C'est une suite à "La commode aux tiroirs de couleurs" un autre volet de cette saga familiale de sœurs d'origine espagnole exilées dans le sud de la France à Marseillette. Après le volet "Rita" c'est celui de sa petite sœur Carmen que l'on entrouvre dans ce nouveau roman d'Olivia Ruiz.
Carmen c'est aussi du feu... feu follet, feu de joies, feu des passions, feu de l'amour, un être solaire qui virevolte et saute d'une aventure à l'autre sans trop regarder ce que l'on laisse derrière soi ni s'inquiéter de ce que l'on trouvera plus loin devant ...
Carmen dit ce qu'elle pense dans l'instant, quitte à se contredire par rapport à ce qu'elle disait la veille et qu'elle pensait tout autrement. Un jour en efface un autre, même s'il n'efface pas tous les souvenirs. Carmen serait surtout un personnage au tempérament sanguin. La vie ce ne peut être que du beau, que du plaisir, même s'il faut trimer pour y accéder.
Elle a une idole qu'elle adore et choie à sa manière, c'est Cali la fille de Rita. Cali c'est un rayon de soleil, une petite merveille qui promet, douée, volontaire, belle comme un cœur et qui danse magnifiquement le flamenco !
Carmen n'aime pas le conformisme, ni les propos sentencieux, moralisateurs et encore moins le politiquement correct. Elle se chamaille avec ses sœurs, faisant front à leurs préceptes d’éducation et de menées existentielles, attachés aux redondantes convenances émaillées de foi, d'entraide, et de charité chrétienne, autant que d'idéal républicain plan plan, mi prolo mi bourgeois.
Carmen fait s'exprimer ses désirs, en quête perpétuel de plaisirs à prendre à tous les niveaux de la vie. Cela commence avec ses sentiments, puis ses envies et ses attirances pour s’achever en apothéose avec son corps.
Cela correspond tout a fait avec son esprit d'indépendance et sa soif de liberté.
Pourtant, cette dernière sera soumise à rude épreuve quand elle rencontrera le bel Antonio qui n'a guère de peine à la séduire, même si au début de leur relation, elle s'est montrée revêche faisant tout pour le tenir à distance... mais n'était-ce pas pour se faire plus intensément désirer ? Elle le suivra jusqu'à Tolède en Espagne, se mettra à son service à la fois soumise et libre apparemment. Sans trop chercher à comprendre ce qu'elle fait et manipule dans la tâche de secrétariat qu'il lui a confiée, elle exécute, à la lettre ses ordres, suit scrupuleusement ses consignes pour finalement être arrêtée puis jetée en prison...
Serait-elle Innocente et naïve à ce point là de n'avoir rien su ni compris des activités de son bel Antonio, torero de renom dont la célébrité masque opportunément ses trafics et autres louches activités?....
A cette époque où le franquisme sévit encore vigoureusement dans la société espagnole, sa soif de liberté a conduit Carmen en prison...
Comment va-telle vivre dans cet univers carcéral impitoyable ? Quelles rencontres y fera-t-elle ? S'en sortira-t-elle ? Quelles répercutions cela engendrera dans sa relation avec ses sœurs restées en France, auxquelles elle n'a plus donné de nouvelles pendant de longs mois ?
Cette Carmen a peut-être encore des pages de vie à écrire, elle qui voulait tant s'inventer un destin.
Il faut lire ce roman empreint d'émotions prégnantes, de sentiments forts, d'amour et de dignité. l'écriture est vive sans être abrupte, le langage, au besoin fleuri par la spontanéité du ton bien en phase avec le réel. Olivia Ruiz a aussi le talent d'écriture qui métamorphose l'événement historique où s'est inscrit son propre chemin sans que cela soit un récit autobiographique, en fiction haletante, bougrement humaine.
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- Assister, ce n'est pas aider putain! Aider, c'est apprendre à quelqu'un à s'en sortir par lui même. Dites-lui que vous la soutiendrez quoi qu'il arrive. Dites-lui qu'elle doit faire ses choix en étant consciente que le monde, et celui de l'art en particulier, est impitoyable. Mesurez son envie, et exprimez-vous en fonction ! Mais arrêtez de la décourager alors qu'elle a le cran de s'affirmer!
Comme Pedro, j'ai remarqué que Cali avait quelque chose de spécial quand elle danse le flamenco. Si elle valse ou chausse ses pointes, elle est brillante, mais quand elle entre dans sa peau de bailaora, elle devient solaire. Elle explose le cadre, se libère. En apprenant les pas que lui montre Pedro, son instinct se révèle et je vois saigner toutes les plaies de l'Espagne.
La pluie qui tombe, même drue, n'assourdit pas le rayonnement de nos soleils intérieurs...