- Alors là !... c'est bien ce que je craignais, s'esclaffe le père Fadet, tes rennes ont pris la poudre d'escampette en emportant dans ton super traîneau toutes mes antiquités...
- Prendre la poudre d’escampette !... en voilà une amusante expression, Père Fadet. Ce doit être spectaculaire cette poudre, sans doute d'or, auréolant mon attelage au moment de son envol car ils se sont bel et bien envolés mes rennes !...
- Sans nous !...
- Oui, sans nous... enfin sans moi, tu comptais m'accompagner jusqu'à ma demeure au Pôle Nord ?
- Non, mais récupérer mes antiquités...
- Tu veux dire toutes les vieilleries de ton bric-à-brac... Je te ferai remarquer que si tu es dépité par la perte de tes chères vieilles choses, je le suis aussi et certainement plus désemparé que toi par leur disparition... car sans mes rennes et mon traîneau, non seulement je ne peux plus retourner chez moi dans le grand Nord, mais j'ai aussi perdu tous mes supers pouvoirs. Je me retrouve comme toi, un simple quidam, accoutré d'un costume de Père Noël à l'identique de ceux qui, par centaines, s'habillent ainsi pour se faire prendre en photo avec des enfants ébahis et qui, parfois, ont peur d'eux.
- Pardon Père Noël je ne considérais que mon sinistre, toi tu as perdu bien plus que moi et j'en suis profondément désolé.
- Il se peut que mes rennes soient repartis à notre recherche mais qu'avec tout ce brouillard de la première partie de nuit, ils ne nous ont aucunement repérés... à moins qu'ils soient repartis au Pôle...
- Bon ! de toute façon, on ne va pas rester planté là, tu dois, comme moi être bien fatigué, je t’emmène jusqu'à mon terrier à Saint-Jouin-de-Marnes où nous pourrons déjeuner puis dormir un peu.
- Ton terrier ! tu loges dans un terrier comme un blaireau ou un renard !...
- C'est ainsi que je nomme le vieux corps de ferme où je demeure et entasse tout mon bric-à-brac comme tu dis, à l'instar de Victor Lanoux, alias Louis-la-brocante.
- Merci, père Fadet, de m'accueillir chez toi, fit le père Noël amusé. Pour l'instant c'est certainement ce que nous avons de mieux à faire, nous aviserons par la suite quand nous serons requinqués.
C'est un peu avant 10 heures du matin que nos deux braves pères Noël arrivent à Saint-Jouin-de-Marnes encore endormi.
Le père Fadet prépare un bon feu dans sa vieille cuisinière à bois et charbon. Une fois allumé il place sa grande bouilloire. sur une des quatre grandes plaques rondes.
- Thé ou café ?
- Café, répond le Père Noël, même si ça réveille avant de dormir.
- Idem pour moi, rien de tel qu'un bon café matinal pour aborder les aléas d'une nouvelle journée.
Les deux hommes Noël assis à la grande table de ferme apprécient en silence un copieux petit déjeuner, où de bonnes tartines de beurre et de confiture accompagnent le café bien chaud. Bien sustentés ils vont ensuite s'installer dans les acceuillants fauteuil-clubs face au grand âtre de la salle de séjour, où crépite un ardent feu de bois. Le père Fadet a remis un plaid à son jovial compagnon d'une nuit mémorable, une nuit qui ne fut vraiment pas comme les autres. Réchauffés, à l'intérieur comme à l'extérieur, ils ne tardent pas à s'endormir bien calés sur leurs confortables assises, les jambes détendues, posées sur la table basse.
Le village est bien silencieux en cette matinée de Noël, ce n'est qu'à midi qu'il retrouve un peu d'animation... Ce jeudi 25 décembre 1975 vont se rassembler en moult maisonnées les membres éloignés des familles morcelées par la vie moderne et trépidante. C'est la fête un peu partout... Saint-Jouin-de-Marnes n'échappe pas à cette tradition du grand repas de Noël qui réunit parents, enfants et grands parents...
Au même moment, dans la vieille ferme désaffectée du père Fadet, c'est au contraire, bien calme... jusqu'à 14 heures pas un bruit ne perturbe le sommeil de nos deux pères Noël.
Jusqu'à 14 heures... parce que, dans les minutes suivantes, c'est un véritable tourbillon d'événements qui va sortir de sa torpeur ces lieux endormis. Un formidable chahut ponctué de coups de marteaux, de couinements de scies, de frottements saccadés de râpes et limes, de han par ci, de ahan par là, de cris joyeux, de chants sifflotés, de brames exaltés, puis de musique de limonaire, parvient a sortir les pères Noël de leur profond et béat sommeil.
Attirés par ce soudain tumulte, L'un et l'autre, se dirigent vers la fenêtre donnant sur la cour... ce qu'ils voient là est incroyable, ils pensent qu'ils rêvent encore... pourtant, se pinçant plusieurs fois vivement, c'est bien à la réalité d'un spectacle extraordinaire qu'ils assistent maintenant.
Là, sous leurs regards ébahis, une escouade de 10 lutins du Père Noël s'active avec frénésie. Ayant déchargé toutes les pièces d'antiquités du grand traîneau, ces vaillants elfes de maison, ont constitué, avec, un étonnant carrousel. Toutes les vieilleries du Père Fadet, judicieusement transformées ont été utilisées... C'est merveille !...
L’armoire normande de mémé est devenue lot de fringants chevaux de bois, les amphores ébréchées, des nacelles en forme de coquillages, composent autant d'attelages nacrées, les roulements à billes, sont logiquement adaptés à la mobilité circulaire du manège, le moteur de mobylette devenu rotor électrique en constitue évidemment la force motrice. La plus stupéfiante de ces métamorphoses est bien celle de la machine à coudre à pédale transformée en rutilant limonaire éclairé par deux lampes de chevet à abat-jour fond de casserole alu. La partie couvrante est constituée par l'assemblage de 4 grands sacs du Père Noël qui contenaient les jouets, retaillés puis cousus en forme de bâche ronde re-teintée en couleurs vives alternant les dessins en vagues et spirales de rouge, de vert de jaune, de bleu, d'orange, de pourpre, de violet, de rose, et de blanc. Les bougies Marchal réparties tout autour, constituent autant de loupiotes baignant le carrousel d'éclats de lumière, eux aussi, irisés.
"Dans la nature, rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme" chantent en chœur les dix lutins aux bonnets vert et rouge à grelot. Les deux pères Noël étant sortis sur le pas de porte, leur chef, Mouchinet, s'avance vers eux, tout souriant...
- Patron c'est un grand soulagement pour toute notre lutine équipe que de vous retrouver tous les deux... C'est grâce à Éclair qui a flashé l'image de votre équipage en détresse pour l'inscrire dans une aurore boréale puis, à Comète qui y a cartographié les lieux, que nous avons retrouvé les rennes et le traîneau. C'est donc avec "RennaNoël bis" (le mulet de secours number two) que nous avons porté secours à votre précieux équipage en panne à Saint-Martin du Fouilloux. En premier, nous avons permuté la tête de l'équipage en remplaçant Rudoph mis au repos obligatoire par Artaban que nous ont prêté les collègues de l’hémisphère Sud, eux en avance sur leur distribution de jouets. Quant à vous retrouver ici, il n'y avait qu'à suivre la pimpante camionnette du père Fadet.
Le Père Noël profondément ému par cette immense sollicitude s'exprime à son tour :
- Grand merci à vous mes chers bons lutins et à Toi, brave Mouchinet, pour la promptitude à réagir et ton grand esprit d'initiative. Bravo aux rennes aussi géniaux que dévoués à notre belle et solennelle mission.
Le père Fadet aussi bouleversé que son sublime aîné a, lui aussi, envie de témoigner sa reconnaissance.
- Chers géniaux et hyper-actifs lutins, chers rennes si bienveillants et véloces je vous suis aussi très reconnaissant, vous êtes en réalité d’efficaces Porte-Bonheurs, de manifestes diffuseurs de joies, des merveilleuses sources du bon et libérateur rire. Ce que je vois là, construit par vos mains mais aussi par vos têtes et surtout vos cœurs me montre la voie à suivre. Quelle magnifique leçon vous me donnez là, avec tant de gentillesse et générosité. Je vous remercie du fond du Cœur : Un splendide manège enchanté réalisé qu'à partir de mes "antiquités" trône au centre de ma cour. Plein d'enfants pourront, dès lors, en profiter. Grâce à vous je viens de vivre un Noël Merveilleux.
- Et ce n'est pas fini lance le Père Noël !
- Pas fini !... Qu'y aurait-il en sus, Père Noël, qui serait aussi réjouissant ?
- Ces neuf sacs restant dans ton pick-up, Père Fadet !
- Mais alors la tournée de distribution de jouets n'est donc pas finie, je croyais que tous les contenus de ces sacs avaient été distribués.
- Je te rassure Père Fadet... Ces contenus auraient été bien trop important pour les enfants de Ménigoute, il s'agit, en fait, de jouets cassés, à réparer ou qui n'intéressent plus les enfants lesquels ne veulent pas qu'ils soient définitivement perdus. Ils les mettent au pied de leur sapin pour que je les récupère... Tous ces jouets cassés, devenus désuets, sont pour toi Père Fadet, tu auras pour mission de les restaurer, de les recycler et ainsi, de rendre heureux, de nombreux autres enfants.
- Rien ne me fait plus plaisir cher Père Noël !...
C'est ainsi qu'à dater de ce Noël de l'année 1975, "le Terrier" du Père Fadet est devenu "le Grenier à Jouets", un lieu extraordinaire très fréquenté par des multitudes de petits mais aussi de "grands" enfants.
Épilogue.
Les Oiseaux à Ménigoute - Papagueno & Papaguena à Sanxay....
Ce n'est sans doute pas un hasard si, 10 ans plus tard, a eu lieu la première édition du festival international du film ornithologique de Ménigoute rendant hommage à la gente ailée.
Et qu'un quart de siècle après cette nuit de Noël mémorable, le théâtre du site gallo-romain s'est ouvert au public mélomane en créant, dès le mois d'août 2000 les soirées lyriques de Sanxay
- La Flûte enchantée - à Sanxay ... - Le Mirebalais Indépendant
La Culture en milieu rural... Stop ! épargnons-nous le ringard " Ah ben rien d'étonnant à cela, en milieu campagnard, la culture est surtout agricole !... " - tu parles !... - Sans jouer avec le...
https://www.mirebalais.net/2017/08/la-flute-enchantee-a-sanxay.html