Voici le Verbe par excellence qu’il nous revient de méditer au terme de ces 12 nuits… Travailler, un verbe bien familier et évocateur d’engagement, d’efforts, de don de soi… Il vient couronner notre cycle de pérégrinations, correspondant aux acquisitions réalisées par l’être humain depuis sa plus tendre enfance jusqu’à sa maturité d’adulte … Né, nourri, marchant, jouant, parlant, admirant, pensant, apprenant, partageant, servant, rassemblant, le poupon a grandi, s’est métamorphosé et parvenu à ce 12ième stade de son évolution, ayant passé la vingtaine, maintenant, totalement autonome, il est apte à travailler … Il s’inscrit maintenant dans le monde comme auteur, où il va véritablement composer et jouer sa partition existentielle…
Tout ça pour ça ! Tous ces sacrifices, tous ces efforts ont été accomplis pour avoir le droit de travailler, autrement dit de peiner, de suer, de donner de son temps et de son capital santé…
Ah oui, il faut gagner sa vie ! Mais bon sang ma vie, on me l’a déjà donnée et maintenant je dois la gagner … mais fichtre qu’est-ce, ce délire ? … travailler !… Oh le vilain mot … Je suis sur terre pour travailler … ben voyons ...
Et tout ça, à cause de qui ? De quoi ? Hein ! Dites-moi ? Oui, c’est à vous que je m’adresse là, le petit hirsute à la tête chafouin, au premier rang ; oui, vous le petit intello à besicles qu’à perdu ses boutons et qui croyez tout savoir… Hein ! Qui c’est-y qui a provoqué ce désastre ? Alors qui ?... Dites moi ça !...
Adam ?… Eve ?… hein ?... Qui ça ? …. Quoi ? … Vous êtes entrain de me dire qu’à cause d’une pomme croquée, aux origines des temps, tous ceux qui sont venus après ces deux fauteurs de troubles de l’Eden, ont l’obligation de trimer !… Non mais vous plaisantez j’espère !... Eh faudrait pas charrier, vous autres ! C’est pas moi qui l’a croquée cette fichue pomme, vous pouvez garder les pépins si ça vous plait, pour moi c’est non merci, c’te blague !...
Bien, dépassons ces exclamations d’une gouaille mi figue mi raisin, pour reprendre notre réflexion sur le fait de travailler.
Aujourd’hui travailler n’est pas synonyme de joie et il est plus d’un quidam qui part au travail à reculons … Ainsi, il y a ceux qui travaillent, ceux qui ne travaillent pas (bah oui, il y en a …) et il y a ceux qui ne veulent pas travailler ( il y en a aussi … lire plus haut …) Et parmi ceux là, il y a ceux qui travaillent pour assurer leur gagne pain (je pense qu’ils sont nombreux) on va dire qu’ils travaillent par obligation … il y a ceux qui travaillent par conviction ( parce qu’il faut bien travailler et que ça fait partie intrinsèque de notre condition humaine (sans doute à cause des deux fautifs croqueurs de pommes des origines) et puis il reste un petit lot d’individus qui travaillent par plaisir, pour ne pas dire avec passion mais bon, ce ne sont pas les plus nombreux … Mais convenez que ceux-là, on peut les envier .. quoique …
Bon, ne voulant pas être cynique ni me moquer de qui que ce soit, je laisse tomber mon air goguenard car j’ai bien conscience que mon propos comporte un ensemble de clichés caricaturaux et manque de nuances car si il y a une majorité de personnes tenues de travailler pour assurer leur subsistance, une bonne partie s’attache à son travail lequel prend alors une place importante dans leur vie … c’est heureusement encore assez souvent le cas… mais il en est qui sont aussi en souffrance sur leur lieu de travail et ça, hélas c’est de plus en plus fréquent… Et dans notre tour d’horizon du monde des travailleurs, nous devons également envisager les « malades du travail» ceux qui sont tellement absorbés par leurs tâches ou leurs fonctions, que la vie à côté, ne présente que peu d’intérêt, pour eux. Dans ce cas, on tombe dans cet autre excès, où le travail peut même est considéré comme nuisible pour un sain équilibre de vie.
Je pense néanmoins que le travail est souvent bien mal présenté du fait que l’on oublie que travailler, au delà du profit économique qu’il procure, est une nécessité biologique. L’humain a besoin de dépenser son énergie, d’investir sa conscience dans toutes sortes de réalisations. Travailler est dès lors indispensable et vital pour le maintien de notre équilibre physique et psychique…
La vie n’étant que mouvements, l’humain doué de vie, suit donc cette tendance. Le tout, alors, c’est de donner un sens à nos mouvements ; c’est bien là, que le travail prend sa place… En effet, dans la nature humaine tout est mouvement : le corps est en mouvement de façon interne et externe, l’âme est aussi en mouvement constant oscillant entre sympathie et antipathie et l’esprit animant notre personne parvient même à se mettre en effervescence !…
Le travail étant, lui aussi, mouvements, on peut donc dire que ça travaille en nous, dans notre corps, où se manifeste une vie organique intense, dans notre âme qui, au grès de nos affects, tente de trouver le juste équilibre pour se mettre en harmonie avec ce le monde extérieur et dans notre esprit qui jongle avec les pensées qui nous assaillent afin de capter celles qui sont les plus adaptées aux circonstances du moment …
En fait, nous travaillons déjà à notre insu…
Reste à déterminer pourquoi travailler, pour atteindre quels buts pour obtenir quels résultats ?
Tout simplement parce que, dans ce monde, il y a toujours à faire pour améliorer nos conditions de vie terrestre et le sort des êtres qui y évoluent. Je dirai que la création originelle, étant par Nature, perfectible, exige qu’on la prolonge et la fasse évoluer sans cesse. Cette prise de conscience nous met donc en activité … Les géologues, zoologues et anthropologues qui s’intéressent au passé et au devenir de notre monde, nous permettent de considérer comment les activités humaines consécutivement et parallèlement aux bouleversements géologiques et climatiques, ont métamorphosé le monde où nous évoluons … Il est significatif que l’homme d’abord chasseur, puis agriculteur, et constructeur a modifié les paysages de notre planète en y aménageant des cultures des villages, des cités des infrastructures de liaison… se servant de toutes les richesses naturelles mise à sa disposition en ce bas monde.
Par son travail, l’homme transforme, améliore et perfectionne son cadre de vie mais, ce faisant, il ne le réalise pas seul, il agit de concert avec d’autres hommes et forcément, autour du travail, se crée un immense réseau social. Chacun découvre qu’il ne peut tout faire seul et par lui-même, il a besoin des autres hommes pour faire progresser ses propres entreprises. Ne serait-ce que pour assurer ses besoins vitaux au quotidien …
J’ai toujours présent à l’esprit l’image du village d’autrefois, de quelques centaines d’âmes seulement, village comme il en existait il y a encore une cinquantaine d’années. Artisans, commerçants, cultivateurs éleveurs, fonctionnaires y vivaient en toute sérénité et harmonie ressentant ce besoin du travail produit par les autres. Dans un tel village, chacun se sentait utile, du simple cantonnier au notable notaire. Extraordinaire chaîne de solidarité qui faisait chanter de plaisir chaque ouvrier de ce petit univers campagnard … Par leur labeur ils glorifiaient chaque jour venant et leur honneur, ils le plaçaient dans leur production … toute une époque où l’on appréciait «la belle ouvrage»… Les cahiers de compte de l’épicier étaient magnifiquement tenus et ses listes, écrites avec grand soin …
Aujourd’hui, qu’avons-nous fait du travail, de cette raison sociale de notre dignité de travailleur ?… Amis lecteurs, je vous laisse le soin de répondre à cette question…
Mais non, nous ne pouvons plus revenir en arrière … ce serait vain et même très rétrograde…
Pour sortir du marasme actuel, il faudrait que dans toutes les entreprises chacun cherche comment valoriser le travail pas seulement en terme de produit fini mais comme facteur d’épanouissement pour ceux qui produisent ce travail …
Il y a aussi toutes ces professions où ce ne sont pas des produits manufacturés qui sont proposés à la vente, mais des prestations de services et ce type de profession est de plus en plus usité, car les besoins vont en s’accroissant. Dans le social, il y a bien sûr fort à faire et tant de secteurs à développer et à améliorer… Dans cette branche, le travail ne manque pas…
La compétence … Comme autrefois, celle-ci devrait s’acquérir essentiellement sur le tas et ce, dans tous les corps de métier. J’ai eu l’occasion d’apprendre la maçonnerie en 10 mois et à l’issu du stage j’ai obtenu le certificat d’aptitude professionnel adéquat … ça n’a jamais fait de moi un maçon …
A partir de cet exemple personnel, je veux souligner que bien des jeunes aujourd’hui chercheurs d’emplois sont trop souvent ajournés parce qu’ils n’ont pas le diplôme professionnel requis ou le profil correspondant … je trouve cela scandaleux car on ne laisse décidément aucune chance à des personnes qui pourraient fort bien faire l’affaire et devenir d’excellents professionnels.
Je dénonce ces sélections fort arbitraires et hasardeuses pratiquées par toutes ces entreprises qui n’entrevoient que la production et le profit et qui donc ne recrutent que le « meilleur sur le papier » …
Ceci me conduit à évoquer cet aspect très négatif qui a pris place dans le monde du travail : la production qui est surtout envisagée en termes de chiffres, de quantité, donc, et qui occultent la raison même du travail qui, elle, tient à la qualité …
Si nos contemporains, ici en France, s’attachent tant au 35 heures acquises, au delà du soucis économiques que chacun a, n’est-ce pas parce que le travail n’apporte plus aucune satisfaction ni aucune joie, que son produit et ses objectifs ne suscitent plus aucun enthousiasme ?… Rien de pire que la lassitude…
Travailler devrait être une fête !…
Voilà, Travailler est le sujet qui vient couronner ces réflexions des 12 nuits saintes, le jour de l’Epiphanie, le jour des Rois, plaçant donc le travail sous une bonne étoile …
Les corps, qu’un jour, nous restituons à la glèbe, ces corps usés par le labeur d’une vie, sont le véritable sel de cette terre… N’oublions jamais cela quand nous foulons le sol plein de cette noble énergie …
Photo de l'auteur : "Jeux de Noël" des Compagnons du Centre Saint Martin - Les Santons viennent offrir à l'Enfant, le Fruit de leur Travail ....