Il est des événements de la vie qui vous laissent une empreinte indélébile, que l’on croit avoir mis aux oubliettes et qui vous reviennent en pleine « poire » des années après, métamorphosés et métamorphosant …
Oui, ça mérite explication …
C’était fin Juin 1980, nous revenions d’un restaurant d’une bourgade sur les bords de la vallée de l’Eure … Il devait être pas loin de 22 heures et le soleil allait se coucher à l’horizon devant nous …
A cet instant, nous étions à une vingtaine de kilomètres de chez nous et ça faisait une demi heure que notre fille aînée âgée de 3 ans et demi braillait derrière nous, parce qu’elle ne voulait pas que le soleil se couche … C’en était trop !... Il montait en moi une de ces bouffées de colère au point que n’y tenant plus, je me suis arrêté sur un terre-plein au bord de la route. Quittant la voiture promptement, je suis allé marcher un bon moment dans la campagne avant de libérer ce cri de colère sourde qui m’étouffait …
Il faut dire que notre Amélie, elle y avait mis du sien pour rajouter la touche d’agacement qui correspond à cette goutte qui fait déborder le vase …
En fait, quelques jours plus tôt, j’avais appris que j’étais recalé à mon examen de formation de moniteur éducateur et que j’en étais quitte pour refaire une année de formation… (Quand je vous disais que je n’obtiens rien du premier coup … Je n’ai obtenu mon diplôme que l’année suivante avec mention T.B. Allez comprendre…) Soit !… Au mois de Mai, Charlotte était née, adorable poupon et la famille s’étant agrandie, nous venions de changer de voiture. Que d’événements bons et mauvais à arroser en famille … Ce que nous venions de faire ce soir là, étant aller dîner dans un restaurant chic à 70 kilomètres de chez nous, restaurant 3 étoiles, recommandé par le guide de "l’Auto Journal"… Pour ce samedi soir là, j’avais donc retenu notre table…
A notre arrivée au restaurant, nos enfants avec nous, Amélie petite et bébé Charlotte dans la nacelle du landau, nous fûmes reçus avec le regard en coin parce que nous venions dîner avec notre marmaille parmi la gente d’une clientèle huppée désireuse qu’on ne trouble point sa tranquillité et qu’en conséquence, la présence d’enfants en bas âge, dont bébé, pouvait gêner… Nous n’étions pas plus tôt installé à notre table, que le maître d’hôtel venait nous prier de placer notre Charlotte dans une pièce à côté, sous prétexte que les pleurs du bébé pouvaient déranger les dîneurs dans la salle (Notre Charlotte était endormie dans son couffin …) Voulant éviter le scandale, à contre cœur, mon épouse emmena notre fille dans une petite salle mitoyenne et a dû aller la voir à plusieurs reprises en cours de repas … Je vous passe, l’épisode du dîner qui fut gâché d’emblée, jusqu’à notre départ, se soldant par une note particulièrement salée, qui nous a convaincu qu’en ce lieu, c’était la première et dernière fois que l’on nous y reprendrait… (Vous dirais-je, et c’est pure vérité, que ce restaurant s’appelait « Maître Corbeau »… à défaut du camembert de la fable, nous avions sur l’estomac une « chiffonnade de concombres au prix prohibitif et ce n’était que le hors d’œuvre !...)
Ainsi sur le chemin du retour, c’était mutisme et consternation dans la voiture familiale. Alors, quand Amélie s’est mise à couiner, geindre et hurler parce que, devant elle, le soleil flamboyant allait s’enfoncer à l’horizon et qu’elle ne voulait pas qu’il en fût ainsi, j’ai eu mes nerfs... au point de faire quelques pas dehors puis crier un bon coup à perte d’écho…
Voilà pour le contexte … 16 ans plus tard, soucieux de monter un spectacle pour la fête de la Saint Jean … Planchant sur le sujet des solstices d’Eté et d’Hiver à mettre en lien avec le nom de notre institution (Saint Martin), il m’est revenu cet incident où ma fille avait tenu une place prépondérante, en ce sens qu’elle était le révélateur d’un événement somme toute banal, le coucher de soleil, mais qui, dans son esprit d’enfant, prenait un sens bien plus dramatique… l’astre disparaissant à l’horizon pouvait fort bien, ne plus réapparaître …
Ce fut l’idée force qui a constitué la base de ce conte villageois, « La Berlotte » écrit puis mis en scène et que vous pouvez découvrir dans les articles édités, ci-avant…
Quant au thème, il faut en retenir le dynamisme lié à cette tension bi polaire entre solstice d’Eté et solstice d’Hiver… Un grand mouvement qui se traduit extérieurement par un accroissement de l’apogée solaire, se réalisant de l’Hiver à l’Eté et, à l’inverse, son décroissement, s’effectuant de l’Eté à l’Hiver s’accompagnant intérieurement, par une extériorisation de la vie de l’âme dans la période ascendante et intériorisation dans la période descendante. Il n’est qu’à voir dans la Nature, autour de nous, la réalité tangible de ce qui est imagé là …) Nous suivons cette tendance …
Observons ainsi, comme nous sommes différents à Noël et à la Saint Jean… Ceci en lien avec le fait que nous vivons surtout dedans en Hiver et bien plus dehors, en Eté …
Petite flamme vacillante des bougies de Noël… Grande flamme montante du bûcher de la Saint Jean…
Grande harmonie que l’on retrouve dans ce rapport entre Point et Cercle, entre Centre et Périphérie véritable et grandiose sujet de méditation…
Gigantesque respiration de l’univers se manifestant entre macrocosme et microcosme, nous vivons constamment dans cette polarité où notre conscience va du point le plus intime aux points les plus ultimes, déjà vécu au quotidien entre veille et sommeil : concentration - dilution … Extraordinaire vérité dont on ne prend pas assez la mesure ni n’envisageons véritablement la portée, concernent nôtre être dans ses rapports avec le monde en nous et autour de nous…
La Berlotte nous a fait comprendre qu’au soleil extérieur, chacun peut faire écho, par un soleil intérieur … A nous de le libérer de sa cage …