Réédition d'un article initialement publié le 15/12/2010 à 09:55.
La crèche s’érige dans le paysage de Noël comme l’église au cœur de nos villages.
Croyants, non croyants qu’importe... la crèche attire les regards et le plus souvent suscite l’admiration des petits et des grands …
L’universalité de la fête de Noël tient à ce qu’elle rassemble les hommes autour d’un moment de Paix … cette trêve de Noël qui, de par le monde, est presque partout, observée…
Crèche modelée en argile de Gilles Colmar
C’est à ce moment de l’année où la nuit l’emporte sur le jour, que nous avons le plus besoin de lumière et de chaleur et que nous aspirons le plus à ce repos du corps de l’âme et de l’esprit pour nous rapprocher de nos semblables et de tout ce qui, composant notre monde, l’embellit et l’encense…
Comme un retour sur la Création, nous aspirons sans doute à faire éclore en nous, un homme nouveau… La Magie de Noël tient à nous faire redécouvrir cette âme enfantine qui sommeille dans chacun de nous, celle qui s’émerveille devant tout ce scintillement lié à cette merveilleuse fête avec son sapin illuminé et sa crèche vers laquelle cheminent les plus grands Sages au côté du petit peuple, guidés par le rayonnement de l’intelligence et l’irradiante chaleur du cœur… Le sublime côtoie le dénuement, la richesse, l’indigence, la force de l’esprit, la spontanéité des humbles… Dans la rigueur hivernale, tous se dirigent vers le chaud d’une étable… crèche merveilleuse que, ébahis, nous dévorons des yeux !...
D’où nous vient cette crèche ?
C’est à Saint François d’Assise que l’on attribue l’initiative d’avoir réalisé une première crèche… C’est à l’occasion de Noël en 1223 que pour célébrer la Naissance de Jésus, le Frère François a eu cette idée de reconstituer dans une grotte, à l’identique de ce qui est décrit dans l’évangile de Saint Luc, l’environnement si particulier qui a sublimé cette Naissance. Il y fait déposer une crèche* où sont rassemblés un âne et un bœuf. Cela se passait au village de Greccio en Italie et tous les habitants du lieu, venus à la célébration de la messe de Noël furent émerveillés par cette première scène vivante représentant la Nativité.
C’est à partir de cette époque qu’est née la coutume de la crèche. Se répandit alors dans toute l’Italie cette tradition scénique de la crèche représentée par des personnes vivantes. C’est très progressivement qu’on leur substitua des statues figurants les personnages de la Nativité.
*crèche vient du latin « cripia » à traduire par mangeoire pour animaux …
C’est le pape Onofrio IV qui, en 1283, fait constituer la première crèche avec des statues et qui donc, officialise la tradition, si bien que les crèches reconstituées à chaque période de Noël ne se trouvent d’abord que dans les églises… A la fin du Moyen Âge, l’art des grands maîtres Italiens va inspirer les artistes qui confectionnent des crèches dites « baroques », disposant de statues plus petites et comme figées dans des mouvements se voulant plus proche de la vie courante, parfois maniérés, rendant ces sujets, beaucoup moins hiératiques.
C’est à partir de la fin du XVIème siècle que s’ajoutent des étoffes et autres sujets profanes dans ce qui va être l’origine de « dioramas » où les personnages deviennent véritablement amovibles. Ceux-ci sont constitués dans des matériaux plus ordinaires, sculptés dans du bois ou modelés en terre cuite, voire façonnés en papier mâché… C’est ainsi que la crèche populaire est née et va progressivement intégrer les foyers, d’abord les maisons des gens les plus fortunés puis, au gré du temps, les chaumières des gens simples.
Crèche en bois de l'atelier "Écureuil" du Centre Saint-Martin à Etrépagny (27)
A la fin du XVIIème siècle ce sont toujours les Italiens qui président le plus à une évolution démocratique de la crèche. A Naples Michèle Perrone confectionne l’ébauche de ce qui va devenir par la suite le santon. A savoir que les personnages de sa crèche, toujours plus petits sont constitués comme mannequins ayant têtes et extrémités sculptés reliés au corps en fil de fer fin recouvert d’étoupe. Cette technique permet de nuancer à volonté les attitudes des personnages. Cette crèche qu’on dirait « rococo » se fait plus théâtrale, d’autant que le décor va jusqu’à reconstituer, la place d’un village avec ses échoppes, ses tavernes et son marché. De véritables scènes de la vie publique et laïque, entourent maintenant l’avènement de l’Enfant Divin…
Le XVIIIème siècle, nous fait entrer dans l’âge d’or de la crèche et ce sont surtout les Napolitains qui restent les maitres en la matière…
Crèche Napolitaine ( Merci à Annie Maillet-Adde )
Au XIXème siècle, sous l’impulsion du Marseillais Jean-Louis Lagnel qui réalise les premiers moules en plâtre, vont apparaître les premiers santons de Provence. Confectionnés en argile, ils reproduisent la gente active des campagnes et des bourgades. Le santon provençal apporte le fruit de son travail à l’Enfant Nouveau Né. Ce sont donc les métiers et les activités humaines qui sont alors mis en relief dans la crèche populaire provençale.
Crèche avec Santons de Provence Carbonel.
Cet engouement pour les crèches tant prisées par les Catholiques, n’est pas partagé par toutes les communautés Chrétiennes. Dans l’Eglise Réformée, sans qu’aujourd’hui cela soit rigoureusement observé par l’ensemble de ses pratiquants, préférence est néanmoins donnée à la sobriété, ce qui, en période de Noël, exclue toute cette figuration se rapportant aux textes bibliques ; quant aux Orthodoxes, ils n’évoquent le moment de la Nativité qu’à partir de l’imagerie que présentent les Saintes Icones…
De nos jours, un regain d’intérêt se manifeste pour les crèches vivantes. Des acteurs, en costume d’époque, allant jusqu’à faire participer les animaux témoins de l’événement, en certaines églises, on ne redoute pas de reproduire de façon très théâtrale la Nativité au moment de la Messe de Minuit. Cet événement devenu spectacle n’est, en fait, pas nouveau. N’oublions pas que Saint François avait, pour l’occasion, fait participer des villageois puis fait venir un bœuf et un âne autour de sa première crèche…
S’ajoutent à cela l’héritage des représentations scéniques de l’antiquité, connues comme drames mystères. Ceux-ci réapparaissent à partir du VIIIème et IXème siècle de notre ère puisant leur inspiration aux sources du Christianisme pour mettre en scène la Nativité et la Passion de Jésus Christ. Ces représentations deviennent « Jeux », n’étant plus appuyées par un texte lu sur des tableaux d’acteurs en mouvements, mais rendus bien plus vivant par des paroles sortant de la bouche même des acteurs… Au XIIIème, va être créé un Jeu d’Adam en langue vulgaire (en vieux français) La Passion d’Arnoult Greban, œuvre de 45000 vers, met en scène plus de 100 personnages et sa représentation se déroule sur plusieurs jours…
Jeu de Noël par les éducateurs du Centre Saint-Martin (1995)
Ayant en partie échappé à l’église, c’est au moment où se cristallise la lutte contre le protestantisme naissant, suscité par un regain de ferveur catholique, que ces drames vont connaître leur apogée grâce, notamment, à Clément Marot puis à Marguerite de Valois, reine de Navarre qui écrit une « Adoration des Rois », et dont le texte est parvenu jusqu’à nous…
La Renaissance s’inspirant de sujets plus profane va éclipser ces drames mystères et le théâtre populaire va lui, délaisser ces sujets trop bibliques …
Passés aux oubliettes ces « Jeux » vont réapparaître sous l’impulsion de Rudolf Steiner (1861 -1925) Fondateur du mouvement Anthroposophique. Homme de sciences, philosophe et grand mécène rénovateur des genres artistiques et plus particulièrement des arts scéniques, il va redécouvrir ces « Jeux » conservés dans leur « jus » traditionnel et joué en vieux dialecte autrichien à Oberufer village sur le bord du Danube dans la région Nord Ouest de la Hongrie …
C’est à Eugène Witta (Architecte de nationalité Suisse) que nous devons l’adaptation française de ces « Jeux » qui sont déjà produits dans diverses institutions en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et maintenant en France. Leur intérêt tient surtout à ce que ce soit des acteurs non professionnels qui participent à ces « Jeux ». Autrefois, dans les villages, les volontaires issus de la population, prenaient un immense plaisir à intégrer ces personnages bibliques, animés par cet éternel et merveilleux esprit de Noël …
Constituer sa crèche en lien avec les règnes élémentaires :
Ayant placé un tissu bleu outremer comme fond de ciel, en retrait du présentoir qui peut être, lui aussi, recouvert d’un tissu de couleur verte ou de papier crèche, on procèdera ainsi :
Au premier Avent, on place tout ce qui, créant le décor de la crèche, est en lien avec le règne minéral à savoir : le sable, les cailloux, les rochers, les habitations, l’étable. Un papier d’aluminium habilement découpé, évoquera l’onde d’un ruisseau …
Au deuxième Avent, on ajoute alors tout ce qui a trait au règne végétal : mousse, arbres et plantes miniatures, feuillage, houx, pignes de pin, graines diverses…
Au troisième Avent on introduit les animaux : moutons, agneaux, bœuf, âne etc.
Au quatrième Avent on installe enfin tous les personnages de la crèche : Autour de Marie et de Joseph se rassemblent les bergers envoyés par l’Ange annonciateur et tous les santons en chemin vers l’étable. Au fond, les Rois Mages s’avancent majestueusement, guidés par l’Etoile qu’il ne faut point oublier.
L’Enfant Jésus, n’apparaitra qu’à minuit au soir du 24 Décembre …
Crèche avec figurines de la Crèche de Jérusalem
Noël vient toujours à point, pour animer l’homme au plus profond de son être comme la flamme d’une bougie qui doit croître sans cesse et diffuser toujours plus de chaleur et de lumière au cœur de ces longues nuits de l’hiver …