De tous les romans lus au cours de cet Été, celui-ci, incontestablement, fut pour moi, le plus jubilatoire... L'Auteure, d'origine espagnole, aussi chanteuse compositrice interprète et actrice, révélée lors de la première édition de la Star Academy en 2001, nous conte des pans de vie sur quatre générations s'appuyant sur ceux mélo dramatique de Rita, l'Abuela* de Cariño* ( la Grand Mère de "Chérie" ?...).
Cette histoire s'inscrit dans la période partant de la guerre civile dans l'Espagne franquiste jusqu'à nos jours et donc débute avec celle se passant auprès des familles qui accueillent ces républicains opposés à la dictature de Franco, les uns morts aux combats, les autres fuyant la répression et s’exilant en France. Parmi ces derniers figurent Rita et ses sœurs, Leonor et Carmen, envoyées par leurs parents à Narbonne pour être hors d'atteinte des méfaits des milices franquistes qui semaient la terreur et la mort dans les villages républicains.
De l'autre côté de la Frontière, on se montre peu chaleureux avec les exilés, il n'est pas fait bon accueil à ces Espagnols qui arrivent en masse, dont on dit qu'ils ne sont pas toujours propres et qu'ils sentent mauvais. La plupart sont parqués dans des camps.
Heureusement Rita et ses sœurs ont des correspondants sympathisants à Narbonne, mais bouches à nourrir exigent une contrepartie et ces jeunes filles doivent contribuer en travaillant, souvent durement. C'est le plus souvent en accomplissant des travaux de couturières qu'elles gagnent un peu d'argent, parfois suffisamment pour se libérer de leurs dettes et engagements auprès des familles qui les ont reçues. Elles trouvent alors leur indépendance et se logent à leurs frais en recomposant dans les villes du Sud de la France, des communautés d'Espagnols exilés.
Rita, elle, ne tarde pas à prendre son indépendance, poussée par son envie d'être Française, elle a tôt fait d'apprendre la langue et même de la parler sans accent … Elle ira à Toulouse et connaîtra Rafaël lui aussi, ardent républicain qui veut en découdre avec les franquistes...
Dans ce roman qui vous entraîne dans une succession d'événements tantôt drôles et épiques, tantôt empreints de tragédie, le fil rouge qu'on penserait être tiré progressivement d'un des tiroirs aux différentes couleurs de cette commode, tient surtout au sentiment d'abandon lié aux fuites, au fugues, à l'envie d’aventure ou à la nécessité impérieuse de connaître les raisons qui ont poussé des familles entières sur les chemins de l'exil.
Abandon de la part des parents de Rita - Abandon de ses sœurs de la part de Rita et plus tard, abandon de la famille qu'elle a constituée non pas avec Rafaêl mais avec André, son premier flirt.
La force de Rita est de s'adapter à tous nouveaux environnements, à toutes nouvelles situations, aux personnes différentes. Avec détermination et pugnacité, elle devra relever les manches en de nombreuses occasions. Elle retournera en Espagne chez les siens mais y sera mal accueillie considérée comme renégate et lâche en ayant fui la guerre civile.
Dans ce roman il y a à la fois beaucoup de dureté mais aussi beaucoup de tendresse, la gouaille la légèreté s'accompagnent aussi de retenue, de pudeur et de respect des principes communautaires et familiaux.
Être dans la Fraîcheur des choses, fussent-elles du passé, ce serait là le message plein d'espoirs de l'Abuela. Bien sûr cette fresque s'étalant sur plusieurs générations, comporte une extraordinaire galerie de portraits et de destins particuliers. L'auteure – "La femme chocolat" – nous décrit avec délice toutes ces scènes de vie sans toutefois les truffer de dialogues mais plutôt d'images très colorées, vives jusque dans la métaphore non dénuée de sens et de pittoresque. A travers ces descriptions pimpantes les réparties croustillent avec juste ce qu'il faut de malice pour dédramatiser les situations les plus tendancieuses ou délicates et ne pas tomber dans le pathos. L'écriture fluide, de page en page, rend la lecture facile, savoureuse même, sollicitant alors notre appétit en expressions et mots "gourmandises" ; avec Rita, on croque la vie à belles dents jusque dans les plats qu'elle compose avec amour au bar tabac restaurant épicerie qu'elle a ouvert à Marseillette...
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Cette lecture exaltante nous entraine dans cette quête de sa propre identité confrontée à sa soif d'être en harmonie avec les autres si différents, tout en restant fidèle à ses origines tenant aux racines plongées dans le terreau des luttes accomplies par tout un peuple pour retrouver sa liberté, en s'étant opposé âprement aux monstres du fascisme.
Et il y a cette transmission du "savoir devenir" à tirer de chaque tiroir de cette commode aux vives couleurs du passé …
Mais à travers cette saga familiale, je me pose maintenant cette question : quelle est dont l'héritière de cette commode ? Son nom n'est jamais prononcé sinon par : Cariño* qui veut dire chérie... Comment s'appelle cette petite fille de Rita, qui est aussi la fille de Cali, elle, fille de Rita. Alors mère d'une petite Nina à la 5ème génération ?...
La réponse ne serait-elle pas dans l'intitulé de cet article ?...