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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Les clins d'oeil du Farfadet

Guerre - Famille - Déracinement.

Est-il événement plus affreux, insensé et inhumain que la guerre ?...

Cette calamité s'étendant dans l'espace et dans le temps peut induire et spolier toute une existence au point que tous autres événements la composant ne peuvent s'envisager qu'en relation avec elle. Et lorsqu'elle s'étend sur plusieurs générations, la souffrance, de aiguë devient de plus en plus confuse pour la descendance.

La guerre qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990 en est une poignante illustration. D'un pays idyllique composé de communautés ethniques et religieuses différentes vivant en paix, l'ingérence de  conflits extérieurs (Israélo-palestinien) des pays voisins va entraîner une dislocation de cette entente entre ces groupes et communautés.

Cette guerre aux origines et raisons inextricables va faire des centaines de milliers de victimes puis causer l'exode de plus d'un million de personnes.

le roman rassemblant biographie et chronique, titré "Beyrouth-sur Seine" de Sabyl Ghoussoub nous plonge  dans ce déchirement lié à l'exil où l'horreur de la guerre le dispute parfois au pittoresque, à la drôlerie jusqu'à l'humour pour une famille d'expatriés libanais.

Cette lecture nous transporte dans un incessant va et vient entre ces deux nations : le Liban et la France et  les décennies 70-80 du siècle dernier et 2000 à 2020 de ce 21e siècle. 45 années  tumultueuses  d'un côté et remplies de nostalgie de l'autre.

Si le style narratif est fluide, ce balancement dans le temps et dans les lieux, lui, n'est pas toujours facile à suivre.  Il semble qu'il n'y ait pas d'ordre chronologique dans les suites du récit où les événements historiques et personnels s’enchevêtrent au gré des remontés de souvenirs tantôt douloureux, tantôt cocasses et imprégnés de la banalité du quotidien.   

A cette complexité d'une guerre civile aux revirements aussi imprévisibles qu'incessants et donc difficilement explicables, s'ajoute les engagements, actions, mais aussi exactions, pétries de charges émotionnelles, parfois vives, des membres d'une famille écartelée par des prises de positions totalement opposées, ensemble de parents proches  ou éloignés, s'inscrivant dans une galerie de personnages dont on a du mal à retenir tous  les noms, motivations et implications dans le fouillis des conflits, et politiques, et armés...

De ces descriptions se dégage beaucoup d'humanité et il est indéniable que l'auteur en relatant le vécu de ses parents face à cette vilaine guerre, leur voue une grande admiration et tendresse. Bien que ne comprenant pas toujours leurs choix et motivations, Il a, pour sa mère et son père, beaucoup de compassion et autant d'amour. Ils constituent aussi le fil rouge de cette histoire qui, au premier chef, est  la-leur. Ce sont eux les déracinés...

Mais comment cela se répercute-t-il sur leur descendance ? 

En parcourant les pages on découvre qu'au delà des drames et des inquiétudes, la cocasserie du quotidien vient effacer les aléas de ce déracinement, des pans de bonheur se superposent aux angoisses de l'exil et de l'éloignement des membres de la famille restés au pays.

 

Mon père, ma mère à Paris, 1975

Page 42- 43

Mon père pêche des journaux dans les poubelles publiques à l'aide d'une canne qu'il a confectionnée avec une branche de bois, du fil et une aiguille à coudre retournée. Il vole des livres chez Gibert Jeune, "plus d'une centaine m'assure-t-il.... il s'en allait sans payer avec une flopée de bouquins pris sur les étalages extérieurs lorsqu'un jour un homme de la sécurité est venu lui taper sur l'épaule...
- Que comptez-vous faire avec ces livres ?....
- Je comptais les montrer à ma femme qui se trouve de l'autre côté de la rue. Et voyez-vous, maintenant que j'ai disparu, elle doit être folle d'inquiétude et va probablement appeler la police, ce qui tombe bien car vous êtes déjà là !"

Les chapitres, tous titrés, sont courts et, dans une première partie, s'ils se suivent chronologiquement, dans une, deuxième partie, c'est selon une alternance entre présent et passé.

*Nostalgie quand tu nous tiens !* ... L'auteur questionne ses parents vivant en France depuis le début de la guerre, sur leurs origines, leurs jeunesses respectives, leurs aspirations, leur rencontre et tout ce qu'ils ont vécu là-bas... puis en France à Partir de 1975.

Ce n'est pas au cœur des faits que l'auteur nous plonge, ce qu'il décrit, c'est surtout les affects qu'ils provoquent en rejaillissant sur chaque membre de sa famille.

Il en ressort des anecdotes drôles, légères, parfois croustillantes mais aussi tragiques tenant aux événements touchant le reste de la famille : frères oncles, cousins restés au Liban et ceux y faisant écho se déroulant en France, à Paris, jusqu'à ceux terroristes des années 80.

 

Le  Liban, cette Grande Syrie, 1980

Page 141

J’interroge mes parents une à deux fois par semaine, je tiens un bon rythme, je les questionne individuellement. Ensemble, ils sont toujours très drôles mais c'est intenable, je n’avance pas, ils se contredisent constamment. Ils ne sont jamais d'accord sur la date le lieu, l'événement, à croire que la réalité est toujours la fiction qu'on se raconte.
L'une des sociétés pour lesquelles travaillait mon père en indépendant lui a proposé une mission d'interprète en Syrie pour négocier un gisement. Mon père ne voulait pas mettre un pied dans ce pays. Il détestait Hafez et-Assad et cette habitude que le dictateur avait de considérer le Liban comme sa chose, mais ma mère l'a convaincu, le travail est bien payé et ils ne sont pas en situation où ils peuvent se permettre de dire non...

Quand l'anecdotique s'inscrit dans l'Histoire, il en crée une nouvelle encore plus émotionnelle et vivante...

Ainsi teinté d'humour, passant par la lorgnette des évocations familiales et du folklore, ce récit bio et autobiographique nous fait voyager surtout dans le temps s'étalant sur 45 années ; on en oublierait les 15 années de guerre suivies du démantèlement politique et économique de ce merveilleux pays libanais. La vie reprend toujours le dessus, on oublie les déchirements, les plaies du passé, les misères du présent. Ce n'est pas que de la résignation, c'est aussi de la sagesse.  

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F
Spécialiste du groupe<br /> J'ai lu avec beaucoup d’intérêt tout ce que tu nous décris là sur Sabyl Ghoussoub. Un livre que plus d'un lecteur aura envie d'en savoir plus, même si le fait de passer du présent au passé et vice versa complique parfois les choses. Je connais quelqu'un que tu connais aussi, qui lui aussi aime sauter du coq à l'âne, mais pour des textes absolument pas comparables à Sabyl Ghoussoub qui est plus habile et qui a du goût Soub, le meilleur des goûts
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M
J'avais vu passer pas mal de chroniques lors de sa sortie l'an dernier mais il n'est toujours pas dans ma médiathèque qui ne possède que de cet auteur "Beyrouth entre parenthèses". Je l'ai d'ailleurs noté depuis longtemps pour le lire. La guerre, d'exil sont des sujets qui m'intéressent beaucoup et celui-ci avec l'humour que tu nous dépeins, les anecdotes et les histoires familiales me plairaient sans nul doute. Merci de nous en parler. Amitiés à tous les deux
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C
toute guerre engendre bien des malheurs, aucune ne peut réellement se justifier, toutes sont affaires d'"affaires" bien tenantes aux pouvoirs que s'exercent entre elles les puissances inhumaines ... chaque humain ayant à les subir souffre de mille maux que seul l'amour relationnel peut sauver ... mais à quel prix ?<br /> amitié .
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D
la guerre, encore et toujours d'actualité, hélas
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Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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