pas à l'armistice... les conséquences sont encore plus redoutables ; ces deux poilus en ont sans doute le souvenir gravé à jamais dans leurs mémoires... Ces champs aux milliers de fondrières, infâmes bourbiers, sont, pour des décennies, dénaturés et intensément pollués. La terre mille et mille fois retournée, est incultivable. Conglomérat de fer, de sang, de restes de corps humains broyés ensevelis mais aussi, millions de balles de fusils, milliers d'obus auxquels s'ajoutent de perfides mines, peuvent soudainement exploser à votre passage...
C'est ce qu'expliquent ces braves en tenue bleu horizon à ces deux jeunes gens égarés qui recherchent leurs copains dont ils furent séparés dans la tourmente de ces terribles années de guerre. A ce désastre sans nom, il faut ajouter les centaines de milliers de blessés, ces innombrables "gueules cassées", ces misérables qui ont "perdu la tête" et que cette impitoyable guerre a rendu fou... brisés jusque dans leur dignité d'êtres humains...
Les deux soldats quelque peu bourrus mais serviables, remettent Lucien et Luigi en bonne route, hors du champ de tous les dangers, puis arrêtent un camion transportant des moutons pour les approcher de Valencourt où, à l'orphelinat qu'ils avaient quitté au début de la guerre, ils comptent retrouver, leurs deux camarades d'infortunes : Ludwig et Lucas et peut être avoir des nouvelles de Luce constituant l'épisode sous-titre, du 8e Album.