Sortir des défilés d'entre les monts, retrouver la vallée, puis la plaine, franchir les grands espaces, même en 4L cela peut devenir jubilatoire... Une semaine après mon départ d'Etrépagny à destination des Tauern autrichiens me voici effectuant le même chemin en sens inverse ; j'ai oublié ce que cela a de consternant pour ne me complaire qu'à la conduite de ma petite auto qui avance qui avance... d'abord sur un tempo lent puis progressivement sur le mode allegretto.
Effectivement, le moteur de ma la 4L est en rodage et suivant les recommandations du constructeur, les 500 premiers kilomètres doivent se faire en ne montant pas dans les hauts régimes, imposant de ne pas dépasser les 75km/h en prise directe, c'est à dire en 3ème. Passé ce cap, il convient de faire de petits galops en accélérant doucement poussant jusqu'à 90 sur une courte distance puis retombant en souplesse à 75-80 ceci sur une deuxième tranche de 500 km. Il n'y a pas mieux que l'autoroute pour débrider ainsi une mécanique refaite à neuf. Et, de l'autoroute à partir de Salzbourg j'en dispose jusqu'à l'arrivée en France. Régulièrement tous les 10 kilomètres j'effectue ces accélérations jusqu’à 90, 95 puis 100 km/h sur 1 puis 2 puis 3 kilomètres en surveillant le flot de circulation pour ne pas surprendre ni gêner les autres usagers au cours de ces phases répétitives d'accélérations et de décélérations. Je ne manque pas de faire quelques pauses indispensables pour laisser refroidir le moteur, me dégourdir les jambes soulager ma vessie et déjeuner.
Tandis que sous le ciel tout bleu, illuminé par un chaud soleil, défile le long ruban gris, sur les ondes, Danyel Gérard chante « Butterfly »... un air fort réjouissant et si léger... à ce début d’Été j'ai, moi aussi, le cœur papillon... pensez, à bord d'une quatre ailes ! Une 4L, qui plus est, est assurée à la compagnie « Abeille » ça ne saurait vous donner le bourdon !... Pourtant, ça ne fait de moi ni un homme ruche, ni un homme riche… ainsi volettent mes pensées dans mon esprit papillon au cadencement des kilomètres...
Gosbach en Allemagne : tout près de l'autoroute A8, ce même garage, aujourd'hui (photo Google Earth).
Il est un peu plus de 16 heures quand j'arrive à Gosbach, au garage - panonceau Volkswagen - où fut effectué la remise en état du moteur suite à ma première panne il y a une semaine. Depuis j'ai parcouru 850 kilomètres et normalement on doit effectuer un resserrage de culasse à partir des 1000 km. On me dit que je peux continuer jusqu'à chez moi sans me faire du souci et que cette opération, qu'il est préférable de faire à froid, peut attendre jusqu’au 2000e km. Je reprends donc la route et cette fois, pour éviter la traversée laborieuse de la forêt Noire, je monte jusqu'à Karlsruhe ce qui me permet de rouler sur l'autoroute jusqu'aux abords de Strasbourg où j'arrive vers 19H.
Nationale 4... C'est aux environs de Saverne que m'arrêtant à un restaurant routiers, je me commande une choucroute maison (forcément de conserve à cette saison...) bien garnie, accompagnée d'une bonne pinte de bière pour contrecarrer mon affliction du moment, me disant que ventre bien garni fait aussi le cœur chaud. Finalement je passerai mes deux dernières semaines de vacances à Saint-Martin et de là pourrai bien faire quelques sorties intéressantes et profiter du bord de mer qui n'est pas trop éloigné.
De toute façon, j'ai l'intention de boucler ce voyage en poursuivant ma route de nuit, ce qui me fera arriver à Etrépagny vers les 6 -7 heures du matin. Si fait... à Nancy, où je parviens vers 23 H je fais une nouvelle halte et m'offre un demi de bière en terrasse place Stanislas. Ambiance détente parmi la foule du soir...
Direction Saint Dizier. et roule roule roule ma vaillante 4L …
Minuit et demi... je viens de passer Ligny-en-Barois... Pfiiittttt... ! Voyant rouge d'alarme sur le combiné … arrêt d'urgence …. au bord de la route...
« Jamais deux sans trois » … Je n'y crois pas !... Et pourtant c'est bien un troisième arrêt intempestif que j'encaisse ... avec ma caisse... en à peine 10 jours !...
La tête que je fais, je ne peux pas vous dire… il fait nuit noire et je m'en fous... je me saisis de la pile électrique dans le vide poche, sors de voiture et bascule le capot moteur (de l'arrière ver l'avant sur la 4L)... vapeur d'eau et ruissellement d'icelle sur les parties métalliques... le niveau est très bas dans le vase d’expansion... L'eau du système de refroidissement s'est presque en totalité volatilisée... et la cause en est l'éclatement de la durite entre le bloc moteur et le radiateur...
Je n'invente rien... telle est la situation de l'instant à quelques 350 kilomètres de chez moi, c'est ubuesque... décidément moi qui aime tant les voitures, force m'est de constater que, elles, en retour, ne m'aiment pas...
Bon, tu peux toujours gueuler aux petits pois, enrager contre ton sort, danser le tamouré sur la chaussée, te rouler dans l'herbe du bas côté, chanter la javanaise en javanais, faire pipi contre ta roue de secours, faire les cents pas dans la Pampa voisine, te traiter de pauvre con 558 fois de suite, c'est ainsi mon gars... ta bagnole te refais le coup de la panne et c'est la troisième fois depuis le début de tes vacances !...
Arrête de te plaindre mon Lulu, vois là, à 200 mètres, une station éclairée qui est ouverte de nuit donc, une station que tu viens de dépasser juste avant de t'arrêter...
Laissant la 4L avec les feux en veilleuses (pas de warning à cette époque), j'y vais à pied forcément... et j'ai alors cette chance inouïe d'y trouver un agent sympa, un homme de la cinquantaine auquel je conte mes déboires et qui ne rechigne à m'aider pour pousser la voiture jusqu'à la station. Si si si, dans mon malheur, il y a aussi, en contrepartie, de bons esprits pour m’assister. Ce brave homme est aussi meccano, et a tout de suite repéré que le thermostat monté en sens inverse, aurait mal rempli son office dé régulation d'eau dans le circuit provoquant la surchauffe. Les meccanos allemands ont mal remonté le système de refroidissement après l'avoir vidangé… c'est étonnant que cela ait pu tenir plus de 1000 km... l'agent m’explique que cela dépend de la pression au niveau de la pompe à eau...
Et maintenant ?... La voiture pourra-t-elle repartir si on répare le circuit en changeant la grosse durite et en replaçant le thermostat dans le bon sens ?...
Voyant ma mine dépitée, cet homme providentiel, véritable ange gardien, va jusqu'à appeler au téléphone, comme ça, au milieu de la nuit, un collègue qui arrive une demi-heure plus tard, avec une durite de remplacement. C'est fou ça !...
En moins d'un quart d'heure ils effectuent la réparation, refont le plein d'eau dans le circuit de refroidissement et vérifient le niveau d'huile. Coup de démarreur, le moteur tousse deux trois fois puis se met à tourner... Mon dépanneur bienfaiteur, qui a aussi l'oreille mécanique me dit qu'un temps de compression, par moment, passe dans l'admission... le joint de culasse a dû perdre de son étanchéité. Je peux rentrer comme ça mais en vérifiant régulièrement les niveaux d'eau et d'huile, en tous cas s'arrêter impérativement si le voyant rouge de surchauffe se rallume. La durée de vie du moteur, elle, est bien compromise …
J'en profite pour faire l’appoint en essence, le tout me revient à 75 F ce n'est vraiment pas cher pour un tel service rendu en pleine nuit.
Et c'est reparti à destination de la Normandie. Direction Vitry-le-François. Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement entre la situation présente et celle de la panne de l'Anglia à Hume, l'année précédente, au retour du voyage en Grèce. J'avais dû laisser ma voiture au moteur nase sur le plateau du Morvan... là, quoi qu'il dusse m'en coûter, j'espère bien ne pas laisser ma 4L en Lorraine et la ramener au bercail...
Je roule avec la hantise d'un nouvel arrêt intempestif… pourtant j'arrive à Reims sans problème... là, je prends la N31, cet axe Rouen-Reims qui me fait passer bien plus au Nord de Paris. Soisson, Compiègne, le jour se lève... je file vers Beauvais. Plus je progresse et plus j'appuie sur l'accélérateur, poussant jusqu'à 110 km/h dans les longues portions de route droite... Il y a bien parfois quelques pertes de puissance. M'étant arrêté à plusieurs reprises je n'ai pas eu à remettre de l'eau ou de l'huile. Beauvais... plus qu'une cinquantaine de kilomètres... pourvu qu'elle tienne jusqu'à la maison !... Gisors... ça y est, nous sommes dans l'Eure !... Il est presque 8 heures quand je franchis le portail du parc Saint-Martin...
Au pavillon Saint-François, collègues et résidents sont étonnés de me voir... « Eh bien déjà de retour d’Autriche !... Oui, je vous expliquerai plus tard… » Je file jusqu'à ma chambre, dépose mes bagages, me fais un café, le bois d'un trait puis me jette sur le lit, ayant demandé à Sylvianne L. qui travaille en cuisine, de me réveiller vers 10 heures...
Les Andelys : bâtiment et atelier de la Concession Renault laquelle n'exite plus, à cet endroit, aujourd'hui... (Photo Google Earth)
À l'heure dite, elle me sort de mon court sommeil. Je me débarbouille vite fait, saute dans la voiture qui n'est pas trop capricieuse à démarrer puis file aux Andelys à 20 km de là...
À la concession Renault où j'ai acheté la 4L, un mois et demi plus tôt, je demande le patron. Il est en discussion avec un client... j'aurai, moi aussi, beaucoup de choses à lui raconter, vous pensez bien… Je patiente une dizaine de minutes et monsieur B. s'avance vers moi...
« Ah Monsieur Lucquiaud !.. cette 4L vous en êtes satisfait ?… voyant mon air renfrogné, Tout va bien j'espère ?... Pas vraiment lui rétorque-je en contenant ma fureur... » Je lui conte alors, n'omettant aucun détail cruciaux, mon voyage en Autriche ponctué de trois pannes sévères qui font que ma 4L de 4 ans d'âge, achetée d'occasion, récemment, ici dans sa concession, m'est revenue quasiment au prix d'une neuve et que les frais pour une remise en état définitive, ne s'arrêteront, hélas, pas là. Je l'entraîne jusqu'à la voiture que je me suis permis d'entrer dans le grand atelier de réparation...
Sollicitation du démarreur à plusieurs reprises… Le moteur reste silencieux, un meccano vient et tente plusieurs fois de le remettre en route... Rien !... ma 4L ne veut plus bouger de cet endroit... c'est bien ce que je redoutais, cette fichue mécanique est HS !... Elle aussi, voulait être de retour au bercail...
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