Drogue sexe et châtiment... la vie s'emballe, pulse, frissonne puis trésaille... et le cœur du lecteur avec.
Evie est une belle jeune femme de 23 printemps, déjà une "abîmée de la vie", mais pas encore désenchantée ; même si son premier grand amour vient de la larguer, elle dispose d'une bonne nature qui lui fait surmonter l'épreuve. Fragile mais pas sotte, elle ne croît plus trop au bonheur, jusqu'au jour où elle rencontre Pierre Manant qui l'observe depuis le pont supérieur de son yacht amarré dans le port de plaisance à Marseille.
Les événements, se précipitent pour elle, en recherche d'emploi, Pierre lui propose un travail de secrétaire assistante auprès de sa femme Clara, peintre novatrice en quête de notoriété, mais mauvaise gestionnaire pour tout ce qui concerne l'administratif, le recensement de galeries, l'organisation des expos, les soirées vernissages.
Saint-Paul de Vence, charmant et réputé village du pays niçois où touristes et artistes se croisent, les premiers n'étant que de passage, les seconds, y résidant. Evie s'en émerveille car les "Manant" viennent de l’embaucher et lui ont proposé leur toit. Elle occupe une chambre confortable avec salle de bain attenante, juste à côté de la chambre des époux. Sous le charme, elle ne sait pas encore quelle vient d'entrer dans une spirale infernale au sein de ce trio intimiste qu'ils viennent de constituer en cet fin d’Été 2018...
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-Tenez, c'est l'heure d'un petit cours sur Goya...
Clara envoie valser la représentation, se redresse, les mains posées sur ses genoux.
- En février 1819, Goya a soixante-treize ans. Sa santé est fragile. Il achète une maison de campagne avec vue sur Madrid. À l'emménagement, il se met à peindre directement sur le plâtre des murs. Il ne répond à aucune commande et crée uniquement pour lui et ses proches. Ses toiles tranchent avec les portraits princiers et les scènes champêtres qu'il avait l'habitude de peindre. En réalité, Goya s'est toujours intéressé aux pires aspects de l'être humain,surtout dans ses gravures.
- Cette toile de cannibalisme a été réalisée là-bas ? - Ouí. Ce n'est qu'à sa mort qu'elle a été découverte? Je ne peux m'empêcher de regarder encore le tableau.
Les premières semaines se déroulent dans un climat d'entente parfaite, le couple se montre très prévenant avec cette jeune fille attentive et enthousiaste. Clara, de quatre ans son aînée, explique à Evie ce qu'elle attend d'elle, l'informe sur son activité et vie d'artiste peintre, puis l'initie progressivement à sa peinture qu'elle classe dans le "romantisme noir". Sur se tableaux, les représentations souvent sombres et morbides, effraient d'abord Evie. Clara va l'initier à ses créations en lui révélant, jour après jour, les facettes de son univers où les êtres sont tourmentés par ce qui touche à la fois aux déchaînements des passions et aux stigmates souvent hideux de la mort. Elle l'instruit sur les auteurs les plus connus du genre, décortique leurs œuvres et remet à sa jeune collaboratrice des condensés d'ouvrages de la littérature correspondante. Evie studieuse, à l'intelligence vive, aura tôt fait d'assimiler le langage singulier de l'artiste et l'historique de ses sources d’inspirations
En fait, son rôle consiste à remplacer Clara sous son nom d'artiste : "Calypso Montant", d'être "Elle" en se présentant partout où ses œuvres exposées, impliqueront officiellement sa présence. Elle doit savoir répondre à toutes les questions que ne manqueront pas de lui poser visiteurs et journalistes, se déjouer de leurs pièges quand ils confinent à l'intime, citer ses références à auteurs et artistes, mais aussi savoir éluder les interprétations scabreuses sans pour autant lever le voile sur la part de mystère que la peintre compte laisser en suspens à propos de ses tableaux les plus funestes. Fournir des explications sans trop en dire et même savoir se taire opportunément.
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Sur le pont, le vent frais me fait frissonner, signe que l'ecstasy commence à s'estomper. Je reste de longues minutes à m'abîmer dans la contemplation des reflets. Turquoise, bleu canard, argenté se mêlent, scintillent, clapotent.
Une porte claque derrière moi et me sort de ma rêverie. Clara surgit, drapée de noir. Une longue robe, un gilet. Elle a le teint pâle d'une nuit sans sommeil mais l'air apaisé. Elle s'appuie à la rambarde, près de moi. Je remarque les veines bleutées que la délicate transparence de sa peau laisse apparaître sur son front, ses tempes et dans son cou. Elle tend la main gauche vers moi, une main sur laquelle brillent de nouveau l'alliance et le diamant.
- Merci », dit-elle.
Je réponds d'un vague mouvement de tête. Ses cheveux volent, fouettés par le vent, et transportent jusqu'à moi des odeurs. La note poudrée de son parfum au jasmin et une fragrance plus boisée de transpiration masculine, brute. Dans les cheveux de Clara, il y a l'odeur du corps de Lazlo.
- Comment c'était ? » demande-t-elle.
Je suis prise de court par la brutalité de sa question. Elle ajoute : << Ne rougissez pas. Vous aviez ma bénédiction. »
Je déglutis, secoue la tête, bafouille.
- Non... On... On n'a pas...
Elle pose une main sur mon avant-bras pour m'inciter à me calmer. L'effet est immédiat. Sa paume fraîche m'apaise. " Une autre fois, alors".
Elle presse mon bras avec douceur.
- Vous avez passé une bonne soirée ?
- Oui.
Encouragée par Clara, assisté par Pierre, excellent communiquant, la première intervention de Calypso (Evie) au vernissage de ses œuvres, à la Galerie Humanis de Georges, à Saint-Paul de Vence, se déroule parfaitement, "l'artiste" pétillante séduit son monde et quelques toiles sont vendues...
Ce soir là, après fermeture, le trio ne rentrera pas à la maison de Saint-Paul mais embarquera sur le yacht pour faire escale au large de Mala... C'est une première nuit d'extase, de dérive, de montée au septième ciel et de descente aux abysses pour Evie... C'est là, le point de départ pour un voyage en enfer via les paradis artificiels et des escales, alternant bonheurs éphémères et tourments persistants. Monter... descendre...
Entre domination et soumission, s'agit-il d'une relation toxique, d'une histoire d'amour impossible, de sado-masochisme larvé, de perfidie démentielle ou d'une marche inexorable vers l'accomplissement d'un destin funeste ?
Si vous aimez les intrigues fomentées par des âmes en souffrance à la fois fortes et faibles, par les persécutions qu'elles sont capables d'infliger à leur entourage et à leurs rivaux, ceci, autant à visages masqués que lors de vis-à-vis cinglants, alors, poursuivez la lecture de ce roman captivant pour ne pas dire envoûtant.
Vous y découvrirez ce que la Genèse contient au sens biblique qui n'aurait pas été révélé aux foules de croyants, une initiation au "Mal originel" qui fait mal... très mal...
Entre ecstasy et cocaïne, une escalade infernale à travers les subterfuges et les manigances d'un petit monde furieusement diabolique. Evie vous raconte tout cela, elle-même, sans fausse pudeur mais non sans larmes... on se demande alors ce qui pourrait les assécher... à vous de lire !... L'auteure a du talent et c'est aussi une femme... en atteste la pertinence et parfois la virulence des réparties qui font la part belle aux dialogues dans cet ouvrage haletant.