Cinquantenaire elle aussi, comme la Renault 4L cette année, la Peugeot 404 présentée au public le 9 Mai 1960 est née dans cette ambiance joyeusement excitée des sixties se manifestant dans l’apparition du Yéyé, de la libre expression, de la libération des mœurs, de l’accession aux biens de consommations, tournant définitivement le dos (le croyait-on ainsi à cette époque) aux années de la terrible grande guerre.
1960 le rock a fait son entrée fracassante porté par des groupes de jeunes, guitare en bandoulière tel que les « Chats sauvages » et les « Chaussettes noires » et déjà sur l’avant-scène un certain Johnny Halliday nous twiste des airs comme « Souvenirs Souvenirs » qui vont fracasser les oreilles des anciens de cette époque, hallucinés par cette musique de "braillards mal élevés"…
Si la guerre d’Algérie et la décolonisation qui s’amorce n’entament que peu le moral d’une jeunesse qui se trémousse sur ces rythmes endiablés, l’exode rurale lui, a déjà commencé… Du fond de nos campagnes on s’expatrie vers les centres urbains et notamment vers la capitale, où le travail ne manque pas, permettant de se loger à prix réduit dans tous ces HLM qu’on voit pousser en périphérie de ville …
L’heure est à la modernité que représentent le formica, le frigidaire, la machine à laver, le poste transistor, la télé, et la voiture, tous ces biens qu’on va bientôt pouvoir acheter à crédit …
Au pays de l’Oncle Sam, cette jeunesse tourbillonnante s’agite depuis déjà presqu’une décennie, avec une fureur de vivre transcendée dans les fièvres du samedi soir et qui trouvera chez nous, son écho plus modéré dans les soirées rencontres jeunes du Golf Drouot.
La croissance est donc au rendez-vous et le patriarche à la gouverne du pays, à la fois ferme et rassurant projette la France au rang des nations les plus avancées techniquement et même politiquement …
Telle est la conjoncture qui entoure, à son apparition, la nouvelle berline sochalienne désignée comme 404 … (rien à voir avec l’erreur informatique ainsi numérotée sur les moniteurs de nos PC)
Alors cette 404 quelle allure a-telle, qu’apporte-t-elle de nouveau à l’aube de cette 7ième décennie ?
15 années après la fin de la guerre, on en a fini avec les privations, la reconstruction en Europe a pris sa vitesse de croisière et, en France, nos constructeurs automobiles peuvent laisser libre cours à leur créativité.
Si Citroën se manifeste comme avant-gardiste avec son modèle phare, l’étonnante DS 19 apparue en 1956, Renault le champion de la petite voiture populaire à bas prix avec ses 4CV, Dauphine, et 4L, Peugeot, lui, poursuit dans la voie du classicisme en produisant des autos conventionnelles visant une clientèle aux revenus substantiels et certainement plus bourgeoise…
C’est bien dans cet esprit qu’a été conçu la 404, répondant à cette montée progressive dans la hiérarchie sociale, manifeste dans toutes les couches de la société s’étant inscrite dans la frénésie productrice de ces années là. Ainsi à la 7CV 203, de l’immédiat après-guerre, les usines de Sochaux allait produire, pour lui succéder en 1955, la 8CV 403, modèle déjà plus cossu et, à la suite, au tout début de ces années « 60 » la 9CV 404, un modèle plus en phase pour afficher sa réussite sociale autant que son engouement pour la vie moderne.
Deux qualificatifs viennent immédiatement à l’esprit quand on découvre cette auto : Moderne oui, mais Classique assurément !…
Tradition maison oblige : être « IN » certes, il faut, mais sobre et classe à la fois est aussi de mise, par conséquent, si pour la nouvelle-venue, l’exubérance n’est pas franchement au rendez-vous, la parure, au niveau style, comme le fond, du point de vue de la rigueur de conception, restent dans le ton qui allie bon gout et efficacité.
La silhouette est bien latine grâce au concours du talentueux Pinin Farina qui, cette fois, se contente de puiser dans ses cartons, un dessin préalablement exécuté pour l’Austin 55, esquisse dont il retouche la face avant et le modelé des feux arrière. Tout à fait au gout du jour, cette carrosserie aux lignes tendues à la ceinture assez basse, ne surprend pas mais reste malgré cela séduisante auprès d’une clientèle maison qui apprécie le progrès où contenant et contenu se doivent être mesurés dans le panel des valeurs et critères excluant les excès de style autant que l’abondance de fioritures et gadgets.
C’est donc sous ces auspices prometteuses que s’engage la carrière de cette 4ième berline du type familiale produite depuis 1930 date de la mise en vigueur du système de numérotation à 3 chiffres avec « 0 » central des modèles de la marque au Lion…
Au niveau architecture, la conception est comme la robe qui la pare, on ne peut plus classique, La carrosserie à quatre portières, dite de type ponton (3 volumes = capot moteur-habitacle-coffre) habille un châssis longeron, caisse autoporteuse aux trains roulants rapportés. Le moteur disposé longitudinalement à l’avant, incliné à 45° sur la droite, transmet via une boite à 4 vitesses synchronisées + MA, un arbre sous plancher et un pont à vis, sa rotation aux roues arrières. Les suspensions sont à ressorts hélicoïdaux et amortisseurs verticaux placés haut sur roues indépendantes à l’avant et sur essieu rigide à l’arrière.
La direction est à crémaillère, douce et précise mais non assistée.
Les freins à tambour sur chaque roue sont, eux, assistés par un servofrein hydraulique au mordant incisif mais peu progressif. Sur les premiers modèles sortis, ces freins afficheront un manque d’endurance avéré en usage intensif (parcours en montagne). Dès 1962 le constructeur y remédiera en adoptant des garnitures plus résistantes et plus de progressivité au niveau de l’assistance. En 1968 les 404 seront toutes équipées de freins à disque à l’avant.
S’agissant du groupe motopropulseur la mécanique qui, au premier abord, parait être une évolution du moteur de la 403 dont on aurait augmenté la cylindrée s’en distingue néanmoins par l’adoption d’une culasse inédite aux chambres de combustion en calotte sphérique décalée favorise le remplissage des cylindres procurant un meilleur rendement spécifique. Le bloc cylindre a été renforcé de même que l’équipage mobile avec un vilebrequin à 3 paliers, plus tard remplacé par un vilebrequin à 5 paliers. La distribution se fait par arbre à cames latérale et soupapes en tête commandées par tiges et culbuteurs. L’alimentation, assurée par un carburateur bénéficiera de l’injection à partir de 1965 et ce, sur les modèles de haut de gamme.
Ce groupe incliné loge sous un capot plongeant, sa disposition longitudinale, au niveau de la transmission, favorise également l’abaissement du centre de gravité ce qui confère à l’auto une meilleure tenue de cap.
Le refroidissement est assuré par radiateur et ventilateur débrayable optimisant le maintient constant en bonne température
Caractéristiques en bref :
- Modèle standard - 9 CV fiscaux.
- Moteur 4 cylindres en ligne à 8 soupapes en têtes.
- Cylindrée : 1618 cm3 ( 84 X 73 mm) compression 7.4.
- Alimentation par carburateur inversé Solex de 32.
- Puissance : 72 ch SAE à 5 400 Tr/mn.
- Refroidissement par eau système thermostatique.
- Boîte manuelle à 4 vitesses Synchronisées + MA, avec levier au volant.
- Transmission aux roues arrière par arbre et pont à vis.
- Freins hydrauliques à tambours à servo-assistance.
- Direction à crémaillère.
- Suspensions à ressorts hélicoïdaux et amortisseurs,
à l’avant, sur roues indépendantes - à l’arrière, sur essieu rigide.
- Pneus 165X380.
- Empattement : 265cm – Voie 134,5cm
- Longueur : 442cm – Largeur : 162,5cm – Hauteur : 145cm
- Poids : 1030 kg
- Vitesse maxi : 142 km/h
- Prix au Printemps 1960 : Berline grand tourisme 9150 F
Supplément Toit Ouvrant : 150 F
Les différentes carrosseries : La 404 a été décliné en break familial, commercial, camionnette et pick-up mais aussi en coupé et cabriolet de luxe
Les différents modèles regroupent : Berline Standard, luxe grand luxe puis grand luxe injection désigné ensuite comme "TI" (Tourisme Injection).
Les évolutions techniques : Au niveau motorisation dès 1963 la 404 de haut de gamme sera équipée du système d’injection Kugelfisher portant la puissance de cette mécanique à 85 ch. autorisant une vitesse maxi de 165 km/h. A partir de 1968 la 404 est équipée de freins à disque sur les roues avant.
En 1963 la 404 est proposée en version diesel, d’abord équipée d’une évolution du moteur Indenor XD 85 qui développe 65 ch. à 4500 tr/mn puis du XD 88 de 1948 cc, développant 67 ch. à 4500 tr/mn doté d’un couple de 12.1 à 2250 tr/mn. Cette mécanique robuste entraine l’auto à plus de 130 km/h…
La plus spectaculaire des 404 fut la version Diesel des records en carrosserie spéciale exécutée sur la base du cabriolet Pininfarina et carénée pour la circonstance, en Juin 1965 équipée de moteurs de 1948 cc et *2138 cc (*11000 kms parcourus avec ce groupe en 72 heures !...), elle s’octroie quarante records sur l’autodrome de Montlhéry dont le plus remarquable fut celui des 3878 kilomètres ,distance parcourue en 24 heures à la moyenne étonnante de 161,590 km/h !...
Il n’est alors pas surprenant qu’au cours des années « 60 », les compagnies de taxis parisiens composent l’essentiel de leur flotte des robustes et économiques 404 diesel prenant la relève des 403 D.
En France, la « 404 » connaît un tel succès que le monde sportif lui accorde une place de choix dans l’univers des courses cyclistes. Elle est l’incontournable équipière porte-vélos des équipes et surtout la voiture favorite du directeur de course sur le Tour de France. Au cours de plusieurs années, Jacques Godet l’appréciant pour ses qualités de confort et ses performances, a utilisé la berline 404, magnifique dans sa livrée rouge et blanche, pour orchestrer et suivre les péripéties cyclistes sur la Grande Boucle.
L’aventure Africaine : Au cours des années « 60 », cette Sochalienne bien née et robuste, s’illustra également dans des rallyes effectués sur le continent Africains, s’octroyant les meilleures places de ces épreuves d’endurance accomplies sur des parcours souvent périlleux…
Dans de nombreux états africains sa réputation légendaire tenant à sa fiabilité mécanique l’a fait apprécier de toutes les populations actives. Grâce à ce modèle Peugeot est la marque la mieux implanté sur l’ensemble du continent Africain
En métropole, de 1960 à 1976, c’est environ 1 500 000 exemplaires de « 404 » qui sont produits auxquels il faut ajouter 10389 cabriolets et 6830 coupés. Mais grâce à sa grande robustesse et fiabilité sa réputation s’est étendu sur les territoires de plusieurs continents La 404 a été fabriquée dans de nombreux pays comme l’Irlande, le Canada, l’Argentine, l’Afrique du Sud , l’Australie et la Nouvelle Zélande. La version utilitaire, camionnette (bâchée ou pick-up) fut aussi très prisée dans l’hexagone auprès des artisans mais aussi dans les états Nord-Africains au Kenya , où elle fut produite jusqu’en 1991.
Au total jusqu’à l'arrêt définitif de sa fabrication, le chiffre de production, tous modèles confondus, s’élève à exactement 2 885 374 unités… Il est notoire que, de par le monde, il y a encore en circulation une quantité non négligeable de "404" qui rendent de bons et loyaux services à leurs propriétaires restés fidèles à ce modèle quasi indestructible…
La concurrence du moment…
En France la 404 a surtout pour rivales la Citroën DS 19 puis, à partir de 1963 les Simca 1300/1500 , et dès 1965, la R16 Renault .
EN 1969, la « 504 » de 10 CV, reprend le flambeau de cette sochalienne pur jus qui a autant séduit les classes bourgeoises que roturières.
La « 404 » fait intrinsèquement partie du décor des événements de Mai 68… Sans doute, en ont-ils fait la voiture symbole de l’évolution sociale, une auto avec laquelle on va de bon gré au travail mais aussi avec laquelle on prend bien du plaisir en partant à son bord au moment des vacances…
En 1966, étant depuis 8 mois employé au Centre Saint Martin, je comptais m’acheter une voiture. Au garage L. Agent Peugeot à Etrépagny, j’avais essayé une 404 d’occasion qui avait 3 ans et environ 50000 kms au compteur. Elle était magnifique dans sa livrée bleu marine ! Proposée à 5900 F. j’étais sur le point de faire l’affaire ce qui impliquait de me mettre un crédit sur le dos… mais après calcul, je repoussais cette offre et quelques jours plus tard, je me rabattais sur un modèle dont le prix était plus en rapport avec mes moyens de l’époque, il s’agissait de la Dauphine… Certes la belle 404 m’avait bien fait rêver… Il fallut attendre encore plusieurs années avant que j’achète ma première Peugeot… une « 104 », acquise en mai 1978, qui fut aussi notre première voiture neuve…
La « 404 » dans l’espace d’un siècle …
50 ans avant : Type 125 ...
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En 1960 : la 404
50 ans après , en 2010 : présentation de la 508
*Au fait, ce sujet constitue mon 404ième article !...
Le Charme à la Française, c'est toujours dans le vent !...