Il s'agit de celui qui actualise, ce jour de la Saint Michel, nous décrivant de façon légendaire, l’origine du célèbre Mont portant le nom de cet archange qui se fête à cette entrée dans la saison d'automne : « La merveilleuse histoire du mont Saint Michel »
La teneur de ce conte est à envisager sous un aspect très différent du pur et dur manichéisme qui sépare le bien du mal les isolant pour ne jamais les confondre et les séparer par une frontière infranchissable. En demeure qu’une seule alternative : le bien doit toujours triompher du mal lequel se doit d'être sans cesse combattu jusqu'à être complètement éradiqué...
A la lecture de ce conte, on découvre tout autre chose, certainement plus complexe mais aussi plus proche ne notre condition et de notre véritable nature humaine…
Prenons le début de cette histoire … l'archange Saint Michel se désole de la paresse de son "meilleur" ennemi, Satan, jusqu'à s'en irriter...
Tiens ! Ce glorieux chef des armées célestes serait-il impatient ?...
Plus loin, il va lui-même titiller Satan, lui l'archange, se faisant tentateur (C'est le monde à l'envers là !...) en le mettant au défit jusqu’à le toucher dans son orgueil...
Avant cela, il y a cette explication singulière dans la bouche de Saint Michel répondant à son lieutenant Gabriel : « - Certes, mais sa paresse m’exaspère, j’aimerais bien le voir s’activer, même si il ne commet que des bêtises, au moins, il se rend utile en nous obligeant à intervenir… »
Faut-il comprendre que le mal soit un « bien » indispensable dont la raison d'être tient essentiellement à la nécessite de le combattre ...
A cet instant, on commence à entrevoir une certaine complicité entre bien et mal au point que l'on se demande alors : quel rapport il pourrait bien exister entre ces notions en polarité ?...
Dans ce passage, et un peu plus loin, il est aussi fait mention des éléments et de leurs éthers mis en opposition
Eléments du monde aérien et lumineux des êtres célestes en confrontation avec les éléments du monde minéral terrestre (la roche volcanique) des êtres démoniques, opposent fluidité et rigidité
Retournement avec l’élément Feu faisant entrer la roche dure en fusion (viscosité), en opposition avec l’élément eau, initialement fluide, et qui se rigidifie avec le froid extrême en devenant glace (solide)…
Cette situation nous montre qu’il n’y a rien d’absolu et que même dans l’ensemble de ses propriétés inhérentes, chaque chose, chaque nature et chaque être possèdent une part de son contraire et réciproquement, leurs contraires, possèdent aussi une part de ce qui leur est diamétralement opposé.
Traduisant cela autrement on dirait : « Tout est en tout, contient tout et son contraire… »
Plus loin, on s’aperçoit que Saint Michel n'est guère plus gentil, il brutalise le "pauvre" diable qui flemmarde en le réveillant d'un coup vigoureux du plat de son épée... s'en suit un dialogue cocasse entre ces deux rivaux qui se renvoient allègrement leurs « politesses »...
Dans ce passage on remarque de nouveau la complicité du duo qui s’exerce essentiellement sur le ton de l’humour, chacun y allant de ses vannes jusqu’à provoquer un certain étonnement de Satan qui s’exclame : Pourquoi ? Tu veux te mettre à faire le mal… Toi !...
Là encore, nous retrouvons cette ambigüité des genres au niveau de l’éthique, à travers leurs rôles réciproques les mettant, le premier au service du bien, le second au service du mal… mais on s’aperçoit aussi que la confusion ne dure pas longtemps, chacun réintégrant sa vraie nature.
Froid et chaud les séparent également… mais, curieusement, l’archange choisit le froid extrême pour réaliser son chef-d’œuvre alors que le diable utilise la lave de ses volcans pour ériger son monticule rocheux. Le premier soigne sa mise en forme, sculpte et cisèle la glace rigide, son concurrent, lui, se contente d’amonceler son matériau assoupli par la fusion de façon la plus aléatoire et informe.
S’agissant de leurs résultats, l’œuvre de l’archange est étincelante, translucide c’est un vrai joyau, tandis que celle de Satan n’est qu’un amas sombre de roches s’étant durcies brutalement, proche du chaos, le tout étant absolument opaque jusqu’à être monstrueux de noirceur.
Lumière et ombre, se font ici échos…
Mentionnons alors cette nouvelle ambigüité dans la nature de Satan qui ne peut s’empêcher d’admirer l’œuvre de Saint Michel : Ô Dieu que c’est beau !!!...
Mais l’envie puis la cupidité reprennent vite leur droit en conformité avec la nature propre à cet apôtre du mal…
Arrive le moment de l’échange, ce commerce entre les deux "compères", ni innocents ni dupes, et pourtant, dans la chute de cette histoire, chacun aura à assumer les conséquences de son choix. Toutefois, à ce jeu, l’archange a vu bien plus loin que son adversaire …
La merveille de glace remise aux « soins » de Satan a fini par fondre sous les effets de la chaleur au point de disparaître totalement… Il y a, dans cette retombée truculente, comme une grande leçon de vie nous mettant en garde face à l’attrait de ce qui brille et rutile et que l’on convoite … richesse éphémères !…
Quant au chaos rocheux de Satan, Saint Michel, en en disposant à l’issu de leur « marché », a déjà projeté sa transformation pour, dans l’avenir, lui permettre de se métamorphoser sans cesse jusqu’à être paré en son sommet, de la Merveille, cette élégante basilique que l’on admire encore aujourd’hui… On entrevoit là, toute la force de rédemption qui tient à la transformation à la métamorphose que l’on peut toujours opérer même à partir de la plus inacceptable, de la plus incommode, la plus sombre, la plus ardue des situations. Il y faut alors développer ce courage immense, cette qualité spécifique de l’archange Saint Michel, qui n’est nullement le bretteur qui châtie, mais le "pédagogue" ferme et décidé qui élève et transforme, qui sort de la nuit celui qui veut retrouver le jour et sa lumière…
Il y a en outre, cette autre polarité entre l’archange et le démon, non moins singulière que celle les rendant complices dans l’opposition qui les fait s’affronter…
Il s’agit des forces de l’activité pensante de la tête du premier qui entre en concurrence avec l’activité volontaire des membres qui agissent en l’absence de toute conscience réflective du second … il n’est qu’à en juger par leurs résultats où se sont manifestés les forces pensantes édificatrices contre les forces musculaires titanesques et tétanisantes instinctives… « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme… »
Dans la vie courante il arrive souvent que la bête prenne la tête, notre tête, et que l’on s’entête bêtement …
Ceci dit, n’oublions pas que l’archange Saint Michel est aussi le maître en matière d’équilibre et qu’au côté de l’épée ou de la lance, comme autre attribut important, il tient aussi la balance qui correspond justement au signe astrologique de ce début d’automne…
D’équilibre, tout au cours de cette histoire, il en a toujours été question... et, au final, c’est justement l’équilibre qui doit triompher…
- Mirebeau le 29.09.2014 -