En bordure de mer, assister au spectacle grandiose d’une tempête, est fascinant. Dans ce déchaînement des flots, par l’eau, élément d’ordinaire si apaisant, on est vite transporté… alors, on a tôt fait d’établir le parallèle avec le déferlement des sentiments qui nous envahissent et nous submergent surtout au moment des premières crises existentielles …
En Décembre 1967, j’étais dans ma 24ième année, suite à un « voyage aventureux », hors de la maison familiale, juste avant une dérive prévisible, j’étais parvenu dans un port incertain, une destination non programmée, à des mille et des milles, de mes rêves chimériques … En fait, parvenu là, en automne 1965, je ne savais pas encore que j’avais posé mon bagage pour une durée de presque 40 ans … Et, à la rétrospective, je puis assurer que ce ne fut pas une traversée du désert, fut-ce, comme décrit, ci-après, l’infini d’un océan à l’horizon fugace …
En ce début de l’hiver 1967, se déroule en moi, une tempête toute intérieure, la voie de mon destin a croisé la voix de mon ego et de ses aspirations … l’inconscient et le conscient se rejoignent… rencontre entre idéal et réalité… ça ne peut se passer ni sans éclats, ni sans débordements … Et puis, en toile de fond, se déroule, à cette même époque, un amour passionné, platonique aussi, qui voudrait aboutir mais n’atteindra jamais le havre espéré... La tempête constitue alors le thème de ce moment de ma vie, je la mets en vers, j’essaie de l’illustrer en peinture mais n’y parviens jamais… en résulte un nombre incalculable de feuilles, avec esquisses, froissées puis jetées au panier de manière fébrile… restent ces vers :
Ce matin, une âcre senteur
Sublime l’azur éphémère,
Puis se répand, sur les hauteurs,
Fétide haleine de la mer …
Fièvre portée par la brise,
Le ciel, au large transpire,
La nuée, dans l’onde, se brise,
Tempête, sur l’eau, fait empire …
L’atmosphère, en un frisson,
Porte écho au déchaînement,
Terre, ciel et mer, à l’unisson,
Forment chaos des éléments !…
En haut, la lumière en fusion,
Lutte contre les ténèbres,
Les nuages, en confusion,
Se fardent d’un fond funèbre …
Sous, les cieux, parés de sombre,
L’océan seul, combat le fléau…
Le soleil, vaincu par l’ombre,
S’éparpille sur les flots…
Ces infimes débris d’astre,
Que la houle porte en tous sens,
Illuminent le désastre,
De perles d’incandescence…
La mer, écumant de rage,
Monte à l’assaut du littoral,
Où, merveille de courage,
Roulent des vagues magistrales…
Gigantesques et très rapides,
De l’horizon, elles s’élancent,
Pour se jeter, intrépides,
Sur la côte, avec violence…
Pour vaincre : qu’elles meurent !
Comme tel, le vent décide ;
Du combat souffle les clameurs,
Sans que cessent ces suicides …
Ainsi périssent les lames,
Dont les embruns d’amertume,
Frappent les rochers qu’entament,
Ces déflagrations d’écume…
L’interminable bataillon,
Déferlant vers le rivage,
Déverse par mortels sillons,
Ses rangs de hordes sauvages …
Soudain, dardant le duel odieux,
Mille glaives d’or audacieux,
Rétablissent, gloire des cieux,
La lumière, ce soleil, Dieu ! …
Farfadet
Centre Saint Martin … Hiver 1967-1968 ...
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