Un récit mêlant souvenirs d'enfances, de jeunesse et des rencontres de personnages hauts en couleur, fiers de leurs marchandises et de leurs productions culinaires... tout ça décrit en vrac, au gré de la remontée de ses souvenirs mais aussi en phase avec la fantaisie de l'auteur à vouloir évoquer ce qui lui tenait et lui tient toujours à cœur, selon une importance des faits qui lui est propre.... il est sûr qu'en 60 ans nos rues commerçantes ont bien changé d'aspect et, hélas, perdu nombre de ces petites boutiques où l'on trouvait de tout, au gré des enseignes.
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Comment en si peu de temps, nos boutiques ont-elles disparu ? Ces endroits où l'on pouvait causer des heures, où les vendeurs fiers de leur maison, conseillaient, faisaient du sur-mesure, nous livraient, nous faisaient parfois crédit, où l'on se sentait si bien.
Et forcément, cette ballade découverte en remontant le temps est gourmande... odeurs, saveurs sont autant d'effluves qui font saliver, exacerbant les papilles enfantines.
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Puis vinrent les premières supérettes... Souvenez-vous de Félix Potin, ce paysan qui avait le sens du commerce. Le premier à fonder, tout jeunot sa boutique en 1844. Les prix sont fixés, on ne marchande plus ! Félix compense en vendant du luxe : cacao ou confiserie. [...] Notre homme fait fortune, une affaire de famille.
Je devais avoir sept ou huit ans, j'allais voir Fernand, le roi de la baguette, le prince du paris-brest. Dans ces boulangeries-pâtisseries, on trouvait des "têtes-de-nègres", des boudoirs, des Petit-Beurre, des gaufrettes Paille d'or au goût de madeleine de Proust.
Magasin de confection et tissus - Grand magasin Vannier à Poitiers (devenu "Dames de France" puis aujourd'hui passage des Cordeliers - Café-Restaurant "Liot" place de la Croix-Rouge à Châteauneuf-Châtellerault (Vienne).°
Une enfance à Quimper au tournant des années 60-70 que l'auteur complète par les souvenirs de sa vie parisienne dans le Paris des Halles et des quartiers d'arrondissements encore animés par toutes sortes de commerces. Il y fait la connaissance de René, un vrai-vieux-de-la-veille, qui a malice et gouaille et lui conte à chaque rencontre les épisodes savoureux de la vie de sa mère, Madeleine laquelle logeait dans une chambre de bonne à-fleur de toit... elle aimait tant ce vrai Paris de son époque !...
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Dans ces dédales à l'ombre de la tour Eiffel où grouillaient toutes sortes de petits commerces : cordonniers, électriciens, plombiers; tonneliers, marchands d'arlequins, allumettiers, sabotiers, colporteurs, lingères, bonnetières...
A l'ancien marché couvert de la rue Jean-Nicot, où figurait une réclame pour le chocolat Louit, notre chère Madeleine avait aussi ses habitudes. On y marchandait sévère. Ça piaillait, ça caquetait là-dedans , un vrai poulailler.
Chez Victor Guicheteau, horloger dans les années 1930 à La Mothe-Achard, petite commune de Vendée située à mi-chemin entre La Roche-sur-Yon et Les Sables-d’Olonne.
Des souvenirs qu'accompagne immanquablement une certaine bouffée de cette inaltérable nostalgie qui fait tourner à rebours les aiguilles sur l'éternel manège des cadrans émaillés...
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A l’horlogerie-bijouterie de Mme Costeu, on pouvait faire réparer son horloge. Dans le magasin de confection, Au Bon Dominique, se faire rafistoler une robe, la joie. Madeleine achetait des graines pour son oiseau dans une échoppe où on vendait aussi du blé, du riz, de la farine, de la semoule Puis elle rentrait dans sa chambre de bonne et son oiseau bleu chantait.
Pêcheur Normand - Fromages de France - Chêvre du Rove qui, selon une légende, serait venu de Mésopotamie il y a 2500 ans...
Dans la dernière partie du livre, l'auteur nous fait accomplir le tour des bonnes tables des régions de France... celles des restaurants mais aussi celles des maisonnées, des divers commerçants en produits de bouche, des éleveurs fermiers, mais également des patrons pêcheurs, des amoureux de leurs produits et productions. Un sacré voyage épicurien et gourmand... La France des milles saveurs, ce n'est pas un mythe... ça sent la marée, ça sent la bruyère, ça sent les alpages, ça a un fort goût de terroir, de cru et de tomme de chèvres...
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Crottin de Chavigno!, chevrotin, pélardon, rocamadour, picodon de l'Ardèche ou de la Drôme fumé au bois de genévrier, pouligny-saint-pierre, selles-sur-cher, chabichou du Poitou, sainte-maure de Touraine, valençay, rigotte de Condrieu... la chèvre dans tous ses états. Pierre gay, fromager à Annecy, meilleur ouvrier de France , nous apprend que la chèvre et la brebis sont la vache du pauvre car elles consomment moins, elles boivent moins que les autres et nt besoin de moins d'habitat... "la chèvre est gourmande vous savez." Elle serait raffinée. Elle est délicate, elle fait sa belle. Le berger et chevrier André Gouiran a un côté Pagnol. La brousse du Rove, spécialité légère et parfumée qui sent bon la Provence de Pagnol, vient d'avoir l'AOC.
Avec cet éloge aux biquettes - il en est aussi pas mal d'élevages chez nous en Poitou - je termine là cette présentation du livre d'Anthony Palou qui devrait enchanter vos soirées lecture en vous faisant redécouvrir cette France rurale et citadine de notre enfance, avant que les grandes surfaces commerciales en périphérie de villes et de bourgs ne rendent progressivement nos rues en partie dépourvues de leurs si charmantes boutiques et de leurs pittoresques échoppes d'artisans amoureux de la belle ouvrage.