Ainsi dans une vieille boîte en carton où sont entassées pêle-mêle des photos en noir et blanc ou bien sépia qui remontent jusqu’à parfois 8 à 10 décennies en arrière, photos qui ne sont pas classées dans les albums de famille, j’en ai découvert quelques unes qui remontent à 60 ans et me présentent tout gamin avec mon père et ma mère devant la voiture familiale du moment… Grâce à ma curiosité concernant les autos et la bibliographie à disposition sur le sujet, j’ai identifié cette auto comme étant une Matford V8 type 66 de 1936… Sur l’une de ces photos figure notre chienne Poppie, cette présence, associée à un souvenir indélébile me permettent de dater l’événement … Ce devait être en 1948 … et ça fait bien 60 ans …
D’ailleurs, dans l’article précédent je fais mention de cette voiture lors de notre arrivée à Charroux …
Quand nous l’emmenions en voiture, notre chienne a conservé pas mal de temps, ce comportement lié à l’angoisse. Nous en avions déduit qu’elle avait dû être emmenée au chenil en auto … et supposions que montant en voiture, elle redoutait qu’on l’y ramène…
Mais revenons à l’auto, si vous voulez bien …
Matford une marque aujourd’hui disparue, résultait de l’association de deux autres marques de grands constructeurs d’automobiles ayant fusionné : Mathis et Ford … La première, bien Française est née de l’entreprenant et créatif constructeur strasbourgeois Emile Mathis, la seconde, de renommée mondiale, est produite par Henry Ford dont les méthodes de construction ont révolutionné l’industrie automobile à l’échelon de la planète entière.
En 1934, Les usines Mathis connaissent une retentissante chute de production liée autant à la crise économique mondiale qui sévissait à cette époque qu’à la profusion de modèles dans une gamme trop complexe où la clientèle jusqu’alors fidélisée commençait à se perdre … Depuis le début des années « 30 », les marges bénéficiaires de l’entreprise Mathis se réduisaient sensiblement si bien que c’est avec plus de 4 millions de francs de déficit que se soldait l’exercice de l’année 1934.
L’entreprise étant dans le rouge, il fallait réagir vite. C’est alors qu’Emile Mathis a l’opportunité de rencontrer le géant Américain qui a déjà implanté certaines usines sur le sol européen, en Angleterre, en Allemagne, puis en France à Asnières. L’usine d’Asnières n’étant pas assez importante pour augmenter le chiffre des productions de sa marque, Henri Ford se montre intéressé par un rapprochement avec le constructeur Strasbourgeois dont les infrastructures sont, elles, bien plus étendues … Le 1er octobre 1934, l’accord est scellé et une nouvelle marque française fait son apparition sous le label Matford … Elle subsistera pendant 7 années. En 1941 suite à des bombardements, les usines de Strasbourg sont en grande partie détruites et mettent fin à l’entreprise … Mais avant, Emile Mathis déplorant d’être contraint à sacrifier les modèles de sa marque au profit des modèles d’origine Ford avait intenté une série de procès contre le grand généraliste Américain, procès, qu’il finit par gagner en 1939… Hélas la guerre survenue cette même année avec les conséquences qui en résultent, mettront fin à tous espoirs de reconquête du marché ainsi qu’à la survit de la marque…
Ainsi, dans un premier temps, au cours de l’année 1934-1935, sont produites, d’une part, des modèles Types TY-5 et Emy-4 de la gamme Mathis et d’autre part, des modèles Type Y puis des V8-40 et V8-48 de la gamme Ford. Le châssis Quadruflex type HO est mis au point communément et servira de base aux futurs Matford .
Pour le salon 1936 la gamme réorganisée sous la marque Matford s’articule autour de deux modèles à Moteur V8 :
- La nouvelle V8-62 , de 13 CV dont le moteur est entièrement construit dans les usines modernisées de Strasbourg. Ce modèle sera commercialisé sous l'appelation « Alsace »
- La nouvelle V8-66 de 21 CV dont le moteur est lui importé d’Amérique ou d’Angleterre.
Les carrosseries nouvelles, équipant ces deux voitures, proviennent des usines Chausson.
Ces modèles évolueront jusqu’à la guerre, sur la base d’un même châssis, équipés de ces deux motorisations, la gamme se déclinant en berline, coupé, cabriolet et même en break à carrosserie canadienne…
Caractéristiques techniques des "Ford V8" modèles 1936 :
V8-62 :
- Moteur 13 CV, 8 cylindres en V à soupapes latérales de 2225cm3 (66 x 81,3 mm) développant 60 Ch. à 3800 tr/mn.
- Transmission classique aux roues arrières – boîte 3 vitesses + MA.
- Direction à Vis et à galet avec volant à gauche.
- Freins mécaniques à tambours.
- Suspension AV et AR à essieu rigide avec ressort transversal à lames, celui de l’arrière est disposé après le pont.
- Pneus : 150 x 40
- Empattement : 275 cm.
- Voie : 142 cm.
- Poids : 1140 kg
- Vitesse 120 km/h
- Prix de la berline en février 1936 : de 24 900 F. à 27 900 F. selon finitions.
V8-66
- Mêmes caractéristiques techniques que V8-62 sauf :
- Moteur 21 CV , de 3621 cm3 (77,8 x 95,2 mm.) développant 90 Ch. à 3800 tr/mn.
- Pneus : 6.00 x 16.
- Empattement : 285 cm.
- Voie : 148 cm.
- Poids : 1320 kg
- Vitesse : 130 km/h
- Prix de la berline : 31 800 F. à 32 800 F. selon finitions.
Après la guerre, la production des V8 sous la seule marque Ford France ( Ford SAF) ont été produites jusqu’en 1948 avec l’unique modèle V8 F92-A de 13CV ayant le levier de changement de vitesse au volant. Ces voitures étaient montées sur les chaînes de la nouvelle usine de Poissy.
La Matford V8-472C - version break - pour, en tête de la parade, annoncer le spectacle du cirque Pinder dans les années 50
En 1948 fut mis au point sa remplaçante qui prit le nom de « Vedette » de 13 CV animée par un nouveau moteur de 2158 cm3. C’était une "deux volumes" avec "fast-back" qui évoluera en 1952 en "3 volumes" "ponton", avec coffre. A la fin des années 50, Poissy est repris par Simca, sortiront alors les « Versailles », « Trianon » et « Beaulieu » à moteur Ford V8 qui seront les derniers modèles Ford fabriqués en France .
En 1956, ma Mère devant la Ford Vedette d'un ami de la famille ...
Le défaut majeur des Matford V8 , tenait à leur freinage peu endurant. Il fallait éviter de faire trop chauffer les freins qui perdaient assez vite de leur efficacité ceci pouvant présenter un handicap sérieux, sur une voiture lourde et puissante…
Autre défaut, l’auto, surtout en version 21CV, n’était pas un modèle d’économie en carburant. Je suppose que c’est pour cette raison que mon père a du s’en séparer au cours de l’année 1949, ayant trouvé, cette même année, l’aussi atypique que curieuse Mercedes 130 H. qu’il n’a aucunement hésité à acheter …
*Un peu de glossolalie : « mouiquer » dans le langage "farfandesque" vient de « mouic mouic » … sons qu’émet un chien inquiet ou dans l’attente de son maître, sorte de pleurs du chien …