Qui est-celui-ci ?
Il a pour nom Martin ; grandiose fut son destin à nul autre commun.
On raconte mille merveilles à son sujet parce que son nom s'inscrit dans l'Histoire et donc dans le Temps mais aussi dans l'Espace car les lieux portant son nom sont myriades.
Pourtant on ne connaît avec précision ni la date de sa naissance ni celle de sa mort. Son biographe contemporain Sulpice Sévère le fait naître en Pannonie région de l'actuelle Hongrie en l'an 317 et fixe le jour de sa mort à Candes le 8 remembre 397.
Du Circuitor à l’Évêque un formidable chemin de vie exemplaire...
Nous sommes dans cette Gaule Romaine du temps de l'empereur Constantin 1er un siècle avant la chute de l'empire Romain...
En cet hiver rude 336-337, le voici aux portes d'Amiens... il s'est débarrassé d'une partie des vêtements qu'il portait sous sa chlamyde pour en couvrir tous les indigents qui grelottaient...
La suite est conté dans ce magnifique livre de A. Lecoy de la Marche édition de 1881 page 90.
Martin n'a plus sur le dos qu'une chlamyde n'est-elle point assez ample, après tout, pour protéger à peu près la nudité de deux hommes? Il n'hésite pas; il tire son glaive, et d'un coup violent la sépare en deux morceaux. Une moitié est jetée sur les épaules du mendiant; avec l'autre il se recouvre lui-même comme il peut. Mais l'étoffe ne se trouve plus suffisante il laisse voir à son tour sa chair rougie par le froid; son accoutre ment paraît grotesque. Aussi son action est-elle accueillie par des plaisanteries on rit de ce qui lui manque; on rit de ce qui lui reste.
Cela relève-t-il de la légende merveilleuse ou est-ce vérité historique ? L'auteur historien spécialiste du Moyen-Âge, page 91 écrit :
L'image du cavalier et du mendiant deviendra la caractéristique de saint Martin. La description de la scène formera la légende de saint Martin, quoiqu'elle n'ait rien de légendaire, car elle est rigoureusement historique, et le caractère surnaturel ne s'y dénote même pas; il n'apparaît que dans la récompense qui couronne cette touchante aumône. Martin, diront les orateurs et les poètes sacrés, a dépassé le précepte évangélique : l'Évangile nous dit de donner un vêtement sur deux; il ne nous dit pas de partager en deux notre unique habit. « Quel beau coup d'épée !
Or voici que dans La Nouvelle République de ce 11 novembre, en dernière page, je tombe sur cet article résumant un entretien avec Gilles Vervisch, professeur agrégé de philosophie, où il est question du scepticisme correspondant à l'attitude fondamentale du philosophe qui privilégie le doute face au complotisme qui anime toujours plus les jugements et façons de percevoir les situations critiques de la part d'un nombre croissant de nos contemporains... Quelles places prennent les certitudes face aux doutes ?...
Il est aussi question de "Wokisme" né du mouvement initié par Martin Luther King pour permettre aux jeunes Afro-américains de manifester leur appartenance à la société humaine qui regroupe tous genres humains, tous types raciaux et donc ne peut accepter les conséquences humiliantes d'une ségrégation qui sépare et isole.
Le propos est sain, ciconstantié par les dérives des comportements de notre temps et condamne les jugements à l'eporte-pièce. Toutefois, n'écarte-t-il pas l'introspection plus intime de nos ressentis face à ce qui ne peut être admis au sens du réel tenu pour vérité .
Qu'est-ce que cela vient faire dans cet article évoquant le geste sublime de Saint-Martin ?
Tout tourne autour du doute que l'on aurait aujourd’hui face à ce qui nous paraît être croyance en un récit extraordinaire ne pouvant correspondre à une quelconque vérité historique si loin de nous, et dont les historiens eux-mêmes sont en désaccord sur certaines dates et faits. L'honnêteté intellectuelle ne permet pas de souscrire au bien-fondé de récits légendaires attenant, en plus, à l'imagerie religieuse.
Alors, comme le philosophe, reléguons nos certitudes aux rangs de nos croyances... mais n'est-ce pas frustrant pour qui veut aussi comprendre avec son cœur ?...
Dans l'entrefilet concernant le Wokisme, Gilles Vervisch dit : "Quand on est une minorité montrée du doigt, on devrait plutôt revendiquer un droit à l'indifférence ."
Avec cette assertion, nous sommes tout à fait aux antipodes de ce que ressentait Saint Martin. L'indifférence !... C'est justement parce qu'il n'était nullement indifférent à la situation et la détresse d'autrui qu'il intervenait pour aider, pour soulager.
Quant au droit à la différence, certes, depuis quelques décennies, il est très revendiqué par moult groupes sociaux en lien avec les genres, les races,et les cultures. Être différent sans être stigmatisé par sa différence ou son appartenance à un groupe ethnique particulier, cela a toute sa place dans une démocratie ouverte à tous les peuples et à toutes les cultures. On ne peut nier ni rejeter les différences, elles constituent la magnifique palette des espèce vivantes et des êtres humains en particulier. Alors, qui que l'on soit, d'où que l'on vienne, où que l'on aille, on n'a pas à se soustraire aux regards des autres dont, en fin d'article, Gilles Vervisch mentionne qu'il est l'autre pan de ce que nous sommes à côté de ce que nous pensons être nous-mêmes.
Ces deux pans, comme ceux de son manteau, Saint-Martin lui, les a magnifiquement fait s'accorder.