Réédition d'un article initialement publié le 05/11/2018 à 01:01
Dans le cadre du centenaire de la radio (TSF : Transmission Sans Fil = sur les ondes... ) et des 40 ans de la création des Radios libres...
Souvenirs d'éducateurs potaches...
Mi novembre 1965, cela fait deux semaines que j'ai intégré ma fonction d'éducateur à Saint-Martin et ne me posant plus trop de questions sur les rituels de l'institution, je me suis vite adapté au rythme quotidien et semainier en vigueur dans ce lieu de vie communautaire, caractérisé par l'ambiance plutôt familiale qui y règne.
Par contre, au niveau hébergement, sans que j'en connaisse toutes les raisons, cela fait déjà quatre chambres de suite que l'on m'a assignées. De ma chambre violette, je me suis retrouvé d'abord dans une grande pièce vide de l'aile nord du pavillon Saint-Christophe où sont aussi logés les pensionnaires garçons puis, une semaine plus tard, ayant semble-t-il besoin de places pour de nouveaux arrivants, pensionnaires et un nouvel éducateur, on m'a affecté une chambre au deuxième étage du château. Heureusement, ces déménagements successifs ne sont pas trop laborieux, mon bagage et équipement n'étant, à cette époque, encore pas volumineux. Enfin, mi décembre j'intègre une nouvelle piaule au premier étage de la loge, à l'entrée du Centre, juste au-dessus de la lingerie. J'y resterai environ une année, rejoint quelques jours plus tard par Jean-Claude, logé dans une pièce mansardée attenante au bâtiment juste au dessus de la chaufferie et d'un petit hangar cellier donnant sur le grand jardin. A la rentrée de janvier, les 3 résidents les plus âgés et déjà adultes : Patrick, Marc et Pierre, sont logés dans la grande chambre à côté de la mienne. Nous allons vivre là des moments inoubliables tant par nos joyeux et créatifs instants de retrouvailles du soir après le travail, entre jeunes éducateurs, que par la cohabitation parfois épique et mouvementée avec les trois compagnons de la chambre voisine.
Les changements de chambres sont aussi accompagnés de changements des tâches journalières et moi qui ne me perçois pas comme manuel, je vais devoir m'initier à pas mal d'activités de ce type et m'habituer à manier toutes sortes d'outils... au moins c'est varié ! Il faut dire que le Centre qui n'est ouvert que depuis 6 mois est encore en travaux pour créer de nouveaux locaux d'habitations mais aussi d'activités. D'ailleurs ce sont plusieurs entreprises qui interviennent successivement sur la propriété pour aménager ces pièces de vie, des ateliers et une salle des fêtes dans l'unité pavillonnaire où j'avais logé la première nuit et qui prendra le Nom de pavillon "Saint-Martin" à l'automne 1968. Le maçon Monsieur V. vient par périodes cycliques, sur son chantier pour monter des murs, des cloisons ou recrépir des façades. Puis, certains jours, se succèdent Monsieur. J. peintre en bâtiment, le plombier chauffagiste de l'entreprise R., le couvreur, Monsieur C. chacun, avec leurs ouvriers et apprentis. Cela fait pas mal de monde attisant la curiosité de nos compagnons qui, nullement sauvages, aiment bien faire causette avec certains d'entre eux, et s’ébahir devant un monte-charge ou une bétonnière...
J'intègre un groupe de piqueurs d’enduits, qui dans l'ancienne écurie, future salle des fêtes, a pour mission de mettre a nu les murs intérieurs jusqu'à faire apparaître l'appareillage en briques dont on gratte aussi les joints. Nous démolissons aussi à coups de masses les parties maçonnés des stalles, récupérant le maximum de briques qu'ensuite, les grattant vigoureusement au "chemin de fer", nous débarrassons du salpêtre afin qu'elles soient réutilisées. Un sacré boulot qui nous couvre de poussière blanche de la tête au pied.
L'autre gros chantier entrepris par ces pros et quelques de nos compagnons dirigés par des éducateurs se tient à l'orangerie dont la transformation doit constituer trois nouveaux ateliers. Là aussi est constituée une équipe de gratteur de briques …
Ce n'est pas tout, il y a aussi une dizaine de pensionnaires qui essartent dans l'ancien étang, le but étant de le restaurer. A cette époque, étant à sec depuis belle lurette, il est envahi par une végétation luxuriante constituée d'arbrisseaux, de ronces et de toutes sorte de broussailles. Dégageant les plantes parasites, on découvre aussi des monticules d'ordures, ce lieu ayant donc servi de décharge. C'est à coups haches, de crocs, de pioches, de râteaux et de pelles, que petit à petit, on découvre les bordures du bassin puis celle d'une île, en son centre. La partie maçonnée est est triste état, l'enduit ayant disparu en de nombreux endroits tandis qu'à d'autres, ce sont les pierres qui se délitent... Il se passera beaucoup de temps avant qu'on puisse, à nouveau, remettre de l'eau dans cet étang !... En fait, cela ne se réalisera jamais mais les lieux auront au moins retrouvé une allure plus accueillante.
Ballotté d'un chantier à l'autre au fil des jours, je découvre à mon insu les affres mais aussi les satisfactions tenant à ce travail manuel, n'excluant pas celui d'accompagnateur animateur auprès des résidents qu'il faut diligenter, la mise au travail n'étant pas chose évidente pour tous, ni l'apprentissage des bons gestes et du bon maniement des divers outils. Ampoules aux mains, courbatures ponctuelles, mais aussi ravissement de voir les travaux progresser dans le bon sens, c'est, au-delà des petits bobos et de la gène physique qui en résulte, bien du plaisir que je prends à travailler ainsi en équipe.
En voilà de la bonne fatigue ! Cela a aussi pour effet de créer des liens amicaux avec mes jeunes collègues éducateurs et, après une bonne journée de labeur, nos pioupious étant couchés, à partir de 21H45, nous nous retrouvons dans la chambre de l'un ou de l'autre pour, autour d'un café, passer un moment de détente agréable et bienvenu. Dans un premier temps, ce sont de longues conversations qui nous animent. Nos projets d’avenir bien sûr, mais bien vite, c'est une dithyrambique idée de voyage qu'on pourrait faire à trois : Jean-Claude, Alain et moi, d'ici une année, étant sponsorisé par une grande marque d'automobile, qui nous saisit et exalte. Faire un tour du monde avec reportage en directe... rien que ça !... Une jeunesse qui rêve en faisant des projets fous, c'est une jeunesse qui s'accomplit. Ce projet nous prend la tête une bonne quinzaine de jours mais, chacun, au fond de soi, sait parfaitement qu'un tel voyage est irréalisable, exigeant d'abord une :mise de fonds considérable, puis un entraînement et une préparation et donc de l'argent, de la disponibilité et de la crédibilité que nous n'avons nullement. Mais lors de ces soirées entre jeunes éducateurs, chacun a déjà bien voyagé dans sa tête. Ces conversations et rêveries, nous conduisent le plus souvent au-delà de minuit. Il est assez fréquent que nous nous couchions à une heure du matin... Dur dur alors, est le réveil pour prendre son service dès 6H45, et effectuer le lever des pensionnaires. Il y eut bien quelques pannes d'oreillers et heureusement, à chaque fois un gentil collègue est venu à temps pour vous tirer des miasmes du sommeil... Je me souviens aussi que certaines fois, ce fut le patron, en personne, qui est venu me sonner le réveil... vous dire combien on se trouve vraiment « péteux » dans la situation !... L'éducateur doit donner l'exemple et donc être présent au bon endroit au bon moment … Mouais … ça s'apprend aussi cela…
De ces soirées entre jeunes éducateurs, il y en eut de truculentes... Lors de mon séjour à la « Maison d'Enfants » de Montfort-L'Amaury, j'avais acheté à Bernard E. un magnétophone à bandes un "Grundig" portatif et j'avais enregistré pas mal d'historiettes, de blagues bien salées et de chansons paillardes ; toute une culture de "corps de garde" pour soudards et étudiants bavochards... des compositions que je ne manquais pas de faire écouter dès les premiers soirs, à mes nouveaux amis. Bien sûr, ça nous faisait rire mais bientôt nous nous sommes rendus compte, qu'avec un tel outil, on pouvait faire bien mieux que ça... et c'est un studio d'enregistrement de station de radio imaginaire que nous avons alors créé pour égayer nos soirées.
« Ici Radio Saint-Martin, la station qui fait chanter et danser les lutins ! » l’inspiration nous est vite venue, débridée, affolante, hilarante : Flash d'infos revisitées, pubs truculentes sur des produits et articles en tous genres, émissions policières à la Zappy Max mais en bien plus déjantée, le tout accompagné de musiques de disques 45 tours (microsillons) ou captées à la radio et des bruitages appropriés les plus singuliers et désopilants... Cela se passait dans ma chambre de la loge d'entrée et ce, avant que les trois compagnons adultes mentionnés plus haut, n'y résident. Étant éloigné des autres locaux de vie, on en profitait ardemment, ne craignant pas de faire du tapage. Nous rédigions préalablement la programmation de ces émissions : journal, publicité, écrivions moult scénarios aux dénouement fantasques et improbables. C’était du vrai délire, et, il faut le dire, un sacré défouloir. De telles soirées pouvaient se prolonger jusqu'au petit jour et nous ont valu de passer pas mal de nuits blanches... Gueules pas fraîches au matin, nous allions quand même au turbin... hélas, avec le temps, ces enregistrements d'émissions loufoques ont disparu sans doute en même temps que le magnétophone oublié dans quelques greniers … toute une époque !
RSM ! RSM ! RSM ! (Trois fois trois notes d'horloge comtoise) Ici Radio Saint Martin la station qui fait chanter et danser les lutins !
Chers auditeurs il est 21H, nos trois animateurs chroniqueurs et reporters favoris : Alain Bequiaud, Jean-Claude Tretencour et, Patrice Lucdemy vous souhaitent la bienvenue sur nos ondes pour passer ensemble le meilleur de nos émissions de nuit !
Pub :
Bruit de chasse d'eau
Maux de têtes impromptus, vite ! ayez le bon réflexe, prenez un comprimé d'aspirhone des bouches d'urine.
Bruit de chasse d'eau
Avec Omo, en toutes occasions, rester parfaitement blanc, vous évitera les savons du patron.
Bruit de chasse d'eau
Dubo dubon Dubonnet l’apéritif des gros bonnets à déguster exclusivement dans le soutien gorge de votre secrétaire
Claquement de gifles... Aïe !
Et maintenant les infos de RSM (Trois notes d'horloge comtoise)
Ce matin, à 5 heure, un individu en armure est entré par effraction aux Galeries Lafaillette. S'étant dirigé au rayon parfumerie, il s'est vidé 7 flacons de « Nana Racis » dans le bassinet. Aux forces de l'ordre venus l'arrêter, pour justifier son geste il a répondu que son employeur l'ayant pris en odeur de sainteté, il voulait se tenir au parfum des décisions prise à son encontre et, en légitime résistance, contre toutes tentatives d'exclusion.
Le président Machi Kouli du Congo luxembourgeois a décrété que la culture des salsifis devra désormais remplacer celle des bananes tout au long du fleuve Isékoulempé
Madame Odile Moishouvan, secrétaire d'état auprès du ministre du temps présent Éric Herac veut rendre obligatoire le port du porte-jarretelle pour tous les mannequins présentant les articles de lingerie lors des défilés de mode. « Trop de bas qui tombent » a-t-elle commenté... ce à quoi, son ministre de tutelle a répondu qu'il est aussi urgent de rendre obligatoire la vérification des élastiques des petites culottes, risquant d'augmenter le nombre de chutes en pleine rue...
« Voilà bien une politique nous imposant de serrer toujours plus la ceinture sur nos acquis, s'inspirant du haut du bas pour imposer la bonne tenue de ses principes rétrogrades»... a fait remarquer M Georges Seki secrétaire général de la CGT, syndicat des Culottés Gênés au Travail
Série de hennissements...
Et maintenant le résultats sportif le plus surprenant de la soirée : En 8ème de finale de la Coupe de France, l'équipe de Montzy-sur-Laypier, en division d'honneur a vaincu les champions de France de première division, en titre : les Tirebouchons de Reims par 4 à 0. Un exploit dû, en grande partie, au gardien de but des Rémois Léssélé Pacé qui parait-il souffrait d'une atonie des muscles fessiers en même temps que d'une crampe douloureuse dans le mollet droit et de l'obstruction de la vision de l’œil gauche à cause d'un moucheron baladeur...
Sept coups de gong …
Chers auditeurs de notre bienveillante station, voici l'heure de de votre feuilleton policier préféré : « Les enquêtes du commissaire Lataille »
3 premières notes 4 fois répétées de la symphonie N° 5 de Beethoven...
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Alors Dugenoux (c'est moi) t'avoues ! Qui a volé l'orange hein ! Hurle le commissaire Lataille (Jean-Claude)
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C'est pas moi (dis-je piteusement ébloui par le flot de lumière de ma lampe de bureau braquée dans mes yeux... ils n'y vont pas de main morte les copains !...)
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C'est pas toi, c'est pas toi, tu t'fous d'not gueule, nous on sait qu'c'est toi qui a volé l'orange, me crie dans les esgourdes l'inspecteur Henri Jamet (Alain), ne manquant pas de m'agiter la tête en me tenant par les tifs.
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Mais j'vous dis qu'y suis pour rien, j'comprends rien à votre histoire...
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Et là tu comprends pas mieux (Claque magistrale du petit inspecteur - entre ses mains, mais près de mon visage - )
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Aïe ! … Mais ça va pas non ! C'est pas moi qui ai volé leur ange... là !
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Leur ange ! Mais y s'fout d'nous, tempête Lataille hors de lui, me prenant au colbac : l'ORANGE, t'a piqué l'ORANGE du marchand, Ducon !... Avoue !
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Mais pourquoi j'aurai volé une orange, d'abord j'aime pas ça, les oranges, je préfère les pommes ou les poires...
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C'est nous que tu prends pour des poires hein ! s'emporte le petit inspecteur surexcité et il me refile une baigne...
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Aïe ! Vous êtes cons non ! Z'avez pas le droit de m'tabasser comme ça bande d'abrutis d'poulets privés du moindre grain de finesse... Les deux flics me regardent l'air ahuri...
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Colle le au trou Henri, on va le tenir au chaud l'injurieux de service et d'ici demain il nous avouera tout et nous livrera même le nom de son marchand de caleçons
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C'est pas moi sales cons ! C'est pas moi ! m'époumone-je.
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Il a volé, a volé, a volé l'orange du marchand ! chantent en cœur les deux flics sur l'air de la dernière chanson de Gilbert Bécaud mettant en fin à cet épisode .
Sept coups de gong …
Rendez-vous demain soir çà 22H, pour connaître la suite de cette enquête mouvementée dans le 785ème épisode de notre feuilleton.
RSM ! RSM ! RSM !* (Trois fois trois notes d'horloge comtoise) Ici Radio Saint Martin la station qui fait chanter et danser les lutins !
Les TROIS, pas forcément mousquetaires, n'étant fines épées, mais disciples assidus de la franche déconnade créatrice et récréative, ne manquions aucune occasion de jouer les amuseurs publics vis-à-vis des autres collègues et de nos patrons. Ainsi, pour la Sainte Catherine du 25 Novembre, notre éducatrice chef, Ursula F ayant passé les 25 ans, étant encore célibataire, nous n'avons nullement omis de lui préparer une belle fête à laquelle elle fut conviée avec tous les collègues et les dirigeants de l'institution. Ils allaient voir ce que nous étions capables de produire en temps qu'organisateur et prestataires de festivités avec le déferlement adéquat d'animations humoristiques ! Si la confection du chapeau de catherinette nous l'avons laissée à l'initiative des éducatrices, le déroulement de cette soirée festive nous l'avons pris en charge de A à Z, monopolisant les cuisines, la grande salle à manger du château et récupérant un maximum d'objets ornementaux : guirlande, et cotillons mais aussi nombre d'objets insolites, obsolètes et ringardisant. D'abord déguisé en personnages de couleurs, notre trio comportait le papa, (Alain) la maman (Jean-Claude) et bébé (moi)… Ainsi grimés figure, bras et mains intensément noircis au fond de teint le plus sombre, attifés avec des vêtements de la belle époque mais aux couleurs vives, nous avons réalisé des montagnes de gâteaux, des pyramides de crêpes ne manquant pas de graisser et d'huiler par trop la cuisine au grand dam de Marie M. la maîtresse des lieux en journée qui eut à la récurer de fond en comble le lendemain.
A 22h30, toute l'équipe éducative, autour d'Ursula, reine de la soirée, est rassemblée dans la grande salle à manger. Pour patienter tous admirent les nombreux plats de victuailles et friandises ne manquant pas de commenter en attendant les maîtres de cérémonie...
Et justement les voilà dans un joyeux concert de grincements de roues, de braillements incessants et d'exclamations abasourdissantes, agitant clochettes et crécelles. La famille Suthou-Moazipalha* au complet : papa, maman et bébé dans un vieux landau couinant à chaque bond du gros poupon farceur qui rit, qui geint, qui pleure, qui gazouille et pêtouille en cascade...
Mines ahuris des invités puis formidables éclats de rire, la fête peut commencer !
Notes : * c'est ainsi que l'on se présente.