Réédition d'un article publié une première fois le 13/12/2011 puis une deuxième fois le 20/12/2012.
A ce moment du confinement imposé par la pandémie Covid 19, nous approchant de la période de préparation de la fête de Noël, je trouve tout à fait opportun de remonter ce très joli conte qui ravira nos âmes d'enfant.
Bonne lecture !
Croyants ou libres penseurs, Noël est une fête pour Tous… au début de la longue saison d’hiver, elle clame l’espérance manifestée par l’accroissement de la Lumière, la volonté de Paix et d’Amour et le partage des bienfaits de la Vie …
Au loin les vicissitudes du quotidien, les turpitudes résultant des comportements rapportés par l’oppressante actualité !... Posons-nous un peu, c’est bientôt Noël et, Noël, ça se prépare dans la chaleur de nos maisonnées, au chaud de nos cœurs et ça illumine nos villes, nos villages mais aussi nos visages d’une grande joie qui ne demande qu’à être partagée.
Suit, un conte de Noël que j’ai trouvé dans mes anciennes lectures dans un livre d’un autre âge, un conte produit par un auteur anonyme qui devait avoir grande sagesse et surtout une âme généreuse, un conte rempli de la simplicité et de la beauté des humbles que je me permets de publier dans ces pages parce qu’il est porteur du seul et unique vrai message de Noël…
Vous parents, grands parents, lisez-le tranquillement puis, dans ces quelques jours qui nous séparent de Noël, prenez un instant pour, à votre tour le conter à vos enfants et petits enfants en leur en faisant la lecture ou, mieux, vous en étant imprégné, en le contant avec vos propres mots dictés par la force de votre émotion… C’est un immense bonheur que vous partagerez en famille et, à vos chers petits, pour qu’ils le vivent un peu plus intensément dans leur cœur et qu’il les aide à grandir, demandez-leur de l’illustrer avec les belles couleurs nées de leur imagination à l’œuvre sur leurs dessins d’enfant… vous verrez là s’opérer toute la magie de Noël …
Le violon de Miredo …
Assis devant son chalet, Pitou rêve. Ce gamin infatigable l’Été, solide sur ses skis l'Hiver, ce petit montagnard habitué aux durs travaux, aux hivers rigoureux, à la vie rude des hautes cimes, ce petit montagnard là, ne pense qu'à une chose : jouer du violon ...
- Où prendrions-nous l'argent pour avoir ce violon ? – dit le père – Il faut manger d’abord !
- Notre argent, c'est pour acheter des chaussures et pour soigner les bêtes – dit sa mère – que ferions-nous d'un violon ? On ne se nourrit pas de chansons …
- Un violon qui grince, qui casse les oreilles – dit Grand-mère – c'est bon pour les fainéants ou les gens de la ville …
Pitou ne parle plus de son violon, à quoi bon ! Mais il ne cesse d'y penser … il pense à l'Hiver où, en grand mystère, filant sur ses skis, les soirs de clair de lune, il va chez Pierrot, le vieux cordonnier. Pierrot a un violon et Pierrot apprend à Pitou ce qu'il sait de la musique et de la manière de jouer de cet instrument. Le violon, n'est pas fameux, et bientôt Pitou en saura autant que son professeur... mais c'est leur secret et cela les rend heureux tous les deux.
Dès l'aube sa mère est partie au marché, Pitou a brossé le plancher de la pièce commune du Chalet, préparé la soupe, donné à manger aux cochons, conduit les vaches sur l'alpage et voilà plusieurs jours que, derrière le chalet, il coupe, scie, fend du bois et, tandis qu'il le range en tas sous le auvent, il pense tout à coup qu'il faut raviver le feu sous la grosse marmite de soupe. Alors qu'il se précipite vers l'âtre, devant la porte grand-ouverte du chalet, il aperçoit un vagabond assis, avec un grand ballot posé à côté de lui. Flocon, le chien berger de Pitou, aboie furieusement...
- Tout doux Flocon, couché ! - crie Pitou.
- Bonjour Petit, il n'est pas commode ton chien, n'aie pas peur, je suis un vagabond mais je ne te ferai pas de mal ; j’ai vu la porte ouverte et je me suis assis en attendant qu'on vienne...
- Que voulez-vous ? - Demande Pitou.
- J'ai faim, Petit, très faim, je te couperai du bois pour une assiette de soupe.
- C'est que je ne suis pas tout seul, mère est allée vendre nos produits à Caderousse, père fait les foins sur l’alpage, ils ne rentreront que ce soir.
- Ne peux-tu me donner à manger ?
- Mère dit qu’elle ne veut pas de bouches inutiles, c’est pour ça que je n’ai pas de violon, si j’en avais un, je serai une bouche inutile.
- Qui te parle de violon Petit, quand je te demande de la soupe ?... Je travaillerai mais quand j’aurai mangé …
- C’était pour vous expliquer et pas me faire gronder parce-que les vagabonds de votre genre, mère dit qu’elle préfère les voir ailleurs.
- Charmant !... Et tu penses comme ta mère ?...
- Ecoutez, j’ai une idée, mère a fait un clafoutis aux myrtilles, elle a dit : si tu coupes tout le bois, après la soupe, tu peux fout manger ; si tu coupes la moitié du bois, tu mangeras la moitié du clafoutis. Comme j’ai tout coupé, le gâteau m’appartient. Je vous le donne, vous mangerez tout ; moi, je mangerai la soupe.
- Pourquoi, tu préfères la soupe ?
- Oh non ! mais la soupe, elle n’est pas à moi, je ne peux pas vous en donner, tandis que le clafoutis, lui, maintenant, il m’appartient.
- Tu es un gars honnête toi ! Comment t’appelles-tu ?
- Pitou… et vous ?
- Miredo.
- Miredo ! Quel drôle de nom !… je l’aime bien.
- Dis-donc Pitou, si tu as coupé tout le bois, quel travail auras-tu à me donner ?
- Voilà, on pourrait s’entendre, je vous donne mon gâteau et vous me montrez ce qu’il y a dans votre ballot…
- Tu tiens tant que cela à voir les guenilles d’un vagabond ?
- Oh non ! Les gens du pays disent que les vagabonds transportent le diable là-dedans… mais je ne le crois pas !
- Tu as raison. Entendu, je te donne la moitié du gâteau et tu me donnes la moitié de ta soupe…
- Bonne idée ! A table et bon appétit !...
De son Ballot ouvert, Miredo sort de vieux vêtements quand soudain, Pitou haletant, pousse un cri … Là, parmi les haillons, il entrevoit une longue caisse noire dont la forme particulière lui permet de deviner son contenu.
- Oh Miredo ! Est-ce possible ? Dans cette caisse … comme je le l’imagine, y aurait-il un… serait-ce donc bien un …
Miredo, étonné par cette réaction ne comprend rien à l’émotion de Pitou qui, alors, lui raconte son rêve de toujours, ce rêve dont se moquent tous ceux qui lui sont proches… Miredo ouvre la fameuse boite noire en sort le précieux violon et l’archet qu’elle contient puis, aussitôt, joue pour le petit montagnard. Jamais Pitou n’avait, jusqu’alors, entendu une aussi belle musique, si magnifiquement interprétée…
- A toi maintenant ! – Propose Miredo en tendant son violon à Pitou.
- Moi !... Mais je ne sais pas jouer comme vous !
- Joues comme tu sais, comme le vieux Pierrot te l’a appris.
Alors Pitou joue tout simplement, au comble du bonheur, ses doigts voltigent sur les cordes où glisse et sautille l’archet vibrant…
- C’est bien Pitou ! J’irai voir ton ami Pierrot… Ne crains rien, je ne dirai pas ton secret, personne ne le saura, cela restera entre nous et, si ton père veut un homme pour l’aider aux champs, je resterai pour la nourriture, je ne veux pas d’argent …
- Il vous gardera sûrement, en Eté les bras manquent toujours …
- Eh bien je resterai et puis, chaque soir, après le labeur nous irons prendre le frais dans les bois tous les trois…
- Tous les trois ?...
- Oui, Tous les trois : Toi, moi, et le violon …
Miredo demeura tout l’Eté au service de la famille de Pitou ; il aida vivement aux rudes travaux de la saison et s’activa autant pour rentrer les récoltes. Pour cela, il eut le gîte et le manger. Chaque fin de journée, comme convenu, Miredo et son jeune ami Pitou allaient faire leur promenade du soir dans les bois voisins, n’omettant pas d’emmener avec eux, la mystérieuse caisse noire …
Puis arriva l’Automne, les nuits froides, la neige n’était plus très loin. Un soir, particulièrement sombre, Miredo a repris son grand ballot et sa caisse noire et, discrètement, s’en est allé …
Après un long et rude Hiver, un Printemps frais puis doux, l’Eté est revenu. Devant le chalet désert, Miredo est arrivé et s’est assis, Flocon aboie joyeusement, bientôt Pitou arrive, hors d’haleine…
- Miredo ! Oh bonjour ! Miredo, tu sais la nouvelle ?... Moi aussi j’ai un violon !
- Un violon Petit ! Qui t’a donné un violon ? Montre-moi ça !
- Personne ne me l’a donné, c’est comme si je l’avais acheté. Il y a longtemps que je le voulais … Pierrot dit souvent : Petit, si un jour tu as un violon, le monde entier parlera de toi …
- Alors, c’est pour que le monde entier parle de toi que tu as acheté un violon ...
- Mais non Miredo, tu sais bien que c’est parce qu’il faut que je joue tout ce que je vois, tout ce que j’entends, tous les airs qui chantent en moi… Viens voir mon violon !...
Pitou entraine son ami dans le chalet et du haut placard mural sort l’instrument …
- Hou là ! Ce n’est pas avec cet outil que tu pourras jouer comme tu dis !... Qui t’as vendu ça ?...
- Le père Ricard du bazar de la vallée…
- Cher ?
- Oh non !… Au cours du Printemps dernier, je lui ai proposé ma chèvre blanche mais il l’a trouvée vieille, si bien qu’il m’a dit : Si elle a deux chevreaux blancs, amène les et, en échange, je te remettrai le violon…
- Tu as donné deux chevreaux pour cette pacotille ! Le père Ricard, qu’est ce qu’il en a fait de tes deux chevreaux blancs ?...
- Il les a mangé… il voulait garder les peaux pour faire des descentes de lit à ses fillettes…
- Mais il t’a volé, toi, pauvre gosse ! Vois, Pitou, ce violon est fendu, les cordes sont usées, le chevalet est faussé et l’archet ne vaut pas la queue d’un cheval !... Je ne suis qu’un vagabond Pitou, mais j’ai toujours eu à cœur d’être honnête et de ne jamais voler personne, surtout pas un enfant… Ricard, il saura ce que je pense de lui, même si je dois sortir de son magasin avec un coup de pied bien placé !...
- Ne te fâches pas Miredo, pour apprendre c’est bien suffisant !...
- En tous cas, tout cet Eté, tu joueras sur le mien – sortant alors son violon de son grand ballot – Tiens, joues-moi quelque chose !...
Miredo, la tête dans les mains, écoute le chant qui monte de l’instrument, les notes légères et nuancées qui s’égrainent dans l’air pur de ce début d’Eté. Pierrot a raison, un jour, le monde entier parlera de ce petit montagnard qui tire si bien l’archet, instruit par un cordonnier et un vagabond… mais, pour qu’il fasse pleurer puis sourire sa musique, il faut qu’il ait un violon, un vrai, un excellent violon !...
- Merci Miredo, ton violon joue tout seul !...
- C’est bien possible… en tous cas c’est mon meilleur ami … c’est aussi un trésor…
- Un trésor ! Comment cela ?
- C’est un violon comme on n’en fait plus, regarde : il est signé… c’est le nom d’un grand maître luthier de Crémone…
- Mais alors, il est très ancien et donc il vaut certainement très cher…
- Oui, mais ce n’est pas pour cette raison qu’il est un trésor pour moi, en fait, lui et moi nous chantons avec ceux qui sont dans la joie, nous consolons ceux qui pleurent et le soir quand je joue dans les cours, sous les fenêtres des immeubles, les petits me sourient, chacun me connaît, chacun m’attend à ces heures là, et chacun m’envoie quelque chose pour me remercier de cet interlude musicale apaisant et rempli d’espoir. A ces instants magiques, je joue pour eux et j’oublie ma misère, j’oublie que je suis un vagabond et cela devient comme un paradis sur terre… Je suis comme toi Pitou, quand je joue, j’oublie tout : l’heure, le temps qui passe, les repas sautés, le travail que je ne trouve pas, la fatigue de l’âge et aussi la faim qui, certains jours, me noue les entrailles… Vois-tu Petit, il ne faut pas faire comme moi, devenir une bouche inutile… travailles d’abord pour aider tes parents et, quand tu as accomplis les tâches qui t’incombent, alors tu peux prendre ton violon et jouer mais pas avant d’avoir fait ton devoir…
Eté après Eté, Miredo est revenu au chalet, il a aidé à rentrer les récoltes, à soigner le bétail, à fendre le bois et le soir, quand tout était fini, prêtant son violon à Pitou, il a enseigné son art à celui qui, au fil des ans, est devenu un jeune homme vigoureux et épanoui.
- Je n’ai vraiment plus rien à t’apprendre Pitou – lui dit-il un soir – tu sais maintenant tout ce qu’il faut savoir pour que bientôt le monde entier parle de toi et de ton violon… Si seulement tu avais un violon d’excellente facture, tout serait changé pour toi…
- Qu’importe Miredo, l’essentiel est que je puisse étudier, après on verra bien…et puis, chaque Eté, n’ai-je pas le bonheur de jouer sur le tien pour m’exercer ?…
Dès que s’annonçaient les premières chutes de neige, Miredo repartait avec son ballot et son précieux contenu … C’était ainsi chaque année… or cette fois là il resta plus longtemps…
- Quel bonheur Miredo !... Depuis tant d’années que tu viens parmi nous, jamais tu n’a passé Noël ici … les premières neiges te chassant mais, cette fois, nous te tenons et nous aurons un beau Noël avec toi !...
- Le Noël de tes vingt ans, Pitou !
- Viens, Miredo, j’ai vu tout là-haut, à la lisière de la forêt, un magnifique sapin, allons le couper, nous le descendrons, nous le dresserons dans la grande cuisine et ce soir, tu nous joueras tous les vieux « Noël » d’autrefois … Nous chanterons avec ton violon la grande Joie et la grande Paix de Noël.
- Si cela te fait plaisir, je veux bien… Chaque année, c’est pour les petits enfants des rues sales et obscures des grandes villes que je fais chanter mon violon ; cette année, ce sera pour toi et les tiens, Pitou, puisque la neige ne m’a pas encore chassé… mais elle ne tardera guère… le ciel, depuis ce midi, est blanc comme ciel de neige…
- Qu’elle attende demain jusqu’au soir, tard, pour tomber… c’est tout ce qu’on lui demande…En route pour la forêt Miredo !
Dans le chalet bien clos, flambe un feu clair et vif qui illumine l’âtre de la grande cheminée et la cuisine où toute la famille est réunie. Dans un coin le sapin de Noël brille de toutes ses bougies…
Le père, en cette veille de Noël, a sorti la vieille grosse bible d’un coffre en bois que fit un aïeul, il y a bien longtemps de cela. De sa voix grave, il lit le récit de Noël… puis, Miredo accordant son violon, archet en main, accompagne le chœur familial. Tous chantent les vieux airs de Noël qu’ils aiment tant… une joie simple éclaire les visages de la maisonnée tandis qu’au dehors, la neige tombe à gros flocons… Après minuit, chacun se retire dans sa chambre…
Tout est calme et silencieux dans le chalet de bois, tous dorment : le chat près des cendres chaudes, les chardonnerets dans leur cage et le brave chien de garde lové sur un tas de vieux sacs… Tous ?... Non !... Miredo, en regagnant le grenier qui lui sert de chambre, a salué cette première neige de Décembre, alors, à pas de loup, son ballot sur le dos, sans faire craquer une seule marche, il descend…
Un instant, il s’est arrêté devant la chambre de Pitou, sa main posé sur le loquet de la porte… il a longtemps réfléchi… puis, sans bruit, il est entré… aveuglé par les larmes, à tâtons, il est enfin ressorti…
En grand silence, il descend maintenant jusqu’à la cuisine… il en ouvre la porte. Ainsi, le vieux vagabond, en solitaire, s’enfonce dans la nuit blanche … une dernière fois, Miredo s’est retourné, il sait que plus jamais il ne pourra retourner au chalet :
- Adieu Pitou, que la Paix et la Joie de Noël habitent en ton cœur, qu’elles soient belles et lumineuses pour toi comme elles le sont pour moi et qu’un jour, sur ton violon, tu les portes dans le monde entier.
Le vieux vagabond disparaît dans la nuit de Noël, la neige a étouffé le bruit de ses pas et en a recouvert la trace…
- Pitou ! La neige a recouvert la terre et Miredo n’est plus là – crie son père, au bas de l’escalier – Pitou sort de sa chambre un violon à la main…
Oui, Miredo est parti, Pitou le sait… car ce n’est pas son pauvre petit violon acheté au bazar de la vallée qu’il tient en main, celui-là, n’est plus là, Miredo l’a pris… celui que Pitou tient maintenant, c’est le seul, l’unique trésor du vieux vagabond solitaire : le violon de Miredo !… Le plus Beau Noël de Pitou !...
Auteur inconnu - Qu'il soit vivement remercié ...