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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #D'Hier - d'Ici et d'Ailleurs ..., #Patrimoine

Cirer ses chaussures, aujourd'hui, pour bon nombre d'entre-nous, fait partie des gestes oubliés... Modernité oblige, les chaussures les plus courantes, sont souvent typées sport et ne se cirent quasiment jamais sinon se nettoient pour les décrotter en cas d'utilisation en terrain fangeux. Quant aux chaussures d'apparat, on les entretient le plus souvent avec des chiffonnettes ou des « brillettes » qui ont l'avantage de nourrir le cuir en même temps qu'elles le font briller en quelques passages...

Dans nos souvenirs, ceux nous renvoyant 60 ans en arrière, qui, ayant fréquenté les pensionnats de cette époque n'a pas connu la séance rituelle du soir, où, avant d'aller se coucher, il fallait nettoyer, puis cirer ses chaussures ? On devait impérativement les montrer au surveillant qui acquiesçait d'un signe de tête lorsque la paire de chaussures présentée à son examen reluisait franchement ou qui nous demandait de renouveler l'opération si le cuir restait terne ou taché... Il fallait d'abord, s'il y en avait, éliminer la boue avec une éponge humide ou bien avec une brosse à chiendent, puis passer le cirage avec une petite brosse douce appropriée sans trop en tartiner le cuir, attendre quelques instants avant de passer la brosse à reluire par coups brefs et vifs en effleurant toutes les parties externes de la chaussure jusqu'à obtenir la brillance impeccable qui faisait chanter le cuir une fois vos chaussures aux pieds... Le nec-plus-ultra de la brillance s’obtenait en passant un chiffon de laine (une vielle écharpe par exemple) dans un mouvement rythmé de va et vient sur la pointe du soulier ou, par derrière, pour en faire reluire le talon…

 

Oreilles nettes, mains propres, et souliers qui brillent pour ces élèves...

 

A savoir que la corvée de cirage fait partie intégrante du service militaire : brodequins et boutons de guêtre inspectés avec rigueur avant toutes manœuvres d'apparat, doivent étinceler jusqu'à l’éblouissement…

Tout cela est bien loin car, maintenant les cuirs de chaussures sont, pour la plupart, naturellement ternes et, en quelque sorte, autonettoyants si bien que, pour les entretenir, un coup de chiffon si les chaussures sont poussiéreuses, ou d'éponge si elles sont boueuses et l’affaire est faite. Un gain de temps et de gestes sont entrés dans les mœurs de notre époque où tout doit être expédié vite fait...

 

Il n'en fut pas toujours ainsi... cireur de chaussures était, autrefois, un métier à part entière. Certes, un métier de gagne-petit mais un métier indispensable au cours du XIXe siècle et ce, jusqu'au début des années « 20 » du XXe siècle...

Si, à ces époques là, dans les campagnes on portait surtout des sabots que l'on avait donc pas besoin de cirer, dans les bourgs et les villes, les chaussures en cuir ont commencé à se généraliser d'abord pour les plus riches puis pour les petites gens qui, occasionnellement, vinrent à en porter, le dimanche pour aller à la messe mais aussi les jours de fêtes et de foires ou à l’occasion des rassemblements en familles.

On comprendra qu'en raison du coût élevé d'une paire de souliers, de bottines ou même de vulgaires godillots on était nécessairement soigneux avec. L'entretien de ses chaussures était indispensable et donc régulier. C'est un geste de la vie domestique que, dans les maison les plus humbles, l'on apprenait tôt aux enfants. Certes, dans les milieux bourgeois aisés, un valet, ou bien une servante était affecté à cet office... mais pas seulement...

Il faut bien se représenter que les rues et boulevards des cités de ces temps là, n'étaient pas aussi bien aménagées et entretenues que celles de nos bourgs et de nos villes actuelles. Les trottoirs étaient le plus souvent en terre battue ou sablonneux c'est à dire poussiéreux aux beaux jours et boueux lorsqu’il pleuvait. Les voies de circulation même pavées, recevant les eaux usées et de ruissellement, n'étaient guère plus reluisantes... ainsi, parcourir ces artères et venelles au gré de ses déplacements avait pour conséquence de ternir l'éclat des souliers et autres charmantes bottines… c’est pour cette raison, qu’au milieu du XIX siècle, le cireur ambulant fit son apparition.

C’est ainsi que pour se présenter à un lieu de rendez-vous important et qu’il convient d’être présentable, on fait appel à ce cireur des rues. Ceux-ci sont présents un peu partout jusqu’à la première Guerre Mondiale, dans les villes on les trouve aux abords des gares ou dans les quartiers chics pendant l’entre-deux-guerres, avant de disparaître au début à la fin des années « 50 ». Leur travail consiste à gratter la terre sous les semelles, à enlever la boue collée sur toutes les surfaces des chaussures, les brosser, les cirer et enfin les faire briller énergiquement. Il ne leur faut que quelques minutes pour que les souliers des beaux messieurs et des paysans endimanchés, en grande blouse, retrouvent l’éclat du neuf.


 

Il arrive que ces cireurs ambulants soient aussi demandés par les Dames de la haute société afin qu’ils nettoient puis cirent leurs souliers ou leurs bottines à domicile ; une situation bien plus confortables pour ces femmes qui n’ont pas à rester debout pendant ce service.

Du fait qu’il œuvre à genoux, dans les beaux quartiers, le cireur de chaussures représente le symbole même de l’humiliation existant dans le rapport entre travailleur et employeur. Une vision bien intellectuelle qui occulte la notion d’entraide. Le client, notamment dans les gares, n’est pas forcément plus riche que lui. Toute peine méritant salaire, qu’importe la posture, l’essentiel, est bien de « faire bouillir la marmite » !…

 

Ce métier de gagne-misère est souvent pratiqué par les extrêmes, en termes d’âge ; on y rencontre des tout jeunes cireurs autant que des petits vieux qui, en s’agenouillant soumettent leurs articulations à rude épreuve ; cela tient à ce que ce petit artisanat des rues n’exige pas vraiment beaucoup de force, que le temps d’apprentissage est quasi nul et que le matériel pour exercer se réduit à peu d’objets qui ne sont ni coûteux ni encombrants. Il convient d’avoir un petit tabouret de bois sur lequel le client pose son pied, un mobilier tout simple que l’on peut aisément fabriquer soi-même. Les plus habiles se confectionnent une caisse en bois au couvercle incliné qui a le même usage pour le client mais qui permet au cireur d’y ranger tout son petit matériel : grattoirs, brosses, cirages, chiffons. Munie de sangles, cette caisse, qu’il prend en bandoulière, permet au cireur de la transporter aisément au cours de ses déplacements.

Un roman à succès pour les enfants en 1886 « Le petit Lord Fauntleroy » met en scène un petit cireur de chaussures nommé Dick. Il s’associe à un autre adolescent de son âge pour acheter le nécessaire et en vivre. Les deux jeunes se partagent les outils et le temps de travail. Comme quoi même un matériel qui semble rudimentaire peut présenter pour les plus pauvres un achat conséquent…

Il n’y a pas de sots métiers… rien n’est vain, pour qui met toute son âme au service du plus humble talent…

Source : Archives et Cultures - « Métiers d’Autrefois » Marie-Odile Mergnac

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M
Très bel article ! J'aime beaucoup l'évocation de ces métiers oubliés ! Et tes photos anciennes sont sympas ! Je ne crois pas avoir vu dans ma vie une seule fois un cireur de chaussures...en campagne et dans les petites villes chacun les cirait lui- même ! Mais enfant j'adorais cirer mes chaussures et pour les femmes, sauf en été c'est encore un acte que nous faisons souvent sauf pour les tennis évidemment ou les chaussures de rando. Belle journée à tous les deux
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A
Chuis pas certain d'avoir ciré mes chaussures depuis que j'ai quitté le service militaire... ou alors rarement, lorsque mon épouse me faisait une remarque. <br /> Ce qui m'est arrivé il y a encore 3 jours alors qu'elle est venue fêter le déconfinement chez moi... tout compte fait, ça n'a pas du être si rare que ça).<br /> Amitiés.
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M
Bonjour,<br /> Ce n'est pas si vieux, Montand chantait "les cireurs de Broadway" <br /> https://www.youtube.com/watch?v=gs55qFjPh5c <br /> Bon dimanche à toi<br /> Mo
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D
les cireurs dans la rue sont très présents au Mexique, mais avec la covid-19 leur métier connaît des difficultés...<br /> Ils n'ont pas leur pareil pour remettre à neuf une chaussure ayant perdu de la teinture, c'est un métier utile
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C
il y a tant de ces métiers disparus à jamais, qui ne se regrettent pas ... qui ont aidés à survivre les miséreux de la terre mais à quel prix ? je me souviens d'avoir ciré les chaussures de chacun mari et fils tous les matins il y a bien longtemps ! <br /> amitié .
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FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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