Réédition d'un article initialement publié le 04/05/2015 à 18:07
Hier soir sur FR2 était diffusé ce film de Jean Becker sorti en 1999 que nous n'avons pas manqué de regarder avec grand intérêt, cela étant au moins la 5ème fois...
Mais, qu'a-t-il donc de si extraordinaire ce film, pour qu'on profite de le revoir à chaque rediffusion ? Oui, parce qu'avec ces enfants du marais, on est loin du film d'action avec son lot de rebondissements qui captive l'attention. Ici, c'est plutôt le genre contemplatif qui prévaut...
Possible, mais justement, il n'y a pas de longueurs et d'une scène à l'autre on reste sous le charme des prises de vue servant le cadre à la fois bucolique et romantique mais aussi des plans nous ramenant aux personnages, une galerie de portraits hauts en couleurs et riches d'humanité.
Le thème tient à deux valeurs existentielles d'exception : l'amitié et la liberté. Ici, ils sont magnifiés par le choix du contexte (la période d'entre-deux guerre, la vie simple des petites-gens en province), par la bonhomie et la rusticité des personnages, et bien sûr par le jeu juste des acteurs les incarnant. C'est un vrai régal pour les yeux mais aussi pour l'entendement grâce aux paysages, aux scènes de vie où les rapports humains sont authentiques, nullement surfaits. C'est une immersion bienfaisante et salutaire dans un monde lumineux, frais, souriant, qu'on adopterait volontiers pour en faire son quotidien...
Justement parce que la liberté y tient la place essentielle et que celle-ci n'a de raison d'être que par les liens d'amitiés qui unissent les personnages dont les deux compères : Riton (Jacques Villeret) et Garris (Jacques Gamblin). Le premier, un bon bougre, simplet, brouillon, plutôt fainéant, aime la dive bouteille, le second débrouillard, dévoué, secourable, surtout pas opportuniste, est épris de liberté et court après... Ils sont entourés de Amédée (André Dussolier), un rentier rêveur amoureux des livres et de jazz, de Pépé la reinette (Michel Serault), un ferrailleur devenu patron de fonderie, de Mme Mercier (Gisèle Casadesus), une veuve qui ne prodigue que des gentillesses, de Marie (Isabelle Carré), jolie domestique d'une famille bourgeoise, de Tane (Jacques Bourdet), le conducteur de train, et aussi des enfants de Riton dont la pétillante et adorable Cricri (Marlène Baffier). Tout ce petit monde se croise et se retrouve au marais pour y partager les repas, les parties de pêches et les dimanches d'oisiveté. On y parle simple, franc mais jamais méchamment, on y apprécie ces instants de douce paix et de belle amitié. Les dialogues servent magnifiquement la spontanéité villageoise des personnages, rien de ronflant, tout est authentique, bon, rassurant mais nullement convenu parce que des moments comme cela, on en a certainement vécus dans sa propre existence, et ces scènes nous y renvoient immanquablement.
Il faut encore signaler, au début du film, la présence de l'excellent Jacques Dufilho qui incarne "le pépé de la cabane", cabane qu'il cédera à Garris qui lui est venu en aide un soir de grand froid hivernal. Cet évènement va fixer le jeune homme au marais et le lier aux truculents habitants des lieux.
Il y a bien sûr le personnage en contre-point, l'ombre planant sur ces moments d'harmonie, propre à la rompre, mais cela ne tient nullement du suspens même si on se doute que la rixe survenue lors d'une altercation de Riton, avec le boxeur Jo Sardi (Eric Cantona) qui pulvérise tout le mobilier dans le café de Félix (Roland Magdane), aura ses conséquences douloureuses. Ce moment arrivera seulement à la fin du film... mais avant, il y a tant d’autres échanges riches de ces pages d'exsitence au grand air où les humains se plaisent à composer ensemble ces hymnes à la vie, à la Vraie Vie, celle qu'on tisse avec les fils de l'amitié, avec les élans du cœur et cette puissante envie de liberté.
« Nous, on est certainement des gagne-misère, mais on n'est pas des peigne-culs... »
Eh oui, ce propos bien cru, issu d'un admirable sursaut de la dignité humaine, sert aussi ce magnifique film.