Cet ouvrage de 178 pages comporte 7 chapitres permettant de se familiariser avec la dynastie des comtes de Poitiers, puis avec le personnage Guillaume VII, sa jeunesse, ses confrontations avec les autorités ecclésiastiques, son attachement à la geste troubadour, ses compositions, ses thèmes privilégiés et la traduction de 11 de ses poèmes.
Une lecture découverte sur un Comte Poète du Moyen-Âge en Poitou...
Chevalier-poète par l'épée et la plume s'en va en quête de champs de bataille et de cœurs à prendre. Violence du fer et douceur des mots choisis... le glaive à bout de bras... la plume entre les doigts... reître et amant... férocité guerrière et lyrisme des veillées... le chant mélodieux s'oppose au fracas des armes. Guillaume VII de Poitiers aussi Guillaume IX d'Aquitaine ainsi nommé par les historiens et poètes fait partie des premiers troubadours recensés.
Nous observerons que ce n'est pas sa qualité de Duc d'Aquitaine que retiennent les chroniqueurs de son temps mais celle de Comte de Poitou ou des Poitevins. Guillaume de Malmesburi le désigne ainsi : Willielmus, comes Pictavorum. Ajoutons à cela , l'attachement indéfectible de la dynastie des Guillaume à la terre poitevine. Le lieu de résidence de tous les comtes était le château de Poitiers capitale culturelle et politique.
Mais qu'est donc en réalité cet énigmatique personnage ?...
Le septième comte de Poitiers est devenu l'un des plus célèbres de sa famille, en grande partie parce que sa vie fut digne d'un roman. La durée de son règne fut particulièrement longue : une quarantaine d'années. Il guerroie fréquemment et participe à la première croisade en 1101 ; il en revient exsangue après avoir perdu des milliers d'hommes. A l'inverse, il s'illustre dans une expédition en Aragon en 1120 , contre les musulmans.
Voici pour l'empreinte "guerroyeur" de ce seigneur au caractère bouillonnant qui, de surcroît est hostile aux autorités de son temps, très critique contre le pouvoir du roi des Francs mais aussi farouchement opposé à celui de l’Église ; par deux fois il sera excommunié. La première fois pour avoir installé sa maîtresse dans son palais de Poitiers, privilégiant sa présence à sa cour au détriment de l'honorabilité légitime de son épouse Phillippie.
La femme de Guillaume Philippie, (fille du comte de Toulouse) fut très affectée par ce soudain embrasement des passions. Elle décéda en 1117 , au prieuré de l'Espinasse, près de Toulouse , après avoir séjourné à l'abbaye de Fontevraud. L’excommunication du comte fut levé la même année.
Guillaume VII (1071-1126) n'avait que 15 ans quand son père, Guy Geoffroy Guillaume, succomba à Chizé. Il devint comte-duc sous le nom de Guillaume le jeune, et hérita d'un immense domaine bien plus étendu que celui du roi de France. (Guillaume VII fut contemporain des rois capétiens Philippe 1er qui régna de 1060 à 1108, et de Louis VI le gros qui régna de 1108 à 1137).
La nature l'avait comblé de dons puisque l'on a dit qu'il était beau et brave, gai et spirituel ce qui l'aidera pour prendre goût à la chose littéraire mais en contrepartie on sait qu'il était plutôt brouillon, vif et emporté, peu régulier dans le suivi de ses choix et menées. Tôt confronté au pouvoir, il se lancera dans des conflits armés, gagnant quelques batailles, en perdant d'autres et sera blessé. En 1089, il épouse Ermengarde la fille du comte d'Anjou dont il se sépare 3 ans plus tard pour ensuite épouser Philippie qui lui permettra de s'attacher, un court temps, le comté de Toulouse.
Ce personnage me semble être une parfaite illustration du tempérament sanguin, brillant et brouillon mais pas pour versifier ...
L'histoire des troubadours est donc d'abord faite de leur vie, de leurs voyages et de leurs amours, de leurs rencontres, de leur carrière et de leurs œuvres. L'histoire poétique des troubadours est aussi l'histoire de leur art et de son influence, en particulier l’histoire des manuscrits qui, alors que sa grande époque est déjà achevée, se sont employés à la préserver.
Le comte est aussi bretteur que charmeur, lettré il affectionne les vers et les "dits" de trouvères contemporains, tels que Bernard et Ebles II de Ventadour, des rivaux dont il s'inspire parfois pour la forme à donner à ses œuvres car il aime à composer des chants où il conte ses heurs et malheurs, ses infortunes d'amant mais aussi ses élans pour ne pas dire sa fougue amoureuse, tantôt en termes courtois, tantôt en langage crû. En l'occurence, on ne se trouve pas là, dans le registre noble de la chevalerie évoquée dans les romans courtois apparus au XIe siècle et qui seront en vogue au cours du siècle suivant car, au-delà des contenus, ses poèmes et chants sont écrits en occitan ancien préféré au latin bien plus "académique".
Il en demeure que l'on considère Guillaume VII comme le plus ancien troubadour et certainement comme le chef de file de ce mouvement poétique enraciné dans la culture du Moyen âge *classique (central)
NB : * Haut Moyen âge (Ve - Xe) - Moyen âge central (XIe - XIIe) - bas Moyen-âge (XIIIe)
Troubadour se comprend étymologiquement comme : le poète qui trouve... et donc qui crée, invente et compose son poème.
La poésie troubadouresque ne traite pas que les sujets doux et tendre de la nature et des êtres, elle livre aussi des œuvres teintées des états d'âmes de leurs auteurs, parfois tourmentées, peinées ou irritées, sans toutefois faire l'éloge de la violence. L'art tient à la construction (souvent des vers octosyllabiques) et à la mélodie qu'il dégage dans le jeu des rimes.
Avec la chanson de Guillaume il faut aller au-delà du miroir poétique nous conseille Lewis Carroll. Il faut aussi comprendre qu'entre chanter et trouver, il y a une concordance qui indique que le poète veut composer un nouveau poème lequel est destiné à être plus écouté que lu par l’assistance. Par exemple, Guillaume entame son chant VIII par je ferai chansonnette nouvelle.
La musique était le support supplémentaire qui facilitait la mémorisation du texte, en accentuant aussi l'effet de déclamation, constituant une harmonieuse parure pour "dire" les mots et exprimer plus intensément les sentiments qui les accompagnent.
Sur les onze chansons qui nous sont parvenues de Guillaume on ne dispose que d'une mélodie adjointe au début du poème XI. Pourtant Guillaume ne doute pas de son talent de musicien quand à la chanson VII il affirme :
Du chant je vous dis qu'il en vaut d'avantage
Si on l'écoute bien
Car les mots sont tous à leur place
Comme il convient
Et la musique moi-même je m'en loue
Est bonne et riche.
Au chapitre VII nous trouvons la traduction des onze chansons de Guillaume VII que préface en ses termes Katy Bernard dans Le Néant et la Joie :
" Le comte de Poitiers participe au mystère de la naissance du trobar par sa nature autant que par l'originalité de son œuvre qui, quoique réduite, est d'une diversité telle qu'on en vit jamais chez aucun de ses successeurs.
Dans ses chansons, on trouvera les fondements de la fin'amor, cet amour parfait qui révolutionna l'image de la dame et de l'amour en faisant de l'aimée cette puissante suzeraine libre de son désir et maîtresse de celui de son amant.
Mais on y trouvera aussi le discourtoisie la plus crue, la grivoiserie la plus assumée dans la mise en scène rieuse des aventures et mésaventures sexuelles du poète avec des femmes mariées de préférence."