Publié le
par
Farfadet 86
Réédition d'un article publié pour la première fois le 6/01/2007
Entre Rois et Bergers …
Nous sommes encore dans cette période de Noël qui s’étend entre le 25 décembre et le 6 janvier jour de l’Epiphanie, période ponctuée par les 12 nuits saintes …
C’est pour répondre à des lecteurs et lectrices de ce blog, me demandant à quoi correspondent les photos illustrant les poèmes : « Des bergers » « Et des Rois » que j’édite donc maintenant cet article…
Je me souviendrai toujours, cette fin d’après-midi du Samedi 30 octobre 1965, de cette première entrevue, juste avant mon embauche, avec M. G.D. fondateur et directeur du Centre Saint Martin de 1965 à 1992 :
- Vous pratiquez une religion ?...
- ??? ….. moi, une religion … non monsieur je suis athée… (disons que cela faisait partie de mes non convictions religieuses du moment bien qu’ayant été élevé dans la foi chrétienne plus par les Pères (ou Frères) que par Père et Mère…)
- C’est bien vous ferez un bon berger …
- ????
Quelques jours plus tard j’allais comprendre ce que M. G.D. entendait par faire un bon berger…
En effet, le mercredi soir suivant mon arrivée, après avoir fait le coucher de nos pensionnaires, nous nous réunissions, toute l’équipe éducative pour participer à la première répétition des « Jeux de Noël » dont j’avais déjà entendu parler comme se devant être l’événement exceptionnel et cela de la bouche de certains de nos résidents qui, eux, connaissaient bien cela, venant d’institutions suisses … Pour moi ces « Jeux de Noël » évoquaient des réjouissances pour fêter Noël tout simplement… on allait sans doute monter des petits sketchs ou quelques farces, façon Maître Patelin… Je n’allais pas être déçu…
En fait, il s’agissait de jeux remontant au moyen âge s’inspirant de l’Annonciation, de la Nativité de et de l’Adoration des bergers, tels qu’ils se jouaient dans les églises pour représenter la venue au monde du Messie … On nous remit les textes… les trois jeunes éducateurs que nous étions s’étant vu attribuer d’office les rôles de bergers… Alain ferait Guillot le plus jeune, Jean-Claude ferait Sylvain le plus vieux et moi, Gallus, l’entre deux âges, le plus râleur des trois …La première répétition consista en une séance de lecture du texte … Nous avions pour mission de savoir nos rôles par cœur pour la prochaine répétition, le mercredi suivant …Aujourd’hui, cela peut surprendre cette façon de procéder ne prenant pas en compte notre avis Tant pour notre participation à ces jeux, que pour le choix d’un rôle … Il est vrai que, présenté ainsi, cela était vraiment, très directif… Disons qu’on pouvait, en insistant, refuser de participer … En fait personne ne manifestait d’opposition ni un quelconque mécontentement et surtout l’ambiance des répétitions était franchement très chaleureuse. Cela se passait dans la bonne humeur et la jovialité. En outre ces Jeux de Noël comportaient, entre chaque scène ou tableau, des chants magnifiques accompagnés au piano par Mme C. D. l’épouse du directeur…
Le côté religieux de cette mise en scène n’était pas occulté mais au contraire magnifié par la sobriété du texte versifié, la grâce solennelle de l’ange Gabriel, la douceur maternelle de Marie , l’assurance paisible du vieux Joseph et le jeu bon enfant des trois bergers…
Le jour de la représentation aux résidents, un à deux jours avant le départ des vacances de Noël, c’était vraiment la grande liesse… Nous prenions un réel plaisir à jouer par devant eux, Ils restaient sous le charme, émerveillés et leurs rires fusaient spontanément pendant les ébats des bergers …
Chaque fin d’année, juste après la Toussaint nous reprenions les répétitions de ces jeux de Noël et chaque année autour du 20 au 23 Décembre nous jouions ces jeux pour nos résidents qui attendaient l’événement avec impatience … Jamais, ils ne s’en sont lassés …
En 1971 s’étant inspiré
de ces jeux, Mme C.D. écrivit un texte avec musique et chants, adapté pour être interprété par les résidents. Elle y greffait l’adoration des rois et celles des santons, ce qui permettait de faire participer tous les pensionnaires lesquels, pouvaient être jusqu’à 60 sur scène. Ce Jeu de Noël ils le présentaient à leurs familles, aux amis du Centre et aux personnes de la localité … A chaque fois, c’était une magnificence, un grand moment d’intense émotion…
de ces jeux, Mme C.D. écrivit un texte avec musique et chants, adapté pour être interprété par les résidents. Elle y greffait l’adoration des rois et celles des santons, ce qui permettait de faire participer tous les pensionnaires lesquels, pouvaient être jusqu’à 60 sur scène. Ce Jeu de Noël ils le présentaient à leurs familles, aux amis du Centre et aux personnes de la localité … A chaque fois, c’était une magnificence, un grand moment d’intense émotion…Tous les costumes et accessoires furent confectionnés au Centre, dans les ateliers couture, menuiserie et au cours des activités manuelles en foyer. L’accompagnement des résidents, pour leur prestation, réunissait toute l’équipe éducative, pendant les deux mois et demi de répétition et, au moment de la représentation, pour l’habillage, le maquillage, la logistique scénique, les jeux de lumières…
Ces jeux des éducateurs et des résidents se sont donnés, à chaque période de Noël pendant 36 ans … En 2000, un conflit social entraînant un changement de direction a aussi éradiqué cette tradition des jeux de Noël…
J’en conserve un souvenir inaltérable qui dépasse de loin ce que l’on désigne par foi… Que l’on soit chrétien ou pas, on ne pouvait être que profondément touché par ces jeux et particulièrement par la ferveur et la joie qu’y mettaient les résidents … A chacune de leur prestation nous connaissions un véritable moment de grâce …
Historique de ces Jeux de Noël
Dans l’héritage des représentations scéniques de l’antiquité, les drames mystères prennent leur place à partir du VIIIième et IXième siècle de notre ère puisant leur inspiration aux sources du christianisme en mettant sur scène la Nativité et la Passion de Jésus Christ. Ces représentations deviennent jeux, n’étant plus appuyées par un texte lu sur des tableaux d’acteurs en mouvements mais rendu bien plus vivant par des paroles sortant de la bouche même des acteurs… Au XIIième , va être créé un jeu d’Adam en langue vulgaire (en vieux français) La Passion d’Arnoult Greban œuvre de 45000 vers met en scène plus de 100 personnages et sa représentation se déroule sur plusieurs jours
Ayant en partie échappé à l’église c’est au moment où se cristallise la lutte contre le protestantisme naissant, suscité par un regain de ferveur catholique que ces drames vont connaître leur apogée grâce à Clément Marot et Marguerite de Valois reine de Navarre qui écrit une Adoration des Rois, et dont le texte est parvenu jusqu’à nous…
La Renaissance s’inspirant de sujets plus profane va éclipser ces drames mystères et le théâtre populaire va délaisser ces sujets trop bibliques …
Passés aux oubliettes ces jeux vont réapparaître sous l’impulsion de Rudolf Steiner (1
862 -1925) fo
ndateur du courant Anthroposophique ; Homme de sciences philosophe et grand mécène rénovateur de genre artistique et plus particulièrement les arts scéniques. Il va redécouvrir ces jeux conservés dans leur « jus » traditionnel et joué en vieux dialecte autrichien à Oberufer village sur le bord du Danube dans la région Nord Ouest de la Hongrie …
862 -1925) fondateur du courant Anthroposophique ; Homme de sciences philosophe et grand mécène rénovateur de genre artistique et plus particulièrement les arts scéniques. Il va redécouvrir ces jeux conservés dans leur « jus » traditionnel et joué en vieux dialecte autrichien à Oberufer village sur le bord du Danube dans la région Nord Ouest de la Hongrie …C’est à Eugène Witta (Architecte de nationalité Suisse) que nous devons l’adaptation française de ces jeux …
Depuis, ces « Jeux » ont donc été produits dans certaines institutions d’inspiration anthroposophique en Allemagne, en Suisse et en France
L’intérêt tient surtout à ce que ce soit des acteurs non professionnels qui participent à ces Jeux. Autrefois dans les villages, les volontaires issus de la population prenaient un grand plaisir à intégrer ces personnages bibliques, animés par cet éternel et merveilleux esprit de Noël …
Le côté « magique » de ces jeux nous permettait de porter toutes les impulsions créatrices et thérapeutiques indispensables pour parcourir l’année à venir …
Nos quatre dernières années de carrière sans ces jeux, en point d’orgue, nous ont montré le bien fondé de cette curieuse évidence énoncée ci-dessus…
Au-delà de toute foi ou conviction religieuse, Noël, fête universelle a ce don d’apporter un grand apaisement au fond des cœurs humain et cela, sur toute la surface de la terre … Un seul instant, à la contemplation de la flamme frémissante d’une simple bougie, la lumière se fait en nous nous révélant le sens merveilleux de cette fête…
Il me reste cette vérité énoncée par le neuropsychiatre qui suivait l’évolution et la santé des résidents de notre institution :
Educateurs, à chaque fois que vous êtes sur le point d’agir, posez-vous cette questions : « Ce que je propose maintenant à la personne que j’accompagne et que je veux faire progresser, est-ce que ça l’abaisse ou est-ce que ça l’élève pour accéder au niveau de sa dignité humaine ? »
Chaque année voyant nos résidents s’agenouiller, se prosterner et saluer ce berceau « vide » avec l’émerveillement et une authentique vénération, je savais qu’ils s’élevaient vraiment au rang de leur digne et respectable humanité …
Farfadet
Diaporama : Le Jeu de Noël des Compagnons de Saint-Martin : Le Maître chanteur - Annonciation - Voyage à Bethléem - Aubergistes - Nativité - Les Bergers, les Santons et les Rois...
Croyants, athées, agnostiques, libres-penseurs, qu'importe !...
La Fête de Noël a ceci d'universel qu'elle fait se rassembler les êtres humains autour
des thèmes éternels que sont : Paix, Amour, Lumière ...
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