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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Des Bergers et des Rois ...

Il m'a fallu plusieurs jours pour m'habituer au rythme journalier puis à celui de la semaine... toute la vie de l'institution était bien circonscrite par le déroulement répétitif des activités de la vie domestique alternant avec celles des apprentissages tenant au travail, le tout ponctué par les coups de cloches invitant autant à leurs cessations qu'à leurs mises en route.

Chaque tranche de temps de la journée en matinée, l'après-midi et en soirée avait son type d'activité, tout était cadré suivant un horaire strict, immuable, invitant à la ponctualité. S'y ajoutait le rituel et la solennité des temps forts tels que le cercle du matin, les paroles avant repas, la prière de fin de journée et la petite fête dominicale.

Cela avait pour moi un effet berçant... en fait, on était pris dans ce mouvement non par la torpeur mais par le côté rassurant où tout était magistralement orchestré. Chacun connaissait sa partition et l'harmonie se réalisait à l'unisson.

Je ne manquais pas de me poser la question : pourquoi en était-il ainsi ? Cela avait bien sa raison d'être, un sens sans doute très important ?... Autour de moi, nul ne se plaignait de cette organisation, de cette rigueur dans la conduite de la vie de chacun, pensionnaires et accompagnateurs. Tous suivaient cette ligne de progression tracée d'avance. Chacun s'inscrivait bien dans cette découpe du temps, au niveau quotidien, hebdomadaire et, j'allais le découvrir par la suite, saisonnier...

Au bout d'une d'une dizaine de jours, j'avais déjà pris mes repères et donc relevé aussi les spécificités de chaque jour de la semaine. Celles-ci étaient repérables avec les menus, les occupations du soir mais aussi, après le coucher des pensionnaires, avec les réunions et les activités culturelles hebdomadaires, impliquant les éducateurs.

Les menus... ils ont une grande importance, la nourriture du corps est comme le pendant de la nourriture de l'âme... cela m'est apparu évident peu de temps après mon arrivée... « Dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es... » Pour les pensionnaires, il y a peu d'aliments carnés et à peine plus pour les éducateurs. A mon grand étonnement je m'y suis vite habitué et n'ai nullement pâti de ce régime quasi végétarien... Les repas sont équilibrés avec la bonne proportion entre féculents, légumes, céréales, laitage, œufs et fruits. Chaque déjeuner comporte une entrée, un plat de résistance et un dessert, chaque dîner une soupe ou un plat gratiné, salade fromage et un dessert. Au trois repas principaux du matin du midi et du soir s'ajoute, entre, les collations. Ce qui fait que chacun ingère une certaine quantité de nourriture variable toutes les deux à trois heures. Personne ne se plaint d'avoir faim. La conséquence de ce régime est qu'elle favorise une bonne digestion ce qui est bienvenu pour certain organisme plus sensibles et fragiles de certains résidents et surtout une pondération bienvenue pour le maintien du poids de certains autres comme les trisomiques qui ont tous une fâcheuse tendance à l'embonpoint. S'agissant de ma tonicité j'ai constaté qu'elle n'était nullement défaillante et je dois convenir que je me trouvais bien dans ma peau, en parfaite santé. Bien sûr, d'une saison à l'autre l'établissement des menus variait en fonction de ce qui était produit sur le marché et présenté par nos fournisseurs comme légumes et fruits autant par ce qui a été récolté par la suite dans le potager du Centre. J'ai appris à manger de tout : maïs (polenta) blé, lentilles, riz, céréales ou légumineuses associées à des blettes (ou cardons), des épinards, du choux-fleur, des carottes, des pommes de terre, des courges, des courgettes, des tomates, des céleris en branche, des salsifis, des choux de Bruxelles, des brocolis, du fenouil avec en entrée les rituelles crudités : radis, céleris rave, carottes, betteraves, concombres, cœurs de palmier, etc. Ces ingrédients bien préparés et présentés étaient aussi appétissants que bons en bouche. Pour accompagner ces aliments, déjà, à cette époque, il était proposé, outre les traditionnelles baguettes de pain blanc, du pain de campagne bio et du pain complet. Le dimanche s'ajoutait, au repas de midi et demi, soit de la volaille, soit du rôti de bœuf ou de porc. Il y avait cette singularité du dîner du vendredi où était proposé une sorte de petit-déjeuner du soir : grand bol de malt avec viennoiseries et tartines de beurre et confiture pour les pensionnaires, grand bol de café pour les éducateurs qui, en outre, avaient une sorte de hot-dog constitué d'une paire de saucisses de Francfort, fourré dans un petit pain brioché. Dans le panel des menus, ces autres grands classiques et singularités : les pâtes aux œufs et gratinées du dîner du lundi, les carottes sautées et le blé germé sauce tomate du déjeuner du mardi, les endives au jambon et riz pilaf du mercredi midi, la polenta et œufs sur le plats du jeudi soir, les frites et filet de merlan du vendredi midi, les épinards, pommes de terre et œufs durs du samedi midi... les bettes gratinés et tomates provençales du samedi soir...

 

Si le rythme de la journée était régulièrement ponctué par les coups de cloches, celui de la semaine se marquait surtout par les activités du soir avant le coucher pour les pensionnaires et après, pour les éducateurs. Pour ces derniers, cela constituait de longues journées surtout les trois premiers jours de la semaine du fait que le lundi soir, à 21H30, nous avions la réunion d'organisation suivi d'une synthèse exposant le bilan évolutif d'un pensionnaire. Nous ressortions de cette réunion le plus souvent après minuit. Le mardi soir, nous avions un cours d'Eurythmie* et d'art de la parole, qui durait une bonne heure et demi. Les mercredi soir des mois de novembre et décembre étaient, eux, consacrés aux répétitions de Jeux de Noël*.

Pour les pensionnaires, après le dîner du jeudi, la veillée était vouée aux jeux collectifs animés par les éducateurs. Au cours de celle du samedi soir, Madame Colette D. racontait une histoire souvent tirée des légendes traditionnelles celtes ou des récits bibliques. Ce n'était pas de la lecture mais un récit oralement transmis dans les règle de l'art, porté par les nuances de tons appropriées, dans la voix et dans le vécu intérieur, complété par un sens parfaitement maîtrisé du suspens, de la part de la conteuse sachant captiver son auditoire. Pour la veillée du dimanche soir, Colette D. se mettait au piano pour interpréter, sonates, fugues, préludes, danses et moult autres pièces classiques des plus grands compositeurs  : Bach, Haendel, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt, Brahms, Schuman, Debussy... je me souviens que nombreux étaient ceux qui, à chacune de ces soirées concert, réclamaient : « la Marche turque » de Mozart. Je revois Jean-François M. battre la mesure avec entrain …

En conséquence, au cours de ces premiers jours du mois de novembre c'est surtout lors de la veillée du vendredi soir que nous avancions le plus dans la confection des lanternes pour la promenade nocturne de la Saint-Martin.

 

Et ce soir là, le 11 de ce onzième mois de l'année arriva.

 

Suite : La promenade nocturne de la Saint-Martin...

 

Notes :

*Eurythmie : art où la parole devient mouvement.

* Jeux de Noël : http://www.mirebalais.net/article-5147383.html

"Le petit concert du Dimanche soir" d'après le dessin d'un résident.

"Le petit concert du Dimanche soir" d'après le dessin d'un résident.

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R
Il me semble que ces moments de la journée devaient correspondre à un objectif de "cadrage" pour les jeunes patients qui sans ce cadre auraient été désorientés ! (Désolée je viens seulement de voir ta réponse complète à Francis, tant pis, je laisse la mienne comme elle était...)
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F
Une vie faite pour favoriser l'équilibre et que je ne peux qu'approuver. Nous devrions tous être exigeants en tout et favoriser un rythme de vie qui puisse convenir à notre santé mentale et physique
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F
Bonjour Francis, c'est cela même : nous partions du principe que nos pensionnaires avaient besoin d'un rythme de vie adapté à leur situation en phase avec leur destin particulier et non le contraire les "obliger" à s'adapter à notre vie moderne trépidante comme cela se fait maintenant dans de nombreuses institutions où structures d'accueil spécialisées. En tant qu'éducateur,accompagnateur, toujours nous poser cette question : ce que j'estime et crois bon pour moi est-ce forcément bon pour eux ?... A savoir qu'au début de l'existence du Centre, nous avions des résidents encore adolescents et trois adultes de plus de 20 ans. Le but était de les accueillir à vie. 50 ans plus tard , un bon nombre d'entre eux sont encore présents, d'autres, hélas décédés où orientés sur des établissement plus adaptés à une évolution dégénérative nécessitant une prise en charge gériatrique ou psychiatrique.
D
pour les éducateurs c'est quand même très pesant...longues journées
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F
A l'époque on était loin des 35 heures et même des 40 heures par semaine.<br /> Tout est question d’ambiance... Celle-ci était excellente.<br /> La motivation auto-renouvelable... grâce à l'entraide, la bonne humeur et l'envie de se dépasser dans accomplissement des tâches les plus humbles ou les plus gratifiantes... <br /> Un entrainement par osmose, tenant au "miraculeux" de notre quotidien...
M
c'est un peu à la manière dont je conçois l'éducation d'enfants au sein d'une famille, avec des repaires qui aident bien plus qu'on ne croit à fixer la vie ...des heures fixes où chacun sait ce qu'il doit faire, et tout se faisant en solidarité concertée tout en prenant le temps de "vivre" nous en sommes si loin de nos jours ... et l'on s'étonne que plus rien ne va ... là serait peut-être une des solutions sans retourner en arrière réaccommoder le temps du temps ... <br /> amitié de Belgique .
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H
C'est vrai pour les tomates farcies et les extras à Rouen mais il y avait les extras à Deauville avec l'anglia et son chauffage moderne.
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C
Les repas rythment toujours la journée rien n'achangé,les menus certes frugaux étaient plus équilibrés que ceuxd'aujourd'hui.<br /> J'aime vous lire retraçant vos "jeunes années".....continuer.Amitiés.Christiane
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H
Je pense à ces petits compléments nutritionnels après le cinéma à Rouen comme la choucroute ou la mousse au chocolat. Amicalement
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F
Oui mais ça Jean c'était les extra des "éducs" en sortie après le travail, à pas d'heure... ce qui nous valait de nous retrouver à la brasserie "Le Gentil" Place du Vieux Marché à Rouen...<br /> Te souviens-tu des tomates-farcies et riz pilaf du samedi midi, à la belle saison ... C'était à qui en mangerait le plus entre toi et moi ... et là, je crois bien que tu remportais souvent le défi... lol

Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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