Réédition d'un article initialement publié le 05/09/2010 17:03
« Moi veux pas aller à l’école !..." ai-je larmoyé le jour où, pour la première fois, mes parents ont prononcé ce vilain mot à banir de tous langages … Et depuis, un nombre incalculable d’autres bambins ont entonné ce refrain geignard quand leur maman, leur papa ou les deux à la fois leur ont parlé de cette affreuse école où il conviendra d’aller bientôt …
Que voulez-vous quand on a 3 ou 4 ans on a tant d’autres choses tellement plus importantes à faire que d’aller dans cette sapristi d’école que vos parents, eux, semblent particulièrement adorer …
Oui c’est bien à ce moment particulièrement mal choisi alors que, ça y est, vous êtes enfin intégré à l’existence, marchant, trottinant, parlant plus que n’avez babillé, que tout votre environnement vous intéresse, quand vous êtes si bien chez vous, avec papa, maman, petits ou grands frères et sœurs qui partagent vos jeux, c’est à ce moment là que vos chers parents viennent vous parler de cette fichue école !…
Et un jour ces grands là, que pourtant vous aimez, et en qui vous avez mis toute votre confiance, vous prennent fermement par la main et vous conduisent jusqu’à cette maudite école et, pire, ils vous y laissent !… Une horreur, entendez bien c’est une véritable horreur, un abandon pur et simple, une démission, oui une odieuse démission des parents qui vous confient à d’autres grandes personnes que vous ne connaissez même pas… Vous vous retrouvez là, perdu au milieu d’autres gamins dont certains braillent tout leur content manifestant leur désespoir et leur infortune d’avoir été déposé, comme vulgaire paquet, dans cette terrifiante école !…
Ce n’est que le début d’un long, très long, très très long chemin …
Vous, vous les Grands, vous Adultes qui me lisez, aujourd’hui, bien engoncés dans vos existences, savez comme moi que l’école, oui, l’école, ça dure toute la vie !…
Je vous passerai toutes ces définitions et autres formules sentencieuses à propos d’école, tous avons un regard plein de condescendances pour ce qui touche à la pédagogie et la mission des maitres et professeurs en ces temps où il faut emmagasiner tant de savoirs de tant de disciplines de tant de matières dans un cursus dont le niveau va en s’élevant sans cesse …
La mission scolaire …
Savoir, mais aussi savoir faire et surtout savoir être !...
La Pédagogie est un art et cet art : éduquer, instruire, former, consiste finalement à guérir l’homme de son enfance se plaisait à nous enseigner le Dr Joachim Berron dans ses cours au pédagogues et aux psychopédagogues …
Oui, tout est dit là !… Reste à comprendre et développer …
Guérir l’homme de son enfance … c’est donc que l’enfance doit être considérée comme étant une maladie ! … à priori dans la formulation il n’y a pas à le comprendre autrement … Il faut bien en convenir, ça ne met pas très à l’aise de penser et dire cela… Surtout quand on sait comment l’enfance est perçue dans nos sociétés puisque l’on a été jusqu’à créer un statut pour l’enfance et accordé à celle-ci des droits spécifiques… Alors l’enfance perçue comme une maladie, franchement, cette idée n’est pas acceptable…
Pour saisir la nuance, il faut prendre le contrepied de cette assertion qui ne nous sied guère et se dire, au fond, qu’est-ce la maladie ?
Effectivement, c’est en comprenant la maladie non au niveau de son contenu en tant que telle mais au sens de la place qu’elle occupe dans l’existence en général et dans chacune de nos existence en particulier qu’on doit approcher cette problématique …
En réalité qu’est-ce la maladie, sinon un dysfonctionnement, une rupture entre des équilibres qui, en conséquence affectent et altèrent certaines fonctions vitales et donc freinent notre propre évolution. La maladie se manifeste le plus souvent comme une entrave qui vient abréger, interrompre, différer notre marche en avant avec, manifestement, plus ou moins de degrés de gravité …
Quel sens donner à cela autre que celui d’une épreuve à surmonter ? De fait, la maladie engage notre personne entière dans un processus de guérison déjà entamé par notre organisme lequel réagit dès les premiers signes, par un état fiévreux, notamment …
Vue ainsi, la maladie se perçoit comme une épreuve à surmonter, étant, en quelque sorte, une étape quasi incontournable de notre propre évolution …
Il n’est qu’à considérer certaines maladies d’enfances comme par exemple, la rougeole, la varicelle, la variole ou les oreillons, celles-ci étant recensées comme maladie évolutives …
En fait, toute maladie de cet ordre vient là comme un cap à dépasser et qui mobilise tout notre être dans les processus de guérison …
Les maladies plus gravissimes, dont l’issue peut être mortelle comportent aussi cet aspect qui engage la personne malade dans une lutte contre cette maladie si redoutable soit-elle … Certes, pour chaque cas, il y a un traitement correspondant à appliquer complété de médications, cela ne se fait pas tout seul. Pourtant il ne faut jamais minimiser le rôle de la personne dans cette plongée dans la maladie pour la refouler, voire la résoudre …
L’observateur attentif de ces faits, à commencer par soi-même, si l’on a vécu une maladie, en en ayant franchi le cap, conviendra que les temps d’après, non seulement il se sent mieux mais il se sent avoir progressé, et donc se trouve bien plus disponible pour affronter d’autres réalités existentielles ...
Voyez-vous, de ce point de vue, on peut dire que le thérapeute, le médecin et nous aussi, individu lambda, s’étant un jour trouvé malade, sommes des artistes ayant composé avec la maladie. Il y a comme de la création à travers cela ... de la recréation … c’est tout simplement admirable !
Revenant à l’enfance, et donc, parlant de guérison à son propos comme si elle était une maladie, c’est à appréhender que sous l’aspect évolutif qu’entraine cette dernière …
Ceci revient à dire que l’enfance est une maladie obligée de notre existence… et donc un stade incontournable qu’il va falloir affronter, un passage obligé dont on devra se sortir au mieux, mais jamais seul …
Il n’est qu’à constater les êtres retardés par une pathologie mentale grave, pour se rendre compte que, parvenues à l’âge adulte, ces personnes se comportent comme des êtres infiniment puérils dont le niveau peut se ramener à celui du tout petit enfant dans les cas les plus lourds.
Imaginons qu’aucune « grande personne » n’accompagne l’enfant pendant toute son enfance ; parvenu à l’âge adulte, nous obtenons un être absolument fruste, sauvage, incapable d’autonomie et en fin de compte, complètement assujetti à ses instincts vitaux…
Alors, l’éducation étant Art de guérir l’homme de son enfance, voilà qui, ici, prend tout son sens et nous fait mesurer l’importance de l’entreprise …
Dans toutes formes d’art il y a une dimension qui tend vers l’idéal à comprendre comme le grandiose, le sublime, l’élévation, le dépassement et en contre partie un rattachement à la réalité, au fait avéré. L’art se manifeste dans cette tension entre la réalité et le sublime. Il créée et transcende, transforme, emmène plus loin cette réalité… il l’élève en quelque sorte …
Rapportant cette dimension artistique à ce qui est pédagogique nous saisirons parfaitement la nécessité créatrice, recréatrice qu’impose la haute mission scolaire à tous enseignants…
Dégager l’homme de son enfance c’est concevoir qu’il existe là potentiellement dès le début de son existence… L’enfant, naturellement grandit et, autour, ses pédagogues* l’élèvent !… (*parents, maitres et professeurs)
Bien sûr, on n’éradique pas son enfance comme cela, en tirant un trait dessus, une telle entreprise dure bien ses vingt ans !... un laps de temps correct pour parfaire son œuvre !…
Crédit photos : Remerciements à " Vive la Récré !..." (Souvenirs et objets de la communale) de François Bertin et Pascal Courault, édité par "France Loisirs" ...