Nana n'est pas un chat comme les autres, né chat errant, il est devenu chat domestique... un personnage attachant révélateur de belles âmes, en osmose avec les humains... chat par nature, présent au monde par dessein.
Digne représentant des félidés apprivoisable, Nana (7 en japonais) dispose d'une faculté que l'on ne connaissait pas aux chats : celle du langage humain. Il miaule comme tous les chats mais pense en humain...
Et de me faire cette réflexion : pourquoi les animaux ne penserait-il pas comme notre chat Camel assis dignement sur son plateau de prédilection, excellent poste d'observation lui permettant d'avoir un regard circulaire sur notre pièce de vie... je sens à son attitude qu'il est attentif à tout ce qu'il se passe autour de lui, de même qu'il pénètre nos pensées et s'en inspire. Le chat aussi a ses mimiques particulièrement expressives et changeantes...
Revenant à l'ouvrage de Hiro Arikawa, nous sommes transportés dans une aventure pleine de tendresse, d'émotions et d'humour, au pays du Soleil Levant où Nana, le chat est omniprésent, habile narrateur et subtil commentateur des rapports entre les êtres humains, de leurs agissements et de leur environnement.
La lecture est aisée, vivante avec cette spécificité de rédaction qui, dans les dialogues, exclut les tirets lorsque le chat s'exprime ou répond à son interlocuteur. En fait, Nana pense en langage animal universel qui comprend, en outre, le langage humain ...
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Le temps de m'en rendre compte j'étais déjà planqué derrière les jambes de Satoru, et ce dernier me regardait avec un sourire aimant.
J'ai fait un tour de quartier avec lui, et je suis revenu à l'appartement. Premier étage face à l'escalier. J'ai miaulé.
Bon, tu te dépêches d'ouvrir, oui ?
- Alors tu reste ?
Ouais bon ça va . Alors tu l'ouvres cette porte, oui ?
- Tu veux bien être mon chat ?
OK, mais faudra que tu te promènes de temps en temps avec moi.
Et voilà comment je suis devenu le chat de Saturo.
Satoru Miyawaki est le maître de Nana, disons plutôt son sauveur puisqu'il l'a récupéré chez lui suite à un accident avec une voiture qui avait mis en piteux état le chat de gouttière, libre et indépendant. En fait, ils se sont adoptés réciproquement. A partir de cet événement on découvre, petit à petit, le passé de Satoru, de son enfance, de ses camarades de l'école primaire, du collège et du lycée, une époque bénie où déjà, un chat avait scellé des amitiés et été sujet de bien des péripéties. Hachi (8 en japonais), figurait en bonne place dans l'album photo de la famille de Satoru. On découvre que l'intérêt pour les chats n'est pas partagé par tous. entre les "dingues des chats" et ceux qui refusent d'en garder chez eux, redoutant surtout les coups de griffes qui saccagent meubles, rideaux et tentures, comme les parents de Kosuké qui, lui, l'ami fidèle de Satoru, aimerait tellement avoir un chat qui ferait partie de la maisonnée et pourquoi pas de la famille...
Les années passent qui séparent les amis d'enfance et rendent les adolescents, adultes. On retrouve Satoru bien peiné car un fait impérieux dont on ne connaîtra la raison que dans les dernières pages de ce roman, l'oblige à se séparer de son chat. Cela faisait déjà 5 ans que Satoru et Nana vivaient en parfaite entente sous le même toit.
Alors commence un grand périple en monospace pour ces deux inséparables amis... un pèlerinage à la fois réel et onirique. Des rencontres, des retrouvailles tout en tendresse puis des révélations bouleversantes; une formidable complicité entre le chat et son protecteur, un voyage plein d'images ravissantes de couleurs et de découvertes merveilleuses que notre brave Nana nous résume en ces termes poétiques :
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"Ah... Oui. Oui, on a vu tant de belles choses, tous les deux.
Les villes où Satoru a grandi,
Les champs où les pousses frémissent,
La mer et son bruit lourd et effroyable,
Le mont Fuji de tout près tout près,
La télé-boîte si agréable pour s'asseoir,
Mme Momo, une vieille dame charmante,
Toramaru aux poils tigrés, un pénible mais sincère,
L'immense ferry blanc et toutes les voitures qu'il avalait dans sa gueule,
Les chiens qui agitaient leur queue pour faire fête à Satoru,
Le chinchilla qui avait un langage déplorable mais qui m'a dit Good luck,
Les vastes paysages de Hokkaido,
Les fleurs jaunes et mauves pleines de vigueur au bord de la route,
La prairie de miscanthus grande comme la mer,
Le cheval qui broutait,
Les fruits rouges des sorbiers,
Les différentes nuances de rouge des sorbiers que Satoru m'a expliquées,
Les très distingués bois de bouleaux,
L'atmosphère franche et ouverte du cimetière,
Les fleurs aux couleurs de l'arc-en-ciel dans les vases,
Les fesses marquées d'un coeur blanc des daims,
Le grand grand grand arc-en-ciel double aux pieds campés sur la terre,
Et puis surtout, le sourire de nos amis".