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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Les clins d'oeil du Farfadet

Il y a longtemps que j'aurais dû lire ce prix Goncourt 1985 qui s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires... mais son élaboration coïncidait avec la venue de l'auteur au Centre Saint-Martin à Etrépagny (Eure). Son épouse, Brigitte Engerer, pianiste de renommée mondiale, aujourd'hui disparue, s'était lié d'amitié avec la direction du Centre où elle est venue à plusieurs reprises donner des concerts pour la plus grande joie de tous les résidents. C'est au mois de décembre 1984 qu'elle est venue au Centre Saint-Martin avec son mari qui, à cette même époque, s'attelait à l'écriture de ce futur best-sellers. Il l'avait accompagnée, restant tous les deux, une petite semaine sur place, pour s'imprégner de la vie, du fonctionnement et de la mission d'un établissement médico-social accueillant des adolescents et adultes déficients mentaux. Quand parut le roman, une année plus tard, la connotation catho adepte de bondieuseries, peu élogieuse pour la direction et les travailleurs sociaux  ainsi que le titre et son contenu violent furent accueillis comme un outrage à la réputation du Centre dont l'auteur  s'était inspiré pour écrire le passage de son roman où Ludo est placé en institut spécialisé. Ces échos et appréciations négatives, dans notre environnement professionnel  local, ne m'engageait guère à lire ce roman au contenu "scandaleux". Mauvaise réputation, préjugés, ainsi se prive-t-on d'un discernement plus objectif, moins partial sur un ouvrage qui, par ailleurs, avait bonne presse, était apprécié par une foule de lecteurs et lectrices, et de surcroît, couronné par le plus haut prix de référence littéraire. 

Presque 40 ans plus tard j'ai "dévoré" ce roman... 

Le sujet toujours d'actualité est encore plus pressant aujourd'hui dans la conscience collective, constituant le thème phare de ce mois de novembre avec le 25,  la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes.  S'y ajoute, dans le roman de Yann Queffélec, la maltraitance des enfants par leurs parents, en l’occurrence, celle d'une mère qui nie l'existence de son fils venu au monde suite à un triple viol perpétré dans des conditions horribles. Le sentiment maternel est entièrement annihilé, son fils est un étranger, une plaie vivante sans cesse ravivée dans son existence ravagée.

Privé de l'amour de sa mère un enfant peut-il harmonieusement se construire ? Peut-il se projeter dans l'avenir.  Dans ce roman le pire est envisagé car Ludo n'est pas privé de la vue de sa mère  mais de son amour. Lui, sans pouvoir le formuler, adore cette mère et désire ardemment qu'elle l'aime en retour...Cela ne se fera jamais. C'est là, l'autre viol abominable de cette histoire, celui de son enfance, celui de ses affects, de ses espoirs les plus brûlants. Sa mère, il l'appelle Nicole...

Tu m'écoutes au moins?... » Elle s'énervait à nouveau.
« Je te parle, Ludo, tu m'écoutes ?
Oui, fit-il.
Oui maman, Ludo. »
La tartine oubliée dans le bol s'effondra mollement sur le napperon. Ludo ne répondait pas.
<< Et bien quoi, c'est vrai, ça. Quand on est poli on dit: oui maman... Qu'est-ce que t'attends?... Dis. maman, Ludo. >>
Les yeux au plancher, Ludo serrait les dents. Jamais, reprit Nicole d'une voix blanche, hein Ludo, jamais tu n'as dit maman. Pourquoi? Alors idiot vas-y..., dis-le !... vas-y pour une fois!... Dis maman à ta mère, rien qu'une fois, dis-le! >>
Elle s'emportait, blême de rage, en regardant son fils qui se tassait sur la chaise et frissonnait sans rien dire.

Pages 161 / 162

T'as raison alors ! C'est toi qu'as raison. Si tu veux pas parler, c'est que je suis pas ta mère. Et ça c'est vrai Ludo, c'est pas moi ta mère... Ah tu veux rien dire! Eh bien tu vas voir! C'est un accident ta mère, t'entends, c'est comme si c'était toi, t'entends?... Chaque fois que je te vois, chaque fois, je les vois, tous les trois, je les entends, sous la lampe jaune, chaque fois que je te vois c'est les trois saloperies que je vois, c'est comme si c'était toi qui m'avais battue, violée, c'est pas moi ta mère t'entends!... Ta mère c'est les trois saloperies. >>
La voix était rauque, empoisonnée de haine.
" Maintenant fous le camp salaud, fous le camp de ma vie" brailla-t-elle encore en se redressant si violemment que le bol chavira dans les draps.

Page 162

Ce passage  se présente là, comme un concentré du drame, le nœud de cet enchaînement diabolique où la haine prends sans cesse le pas sur l'amour qui ne peut jamais plus se manifester...

De Saint-Martin à Saint Paul...

Du chapitre VIII au chapitre XIII inclus, sur environ, une centaine de pages, l'intrigue du roman se déroule en internat spécialisé, celui de la Maison d'enfants Saint-Paul. Inspiré par son immersion d'une huitaine de jours dans le Centre Saint-Martin à Etrépagny à la fin de l'automne 1984, l' auteur a rédigé là, la partie centrale de son roman, celle à partir de laquelle tout va basculer dans la quête d'amour et de reconnaissance de Ludo... 

Je reconnais là une certaine ambiance de la vie en institution médico-sociale telle qu'elle était au Centre Saint Martin, y compris des visages de personnes y résidant, tels que les personnages du roman : Mlle Rikoff, l'infirmière devenue directrice à la mort du Colonel fondateur, et le doyen des pensionnaires Odilon, un trisomique futé sachant pérorer, chouchou de la directrice.

Le contexte retenu par Yann Keffélec, dans cette œuvre, est celui du début des années 60. A cette époque, en France, il y a encore peu d'institutions spécialisées accueillant des enfants déficients mentaux ou cas sociaux. Nous sommes au tout début des créations d'instituts pour enfants et adultes handicapés, et de celles des écoles de formation des travailleurs sociaux.  Jusqu'à cette date, les "accidentés de la vie", jeunes et vieux, étaient accueillis et soignés dans les maisons de charité, hospices ou asiles souvent sous l'égide d’œuvres religieuses d'obédience catholique. Les cas les plus lourds étaient pris en charge dans les hôpitaux psychiatriques et leurs annexes pour mineurs non scolarisés. Les associations de parents d'enfants handicapés ont progressivement fait évoluer les missions auprès des services sociaux départementaux, en faveur de ces premiers établissements qui, souvent privés d'un prix de journée venant de l'état, fonctionnaient grâce aux dons et donations de propriétés des familles les plus riches qui, comme au centre Saint-Martin, à son ouverture en 1965, achetaient des "lits de fondation" assurant la prise en charge pérennes de leurs enfants handicapés.

Ainsi l'auteur informé sur la genèse et  l'historique de ces établissements suite à son séjour dans l'un d'eux, à Etrépagny, va en relever les singularités institutionnelles, les particularités fonctionnelles, les comportements des résidents et de leurs encadrants en place, pour, les transformant, les exagérant également suivant son imagination, en constituer le cadre et le déroulement convenant à l'intrigue et à l'évolution dramatique de son roman.

Le personnage central de cette tragédie, Ludo ne nous quitte pas. On souffre avec lui de cette totale absence d'amour venant de sa mère. Une monstrueuse incompréhension de cette situation les bouleverse l'un et l'autre, victimes de l'incommensurable, au-delà de la raison, entre vives aspirations et rejets viscérales.

Maintenant je suis grand. Je veux savoir qu'est-ce qui se passe avec moi. Dis-moi qu'est-ce qui se passe avec moi. Tu m'as jamais rien dit. Tu m'as fait partir du grenier. Tu m'as fait partir de la maison. T'as fait partir Nanette et t'es jamais venue me voir ici. Maintenant la femme elle veut me chasser. Elle veut m'envoyer chez les vrais fous. Moi j'irai pas, moi. Moi je suis pas un vrai fou. Moi je suis ton enfant. Tu m'as jamais dit pour mon père et moi je sais rien. Moi je veux rentrer aux Buissonnets, je veux rester avec toi. Faut que tu viennes à Noël. Faut que tu viennes me chercher, si tu viens pas elle m'envoie chez les fous. Tous les parents viennent au réveillon, si tu viens pas moi j'ai plus rien, je suis tout seul si tu viens pas, même les enfants y sont pas tout seuls.

Pages 271 / 272.

Cet appel de Ludo vient comme un total déchirement de l'âme, un cri du cœur aussi inconcevable qu’insupportable. Il ne reçoit aucune manifestation d'amour de sa mère, il ne connaît pas son père , un père dont on ne lui parle jamais, il se sent alors privé d'identité... et se retrouve donc comme un inconnu pour lui-même... On lui répète sans cesse qu'il a le singe... Il sait surtout qu'il n'est pas le fou que les autres pensent et disent de lui. 

Ce roman nous conte la dévastation résultant d'un viol abominable transformant une mère en marâtre tyrannique, persécutrice de son fils en le privant de toutes marques d'affection. Nous vivons là, une tragédie à rebonds qui ne se fait jamais oublier au fil des pérégrinations de cet enfant, puis adolescent innocent qui subit et se confronte parfois âprement à un destin qui ne devait jamais être le sien.

Une lecture poignante qui fait surgir en nous le vent de la révolte contre tous les actes de barbarie et un fort sentiment d'impuissance et de désolation, face à la froideur glaçante d'une mère profondément meurtrie dans son corps et dans son âme.

Des métaphores audacieuses, surprenantes, parfois très poétiques ou singulièrement drôles mettent en exergue les paysages, les lieux faisant alors corps avec le tissu dramatique, créant l'ambiance en harmonie avec les tensions et l'action nous tenant en haleine.

 Si, à la différence du journaliste, le romancier n'a pas pour rôle de rapporter dans son authenticité la réalité dont, en certaines occasions, il peut être le témoins oculaire et pensant, mais, s'en inspirant, puis, la transcendant dans sa fiction, réaliser une œuvre distincte, originale, destinée à distraire, émouvoir et aussi instruire le lecteur, Yann Queffélec s'étant servi de ce qu'il a découvert au Centre Saint Martin comme "canevas" pour 6 des chapitres de son roman, la transposition dans sa Maison d'enfants Saint Paul est conforme à cet esprit de l'écrire libre ne mettant nullement en cause des personnes ou des pratiques institutionnelles et pédagogiques de l'établissement de référence, à considérer seulement comme éléments d'informations malléables, aux sources de son inspiration.

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F
Patrice, j'ai lu tout ce que tu nous dit sur ce roman poignant et sur cet auteur qu a eu mailles à partir avec le clergé. Merci
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F
Bonjour Francis.<br /> . <br /> En fait, ce n'est pas avec le clergé mais avec la direction du Centre Saint-Martin où j'ai travaillé pendant une quarantaine d'années... Il n'y a pas eu de conflit ni de procès, sinon de la déception, du mécontentement et surtout de l'incompréhension, ce que j’explique dans mon article. Sans être d'obédience catholique, l'état d'esprit et la philosophie inhérentes à la mission sociale et thérapeutique de ce foyer de vie en Haute Normandie est de tradition chrétienne. <br /> Le détournement de ce que Yann Queffélec a perçu au cours de son séjour dans l’institution, il y a 40 ans de cela, a été mal accepté par les personnes dirigeantes et employées au Centre. <br /> Mon article montre qu'il faut savoir relativiser et accepter qu'un romancier s'inspirant de l'ambiance d'un lieu et des agissements de ceux qui y résident, transforme la réalité à sa guise pour la rendre conforme avec la trame qui hourdit sa fiction.<br /> <br /> Amitiés.
A
Très juste analyse du livre de Quéffelec, lu à sa sortie. J'ai sans doute oublié certains détails sur la maison Saint-Paul et tu m'apprends qu'il a séjourné au Centre Saint Martin. Les écrivains se nourrissent de ce qu'ils voient, entendent et lisent ; ensuite, ils en font autre chose. Merci Patrice pour ce bel article.
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F
Bonsoir Catherine.<br /> <br /> C'est bien cela : ce que Yann Queffélec a perçu, repéré puis retenu, sur place dans notre institution, il en a fait un cadre tout autre et une suite d'événements différents. Ainsi, les santons de la crèche qu'un résident du Centre Saint- Martin s'amusait à déplacer de jour en jour dans la période de l'Avent, il en a fait le déplacement de moutons en carton au nom de chaque pensionnaire que la directrice de la Maison Saint-Paul déplaçait chaque soir avant d'aller se coucher, les rapprochant ou les éloignant de la crèche ou reposait l'enfant Jésus, suivant la bonne ou mauvaise conduite des résidents... qui constatait le lendemain matin s'ils avaient ainsi progressé ou régressé ... <br /> <br /> En fait, c'est amusant de reconnaître certaines habitudes voire des personnes, devenues toutes autres sous la plume du romancier.<br /> <br /> Bises amicales des Farfadets du Poitou.
M
Un livre que j'ai lu à sa sortie et qui m'avait beaucoup marquée pour ne pas dire traumatisée. Mes enfants étaient petits ce qui explique sans doute que j'avais été bouleversée par le destin qui attend ce petit garçon...c'est un livre qui dénonce le viol et la maltraitance mais bien entendu la souffrance d'une mère que personne ne veut écouter. La lecture de ta chronique que remémore certains détails insupportables. Je n'ai pas contre jamais vu le film et pour l'instant je n'ai pas envie de le relire mais je trouve que le sujet traité ainsi et qui a permis à son auteur d'obtenir le prix Goncourt n'a pas pris une ride, hélas...Merci de ce partage toujours intéressant chez toi parce que tu t'impliques davantage que moi dans tes chroniques...Bonne fin de semaine et amitiés à tous les deux
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F
Bonsoir Manou.<br /> <br /> Les scènes au début et à la fin du roman sont particulièrement éprouvantes, rapportant un déchaînement de violence dur à supporter. Entre, nous sommes attachés au parcours de cet enfant ensuite adolescent rejeté par sa mère, elle aussi en souffrance. Suite au viol, puis à la naissance de l'enfant en résultant, elle n'a pas eu le soutien de ses parents sinon leurs vifs reproches et la honte, la classant comme mauvaise fille, une "traînée qui a souillé l'honorabilité de la famille.<br /> Oui, lire ce roman est éprouvant car la sérénité ne peut se mettre en place pour Ludo et tous ceux qui gravitent autour. La blessure est profonde et ne cicatrise jamais. <br /> <br /> Nous avons vu le film quand il a été retransmis à la télé. cela fait plusieurs années. Je pense toutefois que le roman est encore plus impactant émotionnellement.<br /> <br /> Sur ce même fort ressenti, je fais le rapprochement avec le roman de Gabriel Tallent : " My absolute Darling" où une jeune fille de 14 ans totalement sous la coupe de son monstrueux père, est victime d'inceste. Ce ne sont pas des lectures apaisantes... c'est le moins que l'on puisse dire...<br /> <br /> Mes prochaines lectures je les envisages plus cool...<br /> <br /> Amitiés des Farfadets du Poitou.
C
Je partage le commentaire de Marie-Rose ,j’ai mis moi aussi du temps pour comprendre ce désamour et moi aussi aujourd’hui,je mets plus de temps avant de me faire une opinion,sur des infos,des lectures,ou des réunions…..bon week-end Patrice et Annie.
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F
Bonjour Christiane.<br /> <br /> Les impressions , les appréciations évoluent également avec le remps. Il est bien de laisser les choses murir en nous, au besoin, les oublier pour les reprendre un peu plus tard. Cela vaut pour nos lectures, qu'à différentes périodes de notre existence on va ressentir et interpréter différemment. Avoir toujours du recul pour juger sereinement les faits et les événements. Eviter le passionnel qui nous éloigne de la neutralité objective.<br /> <br /> A la sortie du livre de Yann Queffelec, cela avait été une véritable déflagration dans l'enceinte du Centre Saint-Martin où l'incompréhension en même temps que la déception se lisait sur les visages des personnes de la direction qui pensaient que l'auteur ferait un tout autre usage de l'immersion d'une huitaine de jours dans l'institution… En Fait, l'auteur n'est pas un reporter mais un romancier qui use de la fiction servie par son imagination pour écrire ses romans. Il ne fallait pas prendre les contenus de son ouvrage au premier degré, sinon les percevoir comme les éléments d'une création originale bien distincte de la réalité, permettant aux lecteurs de plonger dans une tragédie bouleversante. <br /> <br /> Personnellement à l'époque, me fiant aux critiques défavorables, je n'avais pas voulu lire le roman alors qu'Annie s'était empressée de le lire, ne le trouvant pas si compromettant que cela semblait pour le Centre Saint-Martin, les membres de la direction et certains résidents… Il s'agissait pour elle, d'une extrapolation de ce que l'auteur a perçu et ressenti, métamorphosée en une toute autre histoire.<br /> <br /> Aujourd'hui, après lecture je tire les mêmes conclusions. Ce n'est qu'un roman avec ses composants dramatiques, une fiction qui nous parle de l'âpreté des sentiments humains confrontés aux maux et aux dérives de l'existence, ici, les pires quand une mère en arrive à rejeter puis haïr le fruit de sa chair. <br /> <br /> Chaleureuses et amicales pensées des Farfadets du Poutou.
M
Je me souviens de ce livre que j'avais lu dès qu'il avait été édité. Il avait fait couler beaucoup d'encre et de "bavardages". Pour ma part je n'ai pas vu tout de suite ce que tu ressens à sa lecture "ce manque d'amour d'une mère vers son enfant à cause de ce viol horrible". MAINTENANT alors que j'arrive vers un certains âge, j'attends quelques temps avant de me faire une opinion sur les choses que je vois ou que je lis, je mets le doute en avant ... avant de me faire ma propre opinion, en fait je ne veux plus me laisser influencer (ce n'est pas très facile). Si une idée me plaît je la défends mais avec un certain recul, sans refuser d'autres opinions qui ont leurs raisons d'êtres. Nous passons souvent en ayant une idée fixe, sans nuances, je ne suis pas parfaite mais cela m'est arrivé aussi lorsque j'étais plus jeune. Bonne soirée Patrice et Annie. (Il faudra que je te parle du livre que j'ai lu "à cheval sur les traces de Montaigne" formidable dont tu m'avais présenté)
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F
Bonjour Marie-Rose.<br /> <br /> Oui, ce roman en son temps, a défrayé la chronique parmi les lecteurs et lectrices, et chez les membres de la direction à Saint-Martin qui, à l'époque, voyaient là un détournement en faveur d'un scenario "sordide" de la philosophie et des méthodes de travail du Centre en même temps qu'un irrespect des personnes. (personnels et résidents)Je me souviens que le Dr François N. , chirurgien dentiste qui assurait les soins dentaires de nos résidents, mélomane ayant mis en relation le Centre et la pianiste Brigitte Engerer épouse de l'auteur, avait été très embarrassé par cette situation et a tempéré les esprits pour que les choses n'aillent pas plus loin. Après tout, ce n'était là qu'un roman fruit de l'imagination de son auteur s'étant servi d'un cadre de vie avec ses habitants pour s'en inspirant, construire une histoire très différente par la teneur et par l'esprit.<br /> <br /> Rentrant dans l'histoire que nous conte ce roman, le manque d'amour de la mère pour son fils doit être vu dans le contexte de l'époque qu'a choisie Yann Queffelec. Il s'agit du début des années 6O (Son roman il l'a écrit 20 ans plus tard et dans cet espace de temps la Loi Veil sur l'IVG a été votée (1974) et est aussitôt entrée en vigueur). Jusqu’à cette date, être fille mère était très mal perçu par "les honnêtes gens" et encore bien plus dans les bourgs et villages où tous les habitants se connaissent. Se faire engrosser par le premier venu, voilà qui pouvait nuire à la bonne réputation d'une famille. C'était la honte…<br /> <br /> Du chapitre I au chapitre II, 5 années se sont déroulées depuis le viol… L'enfant vit dans un grenier… les parents de la mère ne veulent aucunement le voir… sa mère ne vient que pour assurer les nécessités vitales. Quoi de plus horrible à vivre pour un enfant quand les siens le mettent à l'écart et l'ignorent, le laissant seul des journées entières. Lui il aimerait tant qu'on l'aime et surtout recevoir cet amour de cette mère qui ne lui dispense aucune marque d'affection. Tout au long du roman cela va être son obsession… être aimé de sa mère, être enfin reconnu comme son fils qui, en outre, ne sait non pas qui est son père. Quand il parvient à l'adolescence Cela frise l'oedipien.<br /> <br /> La tragédie tient à ce fait que cette mère, si malmenée par la vie dès son adolescence, ayant été bafouée, trahie, violentée, violée par celui qu'elle avait cru être son "prince charmant", ensuite, non soutenue et rassérénée par ses propres parents après le viol, et donc rendue seule coupable de cette "honteuse situation", est au bout du compte, incapable d'aimer cet enfant né d'une violence qui perdure. Je pense que toutes les mamans d'enfant né à la suite d'un viol n'ont pas forcément toutes cette réaction négative les faisant renier jusqu'à le détester leur enfant mais, au contraire peuvent dispenser beaucoup d'amour pour lui, éludant alors les souffrances liées au viol. Dans le roman de Queffelec, cette mère bien trop meurtrie en est, elle, incapable.<br /> <br /> Il y aurait encore bien des choses à dire sur ce roman…<br /> <br /> Ah oui, "A cheval sur les traces de Montaigne" voilà une lecture très différente qui nous emmène en voyage au pas, au trot, et au galop bien plus divertissant et féerique, nous réconciliant avec la nature humaine au contact de l'animal et des grands espaces. Une chevauchée idyllique instructive une grande et belle évasion.…<br /> <br /> Bisous de la famille Lulu du Poitou.
D
il n'est jamais trop tard...
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F
... pour bien faire. Dit le proverbe Je ne sais si j'ai bien fait de lire ce livre 40 années après sa sortie mais indéniablement j'ai pu y apposer un regard plus objectif et nuancer ma critique car il est vrai qu'au moment de sa parution nous avions été scandalisés par le contenu, la description crue du viol orgiaque jusque dans les détails les plus sordides et aussi par la description de l'internat où est placé Ludo inspiré par ce que l'auteur avait retenu de son séjour au Centre Saint Martin.<br /> <br /> Le dernier paragraphe de mon article réactualise en la modifiant cette appréciation, la rendant, de ce fait, plus objective en en ayant expliqué les fondements du point de vue de la création littéraire.<br /> <br /> Amitiés.
C
tristes vies qu'ont à souffrir ces enfants du gâchis des adultes, ... que te dire devant telles blessures infligées à un petit bout irresponsable du passé qui a détruit sa mère... voilà pourquoi "l'avortement" doit rester une loi ...<br /> amitié .
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F
Bonjour Marie-Claude.<br /> <br /> Ce roman a au moins le mérite de présenter les conséquences du viol sur la personne qui en est victime mais aussi sur l' enfant né de ce viol.... En fait, toute l'intrigue du roman repose là-dessus. C'est Ludo qui est au cœur de cette tourmente affective, de ce chaos psychique, et de cette désorganisation familiale et sociale résultant de ce viol monstrueux. Privé de l'amour de sa mère... il ne comprend pas, c'en est aussi monstrueux. Bien mettre ceci en évidence lorsque les violeurs se retrouvent dans les tribunaux face à la justice et face à leurs actes aux conséquences tragiques. <br /> <br /> Amitiés.

Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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