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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Des Bergers et des Rois ...

À 21 H 30, toute la communauté est rassemblée devant le château, même s'il ne gèle pas, le froid se fait sentir à cause de l'humidité qui remonte du sol et des coups de vent sporadiques qui font vaciller les petites flammes des premières lanternes allumées. Les pensionnaires sont bien couverts, emmitouflés dans leurs doudounes ou parkas et leurs pantalons de survêtements sous lesquels on a fait mettre les caleçons longs aux garçons et les collants en laine aux filles. Aux pieds, des grosses chaussettes et des brodequins ou des bottes fourrées en cuir, sur la tête des chauds bonnets ou des passe-montagne, autour du cou de bonnes écharpes en laine ; tous, ainsi chaudement équipés, sont prêts pour la promenade nocturne.

Moment de silence, Madame D. debout sur la plus haute marche du perron, fait un bref rappel du récit du partage du manteau de Saint Martin, qu'elle a conté à la veillée du samedi. Aussitôt après, on forme des groupes en fonction des aptitudes à marcher des résidents répartis alors sur trois parcours : le grand, circonscrivant toute la propriété, le moyen, utilisant les allées internes passant par le rond-point et le petit, passant par l'allée des tilleuls à l'Ouest et retour par la prairie devant la château.

Avec Barthelemy C, Jean-Claude T, je me trouve à accompagner le groupe des bons marcheurs. Avant de partir dans la nuit martinienne, nous distribuons à chaque résident, les lanternes pendues à l'extrémité d'une hampe, bâton ou cane. L'ambiance est féerique avec toutes ces loupiotes dont la lumière est fournie par les flammes de tronçons de grosses bougies rouges. Les accompagnateurs, eux, disposent de torches et sont en outre, équipés de lampes électriques au cas où un coup de vent viendrait à éteindre la plupart des lanternes. Pas question de perdre nos pioupious dans la propriété. Barthélémy prend la tête du groupe, je me place au milieu et, Jean-Claude, en queue, assure le bon suivi de la troupe.

On se dirige vers la charmille Est ; une fois dessus, c'est merveille de voir la procession lumineuse de notre file qui s'étire sur une trentaine de mètres... Nous éprouvons aussi l'agréable sensation à progresser en brassant les amas de feuilles mortes qui jonchent le sol. S'en dégage le bruit de froissement, un froufroutement sensuel renouvelé à chaque pas hésitants car il faut veiller à ne pas trébucher à cause des quelques racines saillantes traversant le sentier haut. À l'arrière, Jean-Claude entonne un premier chant de Saint-Martin que tous reprennent en cœur pour rythmer notre avancée au cœur de la nuit, sous le couvert du bois frissonnant.

 

Je marche avec ma lanterne,

Je marche avec ma lanterne,

Ma lanterne marche avec moi.

Au ciel brillent les étoiles,

Et moi je brille ici bas.

Tout est fini, rentrons sans bruit,

Ladigue, Ladigue, Ladon !

Chante le coq,

Miaule le chat,

Ladigue, ladigue, ladon !

 

et...

 

Trotte, trotte Saint Martin,

Trotte, trotte Saint Martin,

Avance et galope sur le grand chemin,

Trotte, trotte Saint Martin,

Avance et galope jusqu’à demain.

 

Arrête-toi au tournant,

Tu découvriras un très vieux mendiant,

Arrête-toi au tournant,

De te voir il sera tout content.

D’un seul et grand coup d’épée,

Brave Saint Martin a tout partagé,

Son manteau en deux moitiés,

Et l’une au mendiant est venu donner.

 

C'est alors que l'ami Thierry B. s'étant mis lui aussi à trotter en braillant les paroles de ce chant entraînant, chute et s'étale de tout son long devant nous ; à mes cotés, Michel H. éclate de rire en lançant un magistral « Oh petit box !» son expression familière pour marquer son étonnement ou son ravissement. Pris dans cette hilarité qui n'a de cesse, sans doute pour l'aider à se relever, il se penche vers son camarade étendu à terre manquant de justesse de le brûler au visage avec sa lanterne. J'interviens à temps pour éviter l'embrasement du bonnet de Thierry que nous remettons debout. Sa lanterne s'est éteinte. Toute la colonne s'est arrêtée. On ranime la flamme de la lanterne de notre ami Thierry qui, à son tour part dans une franche rigolade.

  • Moa é tombé..., c'é la mule de Martin qui m'a poussé... eh voui... la coquine !

  • Eh mais c'est peut être l'âne Loulou ! Reprend Michel H. goguenard.

La processions repart dans une joyeuse ambiance...

« Je marche avec ma lanterne,

Je marche avec ma lanterne,

Ma lanterne marche avec moi... »

 

Passant sur la charmille Ouest, on aperçoit, au loin la procession lumineuse d'un autre groupe... les lucioles de l'hiver... comme par magie, les chants se font échos. Nous nous arrêtons un instant pour contempler, écouter tout l'enchantement de cette nuit pas comme les autres.

Aux abords d'une clairière, on s’attendrait presque à trouver Saint Martin à cheval déchirant sa chlamyde pour en donner une part au mendiant qui grelotte à ses pieds. Nous reprenons notre marche, alors silencieuse ; on entend que le froissement des feuilles que nous piétinons...

 

A 22 H 30, tous les groupes sont de retour. Maintenant tous rassemblés dans la grande salle de musique, les éducateurs distribuent à chacun, un grand verre de vin chaud à la cannelle puis des petites galettes et du pain d'épice, pour se réchauffer.

Les figures sont réjouies, tous ont défié le froid et l'obscurité de cette nuit de novembre... ces petites lumières de la Saint-Martin peuvent maintenant nous accompagner pour bien préparer Noël...

 

Suite : RSM... Radio Saint-Martin

Promenade nocturne de la Saint Martin... en procession sur la charmille...

Promenade nocturne de la Saint Martin... en procession sur la charmille...

Commenter cet article
C
Quel beau récit ! On s'y croirait !<br /> Merci pour ce beau message!💞
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R
Très jolie histoire de la Saint-Martin, cette fête nocturne a dû ravir les pensionnaires (et leurs accompagnants !)
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F
J'ai suivi avec sérieux cette promenade pour fêter Saint Martin
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M
Je pensais à vous à l'approche de la St-Martin, merci pour ce souvenir sérieux et plein d'humour. Bon dimanche.
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E
Qu'est-ce que t'écris bien ! Farfadet ! On lis ton histoire comme une bande dessinée de Noël, aux couleurs rouges et chaudes ; on a l'impression que vous allez chanter devant la cheminée ! Je préfère te lire que regarder des conneries à la télé. Tes mots sont captivants et tes écrits accrocheurs. Si tu mets encore un peu pluss d'humour dans tes articles, je vais revoir le fait que j'ai envisagé de fermer mon blog faute de commentaires sans humour, faute de visites de blogs très sérieux (trop sérieux) pour moi qui ai ouvert mon blog pour faire marrer les gens et leurs proposer art, déco, dessin, photos et distractions de toutes sortes. Merci à toi, Ô le futur sauveur de mon blog !
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D
la vie de cette communauté semble bien étrange aujourd'hui, à l'époque, on n'était pas dans le virtuel
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F
Sûr, nous étions bien confrontés à la Réalité... et la transcender faisait impérativement parti de notre mission...<br /> Il y a un Art de Vivre, et à Saint-Martin, ce n'était pas un vain mot, restant lettre morte, mais une pratique de vie à communiquer, à partager, à promouvoir sans forcément viser l'excellence sinon accomplir au sens rabelaisien "ce que doit" ayant le beau, le bon le juste, en perspective et donc, rectifiant souvent attitudes et comportements, à commencer par nous, les référents...
M
c'était la mode à l'époque de ces longues processions au-travers de la nuit, éclairées de chandelles à parcourir les petites rues de chez nous, en hommage à Sainte Barbe, patronne des mineurs on s'attardait aux nombreuses chapelles qui avaient été dispersées ci et là par des familles soucieuses de congratuler la sainte pour s'attirer ses bonnes grâces et de protéger ainsi les maris et papas qui descendaient encore au plus profond de la terre pour extirper les précieuses "gayettes" ...<br /> tu nous en rappelles des choses ...<br /> amitié
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Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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