Futurisme d'antan...
Début des années 60... à l'entrée d'un village de la Haute-Vienne, bordant la chaussée une succession de petits commerces s'anime... Les passants ne semblent pas plus étonnés que cela en voyant passer à bonne allure cette Citroën GF break, croisant, au niveau du garage, une Renault Urbaine que l'on ravitaille en carburant ...
Le pompiste et la femme au volant, se saluant d'un geste de la main, doivent se connaître. En ce début de matinée, cette maman doit sans doute conduire son jeune garçon au collège du bourg voisin.
A cette époque Citroën et Renault sont en pleine restructuration de leur gamme. Tout au cours des années "50" ces généralistes comme leurs concurrents s'appuyaient sur un modèle phare, voire emblématique, complété par un modèle du niveau inférieur, voire très inférieur. Citroën vend bien plus de 2CV que de DS ou ID et Renault bien plus de Dauphine que de Frégate... Entre la voiture populaire à prix raisonnable et la voiture de grand standing coûtant souvent le double de la première citée, il manque un modèle intermédiaire et ses déclinaisons pour toucher une clientèle plus large....
Sur cette image fiction, la bizarroïde auto arrêtée à la station est une Renault Urbaine à moteur arrière construite sur une plateforme de Dauphine, destinée aux citadins et aux chauffeurs de taxi qui apprécient sa grande maniabilité et son poste de conduite avancé...
D'une architecture plus conventionnelle, cette Citroën GF familiale, à droite, dispose néanmoins d'une ligne révolutionnaire à l'instar de son aînée DS 19 dont elle reprend le capot plongeant. Bien que généreuse en places pour les passagers et de taille conséquente, cette nouvelle venue des Quais de Javel n'est qu'une 7CV, animée par un moteur "flat-four" 4 cylindres à plat de 1350 cm3, refroidi par air grâce à une turbine horizontale. Elle vient compléter la gamme entre l'Ami 6 et la DS.
La porte du garage est fermée, sur un panonceau il est indiqué qu'en cas d'absence on doit s'adresser à côté, au magasin d’alimentation SPAR. Soyons curieux et allons voir ce qu'il se passe à l'intérieur du garage...
Tout semble bien calme dans cet atelier de réparation automobile photographié dans la seconde moitié des années cinquante. A l'exception de Panhard et de Peugeot, les principaux constructeurs nationaux sont représentés sur ce cliché. Derrière la rutilante Simca Vedette Versailles, la 2 CV AZ est munie de quelques accessoires destinés autant que faire se peut à l'enjoliver. Deux têtes de cheval stylisées oment donc son capot tandis que le pare-chocs avant est remplacé par un modèle accessoire identique à celui monté en série sur les voitures produites alors dans l'usine belge de Forest. Sur la droite, garée entre une 4 CV et une Dauphine, la Simca Cinq ourgonnette présente tous les stigmates d'un usage long et intensif et semble déjà appartenir à un autre âge automobile.
Au sommaire de cet exemplaire
- Image en évidence, cette magnifique Talbot Record de 1947 qui semble jaillir de la couverture, méritera un article à part. Ici elle constitue le dossier du mois...
- Rubrique "magazine" : *un garage tranquille* ... (ci-avant)
- Rubrique "couleur d'époque" : *Les belles années Simca*... (ci-dessous)
- Rubrique Carrossier Les élégantes de Pourtout...
- Rubrique années soixante : La première japonaise en France...
- Rubrique Sport : Peugeot et les rallyes africains...
- Un fac-similé Delage
Les belles années de Simca.
Au début de l'année 1955, l'ensemble des productions de Simca est réuni sur l'esplanade du château de Vincennes. Celles-ci vont désormais des dérivés utilitaires de l'Aronde jusqu'à la luxueuse Simca Vedette Régence, en passant par les camions Ford Cargo, les camions Unic et les tracteurs agricoles Soméca. Toutefois, certains modèles Ford sont d'ores et déjà condamnés, tels la berline Abeille ou le coupé Comète Monte-Carlo.
Fondée en 1934, SIMCA (Société industrielle de mécanique et de carrosserie automobile) permet à
ce, au moment précis où l'élévation des barrières douanières rend leur importation impossible. Dès l'origine, la puissante personnalité de son principal animateur, Henri-Théodore Pigozzi, donne à l'affaire un essor inattendu. Quatrième constructeur français au début des années cinquante, la firme détient alors près de 15% du marché national, derrière Renault, Citroën et Peugeot. Entièrement rééquipée en machines neuves grâce à l'aide fournie par le plan Marshall, l'usine de Nanterre est l'une des plus modernes d'Europe.
Depuis le début de la décennie, le dynamisme de Simca est porté par la réussite de l'Aronde, commercialisée à partir du mois d'octobre 1951. Fort du succès de ce modèle, Henri-Théodore Pigozzi entend donner une nouvelle dimension à la société. Dés 1951, celle-ci prend le contrôle d'Unic, puis de Soméca, témoignant ainsi d'un bel appétit. Mais ce n'est rien encore. Le 4 juillet 1954, éclate une nouvelle qui stupéfie le monde de l'automobile. Simca vient d'absorber Ford SAF (Société Anonyme Française), cinquième constructeur français, L'ogre Simca a perdu son appétit d'oiseau », peut-on lire à la une de L'Auto Journal du 15 juillet 1954. Pour la première fois de son histoire, le géant américain, deuxième constructeur mondial, se résout à se défaire de l'une de ses filiales, non sans devenir propriétaire de 15% de Simca, après échange de participations. Plusieurs facteurs justifient l'opération. Tout d'abord, Henry Ford II et ses collaborateurs sont fort désappointés des résultats de Ford SAF, jugés plus que médiocres. En outre, ils n'éprouvent qu'une confiance très limitée à l'égard de la France de la IVe République, jugée peu sûre politiquement. Vue de Dearborn, la combinaison d'une instabilité gouvernementale chronique et d'un parti communiste puissant n'est guère rassurante! Alors même qu'une nouvelle génération de Ford Vedette est sur le point d'être commercialisée, la décision de vendre la filiale française est prise. Contactés, les principaux constructeurs nationaux déclinent l'offre. Seul, Henri-Théodore Pigozzi manifeste un vif intérêt. Tout d'abord, la rumeur selon laquelle Ford s'apprête à sortir une 7 CV concurrente de l'Aronde l'inquiète. Aussi éprouve-t-il un réel soulagement lorsqu'à l'issue des premiers contacts avec les représentants de Ford SAF, ses collaborateurs sont conviés à découvrir les prototypes d'une nouvelle Vedette, et non d'une voiture légère. Quoi qu'il en soit, pour Simca, l'essentiel n'est pas là. La proposition de Ford présente l'énorme avantage de mettre à sa disposition l'usine ultramoderne de Poissy. En effet, les installations de Nanterre sont alors au bord de l'asphyxie. Pour répondre au succès de l'Aronde, dont 100 000 exemplaires quittent les chaînes en 1954, leur superficie est passée de 93 000 m² en 1938 à 164 000 m² en 1952. L'absorption de Ford règle donc la question de manière extrêmement satisfaisante, au moment précis où les pouvoirs publics auraient souhaité que Simca quitte Nanterre pour Amiens... De son côté, la concurrence, sans parler de l’État lui-même, accueille l'effacement de Ford SAF avec peu d'enthousiasme. Bien sûr, un concurrent, étranger de surcroît, disparaît. Néanmoins, cette disparition renforce la puissance d'une firme qui, elle non plus, n'a jamais été considérée comme française, et dont l'appétit inquiète.
En 1954, photographié dans la cour des usines de Nanterre, Henri-Théodore Piggozi est le maître incontesté des destinées de Simca.
Une française aux lignes très américaines. Les Versailles, Trianon, Beaulieu, Régence, Marly aux noms de résidences ou à connotations royales, sont autant de déclinaisons du modèle Ford devant succéder à la Vedette produite de 1949 à 1954, dès lors passé dans la gamme Simca après le rachat de Ford SAF en 1954. Aux voluptueuses rondeurs de l'Aronde, les lignes acérées et tendues, soulignées de chromes rutilants, made in USA, séduisent les générations à l'origine du Baby-boom, jeunesse alors friande de cette mode "tapageuse" qui connaîtra son essor dès le début des années 60.