"Nul n'est pro, faite en son pays..." Pardonnez moi pour ce calembour de Farfadet, mais j'ai immanquablement l'humeur lutine ce matin, après avoir lu ce billet en page 22 de La Nouvelle République de ce Mardi 16 janvier...
Eh oui "l'enfant terrible" de Montmorillon fait toujours parler d'elle même 10 ans après sa mort. Pourtant c'est sous le label "Hommage" qu'est publié cet article qui revient sur le contentieux opposant l'écrivaine aux gens de Montmorillon qui ne l'apprécient guère en dépit de ce qu'elle a fait pour la renommée de cette charmante localité de l'est de la Vienne, labellisée "Cité de l'écrit".
Née en 1935, un an avant que soit publié "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell, Régine Deforges deviendra célèbre au début des années 80 quand sera édité son premier best-seller : "La bicyclette bleue" prélude à une saga rassemblant 10 volumes, nous entraînant dans la tourmente de 20 années entre 1939 et 1960...
Des écrits polémiques partagent les avis les scindant de façon extrême entre ceux qui détestent et ceux qui adorent. L'accusation de plagia concerne surtout le premier tome qui s'inspire des scènes typiques du célèbre roman de Margaret Mitchell ... Léa ... Scarlett sont deux héroïnes, chacune marquée d'une forte personnalité; adorables pour les uns, ou exécrables pour les autres qui, en tous cas, ne laissent pas indifférents les lecteurs. Contexte de guerre à 70 ans intervalle : celle en Amérique dite guerre de Sécession, celle en Europe appelée la drôle de guerre, suivie de l'occupation allemande en France de 1939 à 1945. Oui, il y a des similitudes de situations, de circonstances qui, contextuellement, hors l'époque, laissent cette impression désagréable du plagia.
Si Scarlett O'Hara se présente comme une jeune fille à la fois charmante, capricieuse et audacieuse, Léa bien plus vindicative, voire rancunière, aura une conduite sans doute plus perverse et dévoyée sur le plan des mœurs, qui l’entraînera aussi à faire des choix douloureux.
Je me souviens qu'en cours de lecture de ce premier opus de la saga de Régine Déforges, je m'étais aussi fait cette réflexion : bien que transposé à une époque différente, on croirait lire les premiers chapitres de "Autant en emporte le vent"... Beaucoup de coïncidences avec les personnages principaux, leur rôles respectifs et le contexte de propriétaires de grands domaines sont autant d'ingrédients de scénario finalement similaires.
Entre cavaler et pédaler, à chaque époque sa monture ...
« Le plagiat, une impunité française »
Article de Hélène Maurel (Professeure de littérature française à l’université de Tours) publié dans "Le Monde" le 28 juillet 2021 à 18h00, modifié le 29 juillet 2021 à 15h23.
"En 1993, contre toute attente, Régine Deforges n’est pas déclarée coupable de contrefaçon d’« Autant en emporte le vent », de Margaret Mitchell, à laquelle elle a pourtant « emprunté » une grande part de son intrigue.
A l’issue d’un procès marathon entre les ayants droit de Margaret Mitchell, autrice, en 1936, du mythique Autant en emporte le vent, et Régine Deforges, assignée pour contrefaçon pour La Bicyclette bleue, parue en 1981 aux Editions Ramsay, la cour d’appel de Versailles (1993) rejette l’accusation de plagiat au bénéfice de l’œuvre française. Quelles circonstances ont-elles permis d’aboutir à un tel verdict, alors que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 décembre 1989 fondait sa condamnation pour contrefaçon littéraire sur une analyse comparative d’une centaine de pages de similitudes entre les deux œuvres ? Qui plus est, la Cour de cassation (1992) n’avait-elle pas cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris (1990), qui avait donné raison à l’autrice française et à son éditeur ? Comment ces retours de balancier contradictoires ont-ils pu, en dernier ressort, remettre en cause un plagiat sur lequel la doctrine semblait s’accorder ?
Une jurisprudence fluctuante
Le terme de plagiat n’appartient pas au vocabulaire juridique : le code de la propriété intellectuelle reconnaît uniquement le délit de contrefaçon, à savoir « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ». La frontière entre les deux est mouvante et soumise, en cas de contentieux, à l’appréciation du juge. Or, la jurisprudence est plutôt fluctuante en matière de contrefaçon littéraire. Le plagiat, tout répréhensible qu’il puisse paraître d’un point de vue déontologique, ne tombe pas sous le coup de la loi s’il ne comporte pas un caractère de gravité suffisant. Gardons bien à l’esprit que la gravité de la faute, s’il en est, ne peut porter que sur l’expression – la forme – et la composition de l’œuvre, à savoir l’enchaînement des idées. Les idées elles-mêmes, aussi géniales soient-elles, sont de libre parcours. La législation, en effet, vise un équilibre subtil entre, d’une part, la protection du travail des auteurs et, d’autre part, la liberté, pour la société civile, de l’utiliser, dans un but de partage des connaissances et d’enrichissement du patrimoine intellectuel".
La Bicyclette bleue, les 10 livres de la série
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Les 10 volumes de la saga.
"Non, les braves gens n'aiment pas que l'on prenne d'autres routes qu'eux" ...
Toutefois dans les opus suivant, on s'éloigne nettement de l'univers de Margaret Mitchell et l’œuvre de Régine Déforges se singularise en nous faisant parcourir le temps après guerre, en phase avec les grands événements qui agitent la planète. On reproche alors à l'autrice le ton léger et les aventures libertines contenus dans ses œuvres... pour les âmes bien pensantes, on frise la censure en conformité avec un puritanisme larvé qui se fait jour dans nos sociétés au début des années 90, à contre-courant des années 60-70 si libertaires.
En fait, je n'ai lu que les trois premiers tomes de cette saga, et il y a longtemps... je prévois de remédier à cela en relisant le tout, pour me faire une idée plus juste de sa valeur littéraire.
Régine Déforges a aussi défrayé la chronique en révélant dans "Carnet volé" (1978), qu'à l'âge de 15 ans, elle était amoureuse de Manon une de ses camarades à Montmorillon. Voilà qui scandalisa les habitants du cru qui la mirent au ban de la ville...
Eh oui... on en était pas au mariage pour tous, dans ces années là, il y avait de seuils à ne pas franchir et l'homosexualité était considérée comme de la perversion voire comme une forme étrange de pathologie mentale dont on devait pouvoir guérir ...
Régine Déforges est une femme libre, une très belle femme également qui, en outre, a du talent dont celui de l'écriture, une femme de caractère servie par l’honnêteté qui lui fait dire ce qu'elle pense sur bien des sujets sociétaux de son temps... un panel de dons et de dispositions qui peuvent faire des jaloux d'autant que les succès récompensent ses productions.
Au-delà des rumeurs, s'investissant toujours plus dans la ville de son enfance, celle-ci, lui doit la création du "Salon du livre" une manifestation estivale qui en fait La cité de l'écrit. En 2020 La municipalité réélue l'a transformée en formule bien moins ouverte sous l’appellation "Les rencontres de Montmorillon". Sera-ce une initiative qui fera perdurer cette manifestation culturelle ,10 ans après la disparition, de l'autrice ?....
Camille Déforges sa fille, a été contactée pour participer à la prochaine édition des "Rencontres de Montmorillon" L'association des brodeuses de Montmorillon, a prévu de lancer un concours autour de "La bicyclette bleue". Camille viendra peut-être. En attendant, en hommage à sa mère, elle a précisé que le 3 Avril prochain, date anniversaire du décès de Régine Déforges, elle organisera un soirée dédiée à sa mémoire et à son œuvre, en présence de tous ses amis, à la Maison de la Poésie à Paris.
Il serait honorable et juste que les gens et la municipalité de Montmorillon n'oublient pas cette enfant du pays qui, elle, les a bien aimés et dotés d'un événement hautement culturel à ne pas laisser fuir avec le temps.