Venu du plus profond de la nuit des temps,
Sur le long chemin sinueux de l'évolution
Il progresse à pas sûrs, parfois à pas lents,
Le petit peuple que guident les constellations !
Il n'erre pas sans but ni sans destination,
Sur le boulevard lumineux des Quatre Avent,
Mais avance avec fière détermination,
Vers la crèche qu’illumine le Sublime Enfant...
Le veilleur à la lanterne au halo balançant,
Ouvre la route à ses nocturnes compagnons
Qui, par monts et par vaux, sous le ciel, serpentant,
Jettent sur la terre l’éclat de leurs lumignons…
Voyez, avec son seau, Pasqué le maquignon,
Il a nourri ses chevaux, au retour du champ ;
Champi et sa poêle qui sent si fort l’oignon,
Suit le vieux curé qui va d’un pas prêchant…
La Mesnie, sous son fagot, avance en ahanant,
Sa longue mantille noire cache des haillons.
Montant en Amazone, un âne catalan,
L’Arlésienne a retroussé son blanc cotillon.
Sa panetière au dos, c’est au tour du mitron
De quitter le fournil aux pains croustillants.
Il trouve en chemin, le joyeux marmiton,
Dont le pot fume d’un potage gouleyant.
Michaud les a rejoints en s’essoufflant,
Un sourire éclaire son visage rubicond ;
Au mousqueton, un chapelet d’ortolans,
Fera bonne fricassée à son chaudron.
Vient la Bérangère, marchande de poissons,
Au clair de lune, luisent ses harengs,
En cette froide nuit, n’ont besoin de glaçons,
Pour se tenir frais, dans leur casier, en rang.
Le tambourinaire au fameux roulement,
Devant Monsieur Grandet, maire du canton,
Bat, pour le bon peuple, le rassemblement.
Petit homme qui n’a encore de poil au menton !...
La jeune Pétronille, aux froufroutants jupons
Gambade sur le sentier, tournicote en chantant,
Elle a sous son bras, fort joli lot de coupons
D’étoffes chamarrées qui vêtiront l’Enfant.
La vieille Adélaïde qui marche en trottinant,
A choisi de gros œufs et un jeune chapon…
Le père Bouffarel, la pipe entre les dents,
Promet de ne plus fumer à la proche saison…
Pâturin a sorti de son toit à cochons,
Un goret bien charnu, rose et couinant
Qu’il nettoie à grande eau, puis essuie au torchon,
Afin de le porter sans que ce soit gênant
La Moulaïe qui, par les routes va en sifflotant,
A installé sa meule au pied du Luberon ;
Couteaux, ciseaux et faux les rend si tranchants
Que brille la limaille, sur son noir plastron.
La chèvre du père Seguin qui cherche son patron,
A trouvé Miranda et l’âne de Buridan…
Au son du tambourin, ils dansent sur un tronc ;
Dans leurs chairs, le loup n’y plantera plus ses dents !
Et court la Pierrette, toujours en sautillant,
Elle imagine veaux, vaches, couvées à foison ;
Sur la tête de la laitière, le pot fort vacillant,
Répandra-t-il son lait, sur le moussu gazon ?
Antonio est tout juste sorti de la prison,
Pénitencier qu’au soir, il fuit à pas de géant…
Son regard noir fixe un nouvel horizon…
Un Dieu serait-il né qui pardonne aux brigands ?
Le Petit Basile, lui, ramasse des glands
Pour, avec du fil, des brindilles et du carton,
Confectionner un coléoptère ressemblant
Au plus rondouillards et fourchu des hannetons.
Mireille, au pied léger, dans ses blancs bottillons,
A fait sécher les plus belles fleurs des champs
Qui, abritent l’été, des colonies de grillons,
Puis, fait avec, un bouquet rempli de leurs chants.
Et voici Garrigou, le bedeau nonchalant,
Il rase les murs quand sonnent les carillons,
Remonte dans ses souvenirs d’amers relents
De trois messes expédiées pour un réveillon…
Un vieux couple passe dans l’ombre du donjon,
Bras dessus, bras dessous et toujours s’aimant,
Ils vont, à l’Enfant, faire le magnifique don
Du parapluie soyeux des eternels amants…
Résonne l’enclume du maréchal-ferrant,
Taillefer lève la patte d’un brave percheron…
Il fixe à son sabot, l’acier rougeoyant,
Vrai Porte bonheur qu’il offrira au poupon.
Ce n’est plus l’heure d’apprendre ses leçons !
Monsieur Bonnescience a fait rompre les rangs.
Dans une farandole, filles et garçons,
Entrainent l'instituteur avec leurs parents.
Bésicles sur le nez, c’est le Docteur Clément
Toujours en visite, de fermes en maisons,
Prodiguant soins et réconfort à ses patients,
Il apporte à chacun, l’espoir de guérison.
Arrive mmaintenant, dans un flot de moutons,
L'honorable Cadiou, berger au cœur vaillant,
Il a quitté les pâturages des hauts monts
Pour suivre, jusqu’à la Crèche, l’Astre brillant…
De tous ces villageois, voici le plus souriant :
C’est "lou Ravi", en queue de procession,
Ses yeux brillent d’émerveillement,
Voyez là, le plus adorable des Santons !
Joyeux Noêl àTous !
Farfadet.