Réédition d'un article initialement publié le 02/09/2018 01:05.
Représentez-vous un peu cet immobilisme qui vous fige à jamais dans le temps, vous plaçant à des endroits que vous n'avez même pas choisi, sur des stèles ou des consoles, et aussi en plein air y subissant toutes les nuisances météorologiques, condamnée à occuper un même espace sans pouvoir en bouger et ce peut-être pour l’éternité !...
Et bien cela, est notre triste sort à nous les statues de pierre de bronze ou d'airain, n'y voulez-vous donc rien changer ? Il serait grand temps d'envisager les choses autrement et, considérant notre inconfortable et pénible situation, plancher sur le statut de la statue.
Et c'est justement à propos de planches que m'est venue cette idée révolutionnaire : statuer sur le sort des statues. Les planches en question étaient celles de la scène du théâtre de Vernon (Eure) espace Philippe Auguste. En février 1999, nous étions allés voir une comédie particulièrement désopilante : « André le magnifique »… Dans cette histoire aux nombreuses gesticulations et élucubrations particulièrement déjantées, j'avais, n'en doutez point, ri aux larmes surtout grâce au personnage d’André, un campagnard aussi dévoué que naïf, jardinier de son état, investi, à la fois, du rôle de souffleur et de gardien du théâtre... Eh oui, c'était du théâtre dans le théâtre, du théâtre amateur dans le théâtre en milieu rural. Époustouflant !... là on dépasse tous les codes de la drôlerie, tous les poncifs des réparties inimaginables et des comiques de situations, tous les possibles en matière d'énormités, d'actions qui, bien que grotesques, ne tombent jamais dans la vulgarité... un humour tout à fait décapant... une performance hors norme, du script, au niveau du texte et du scénario, de mise en scène, et d'acteurs...
Mais celle que je retiens plus particulièrement ici, c'est celle du personnage d'André, il vient faire sa garde de nuit au théâtre avec sa statue de la Vierge Marie, installant son couchage sur la scène et conversant avec sa statue. Inouïe. Oui, il lui donne vie… des dialogues réjouissants… Ô bonne mère ! Ô Sainte Vierge ! ce n'est plus du culte, une manifestation de foi, c'est de la complicité, de l'affection immense… on en reste avec les yeux baignés de larmes tellement on rit...
Pouvoir gesticuler à son aise, se faire bronzer à sa guise... euh là ça peut être déja réalisé d'origine non ?... faire d'agréables rencontres, s'asseoir sur les grands pricipes, chevaucher par monts et par vaux, enfin être libre dans le plus fulgurant des mouvements la course, l'évasion...
Eh bien, chers lecteurs de ce billet plutôt singulier, c'est à cet instant que je me suis fait la réflexion : « mais bon dieu ! Redonnons vie à nos statues !... Finis leurs instants de morne solitude, fini leur pétrification indissoluble, finies leurs expressions à jamais figées par le ciseau de leur créateur artiste ! » Au sculpteur des origines est venu, à leur secours, l'acteur aussi imprévisible que providentiel !… André le Magnifiant !...
Sage résolution, devons maintenant prendre : délivrons les statues de leur immobilité incongrue, frustrante, humiliante... humanisons ce qui est figé, dotons toutes statues du penser, du ressentir et de l'agir.
Le déclic du Farfadet législateur s'est opéré grâce à une lecture d'un article du blog "Mon petit journal" de Dominique Arnaud...
C'est ainsi qu'un mouvement particulièrement innovant est né : « La Statue en Marche »... c'est grandiose mes amis ! Jusqu'à présent indéboulonnable, la statue de met en mouvement et parle ! Çà transcende nos habitudes et façons de penser, ça libère nos esprit formatés, enfin ça nous élève au rang de leur onirique colonne... à notre tour, elles nous pérennisent, bientôt nous serons, aussi leurs idoles, leurs fétiches, leurs dieux salutaires, leurs messies dépetrificateurs, effigies de leur non effigie retrouvée... Hosanna ! Statue, vite ! dans nos bras !...
- Article 1 : Toutes statues devront être aimées pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles représentent.
- Article 2 : Toutes statues de pied-en-cap(e)... devront, quotidiennement, être toilettée et parfumée pour garder et répandre une bonne odeur de sainteté.
- Article 3 : La statue, personnage à part entière, aura le droit de vote et comme chaque paroissien citoyen, glissera elle-même son bulletin dans le tronc qui lui sert de stèle.
- Article 4 : La Statue a droit à toutes bonnes nourritures terrestres et devra être conduite chaque fin de semaine, en majesté, dans un restaurant d'au moins 3 étoiles, accompagnée de son idole favorite, choisie au musée Grévin.
- Article 5 : Toutes statues auront droit aux voyages et pas seulement dans le temps mais aussi dans l'espace, prenant exemple sur les nains de jardin voyageurs d'Amélie Poulain.
- Article 6 : Chaque statue équestre, à la nuit tombée, aura le droit de descendre de cheval et d'aller en boite de nuit pour y danser le rock, le tango, la valse et le madison-twist jusqu'au petit matin.
- Article 7 : Toutes statues prises en état d'ébriété sur la voie publique devront être conduites au commissariat le plus proche pour y être placées en cellule de dégrisement afin qu'elles récupèrent le plus vite possible leur éclat initial.
- Article 8 : Toutes les statues ensevelies depuis des siècles et des siècles, mises à jour par un archéologue, devront faire l'objet d'une déclaration sur l'honneur par leur découvreur puis être inscrites dans les registres des naissances à la mairie du coin pour être ensuite adoptées par toutes personnes au cœur de pierre et ayant surtout la tête dure.
- Article 9 : La statue a droit au mariage et peut rencontrer son conjoint par Internet sur le site S.E.M.E. (Statue En Manque d'Extase). Ayant trouvée l'âme sœur, elle devra aller à la cérémonie nuptiale parfaitement dépoussiérée et décrassée puis voilée, il ne s'agit pas de dire que la belle fait gore...
- Article 10 : Ayant trouvé Mari(e), la statue désireuse d'avoir des enfants ne saurait rester vierge et, pour ça, doit impérativement demander un certificat de dé-béatification à l’évêque de son diocèse pour ne pas rester de marbre lors de la nuit de noce.
Voici donc un premier jet de cette réforme statutaire délivrant toutes les statues de leur immobilité ancestrale... oserais-je vous dire maintenant que de telles finasseries législatives m'ont, avant cela, bien inspiré ...