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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #La pensée du jour

Témoignage émouvant de Charlotte qui, sur la page de son journal facebook, aujourd’hui, se souvient de ce moment là comme si c’était hier :

C’était il y a 20 ans, jour pour jour, quasiment heure pour heure. C’était un lundi, un lundi gris, enfin je crois.
Je t’ai appelé parce que je savais que le médecin t’avait arrêté, ça n’arrivait jamais…une gastro avec de l’anémie m’avait dit papa. C’est lui qui décroche, il est pressé, il est attendu « de l’autre côté » en réunion, tu prends le combiné, je ne t’entends pas, je te demande comment tu vas, j’attends une ou deux minutes,rien au bout du fil, je ne perçois qu’un râle…Je crois que j’ai hurlé plusieurs fois « maman! ». A 600 km de toi, j’ai compris que quelque chose n’allait pas…J’ai réussi à joindre papa sur le téléphone intérieur du pavillon et je lui ai dit d’aller te voir, que je ne comprenais pas pourquoi tu ne me parlais pas…S’en est suivie une longue attente. Je ne savais pas ce qu’il se passait, je n’avoue ne plus savoir comment j’ai géré ce laps de temps, je me souviens m’être sentie soulagée quand ma sœur, sur place, m’a averti que tu étais prise en charge par les pompiers, tu allais à l’hôpital. Tu allais être soignée, ce n’était qu’une mauvaise passe. Deux ou trois jours de repos et tu allais nous revenir, Forte comme tu es. Ce n’est que le lendemain que trois lettres sont entrées définitivement dans nos vies, dans la tienne avant tout, c’est là que tout a commencé puis celle de papa,d’Amelie et moi et tout ceux qui nous ont aimé: A V C , accident vasculaire cérébral, je n’en avais jamais entendu parlé. Bien qu’abasourdie, je reste pleine d’espoir, dès le lendemain on me dit que tu reparles, avec quelques difficultés certes mais ça va, tu récupères bien, le mercredi, de mieux en mieux. Je le savais, tu es si forte! Et pourtant le jeudi, quand Amélie te rend visite, tu es méconnaissable, terne, sans parole, le visage s’est figé…Elle s’énerve après les infirmières qui ne comprennent pas…Papa me prévient qu’il t’envoie passer un écho Doppler à Cergy, je l’entends encore prononcer « risque d’hémorragie cérébrale », je savais ce que cela voulait dire. Là, cela a été très long d’attendre…J’avais peur. J’ai 21 ans, tu en as 56, je ne suis pas prête à te savoir partie. Je secoue la tête pour chasser la mort. Ce n’est que vers 22:00 que la libération s’opère.Pas d’hémorragie mais les séquelles de ce « nouvel AVC » (on ne saura jamais si c’est un autre AVC ou la stabilisation du précédent)sont plus lourdes…aphasie, hémiplégie droite…Malgré cela je te sais forte, c’est peut-être l’affaire de deux ou trois mois.
 
Samedi 9 février, il doit être. 9:00/9:30, mon téléphone sonne, « maison » s’affiche, le cœur lourd, je décroche, la voix de papa est serrée, il commence par « j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer », mes yeux s’embrument instantanément, il poursuit « Gilles L, tu sais notre collègue, il est décédé », j’ai balbutié des condoléances, mais franchement j’en avais rien à faire, j’ai encore honte aujourd’hui de ce sentiment, je savais qu’il laissait derrière lui femme et enfants, mais je n’avais en tête qu’une chose, tu étais en vie , oui, toi, tu étais toujours là et c’est ce qui comptait.
Je ne savais pas encore à quel prix cette vie t’ (nous) attendait !
 
C’était il y a 20 ans, ce n’était donc pas l’affaire de deux ou trois jours, mois ou année , ce jour où tout a basculé. Aujourd’hui encore, je me demande ce qui ce serait passé si je n’avais pas appelé. Je suis plus apaisée, j’ai traversé tant de colère, contre la vie, injuste, contre le corps médical, incapable, contre toi, passive, contre moi, exigeante. J’ai si souvent voulu tourné cette lourde page, mais je comprends juste que cette histoire s’écrit sur un parchemin. Maman d’avant tu me manques tant, maman de maintenant, je t’aime toujours autant, tu es si forte, malgré ton mur de silence, je sais tout l’amour que tu nous portes, et tes mots qui réconfortent, je me les invente.
Avec Amélie en été 2002 au retour d'Aincourt - en été 2006 à Mirebeau...Avec Amélie en été 2002 au retour d'Aincourt - en été 2006 à Mirebeau...

Avec Amélie en été 2002 au retour d'Aincourt - en été 2006 à Mirebeau...

Sur mon journal de bord le Lundi 4 février 2002 … 15H15 … le téléphone sonne chez nous dans notre appartement contigu à la partie communautaire. Je quitte la réunion d’équipe pour aller décrocher dans l’entrée. C’est notre cadette Charlotte qui, de Bordeaux, était en conversation téléphonique avec sa mère, alitée depuis la veille, suite à une gastro-entérite. A l’autre bout du fil, Charlotte est paniquée : « maman me parlait et puis plus rien… » Je me précipite vers notre chambre... Annie est bien au lit, le combiné dans la main mais les yeux révulsés, le souffle court. Elle ne répond pas à mes appels et à mes stimulations… Vite, je préviens Charlotte que je la rappellerai plus tard… Médecin, Samu seront long à venir … je panique, Annie me parait être dans un état comateux. 16H30 elle est enfin évacuée sur l’hôpital de Gisors … Commence une longue soirée d’attente. A 23H le médecin de permanence des urgences me donne le diagnostic. Annie a fait un accident vasculaire. Il ne peut se prononcer sur la gravité de la situation qui, de bénigne, peut être lourde au niveau des séquelles ; il faut attendre. Il me demande de rentrer chez nous. Un examen au scanner doit être entrepris dans les heures qui suivent ; il me tiendra au courant, dès qu’Annie sera de retour du Centre Hospitalier de Pontoise où elle doit être transportée…

Amélie, notre aînée, se trouvait à Saint Martin à ce moment-là … Heureusement, à deux on peut se soutenir le moral.

Le lendemain le Médecin est formel, l’accident vasculaire a empêché une bonne irrigation d’une partie du cerveau, il y a risque de destruction cellulaire dans le temporal gauche dont il peut résulter des séquelles : hémiplégie côté droit et aphasie …

Deux jours se passent et petit à petit l’état d’Annie, montée dans le service de cardiologie, s’améliore. Le jeudi, lors de ma visite en début d’après-midi, elle est assise sur son lit et parle quasi normalement, elle entretien la conversation avec sa voisine de chambre rentrée le matin même. On reprend espoir car la guérison semble en bonne voie. Le fluidifiant injecté régulièrement dans le sang, semble venir à bout du caillot à l’origine du malaise… Quand Amélie, à son tour, passe faire sa visite, vers 17 heures, elle trouve sa mère à nouveau plongée dans un état comateux… Moi qui lui avais signalé la nette amélioration de l’état de santé de sa mère, elle ne comprend pas… Il s’en suit une vive discussion de ma fille avec le médecin responsable du service, qu’elle a alerté. Celui-ci ne croit pas qu’Annie allait mieux ( Il y a eu changement d’équipe médicale à la mi-journée …) Le médecin me joint au téléphone et m’avise de la situation qui, d'après lui, n’a pas changé depuis l’admission d’Annie dans ce service hospitalier … Impossible de lui faire admettre que mon épouse était bien mieux, cet après-midi-là, au point qu’elle pouvait se mouvoir, s’asseoir sur son lit, bouger ses jambes et parler normalement … Quand j’arrive à l’hôpital en fin de journée après mon service, Annie a été de nouveau transportée en urgence pour un nouvel examen au scanner …
Annie a donc "rechuté" et, cette fois, l’embolie pulmonaire (thrombose) diagnostiquée dès son arrivée à l’hôpital, a provoqué un nouvel accident cérébral… Les séquelles sont quasi irréversibles …

S’en suit de longues journées d’hospitalisation pour elle, et de va et vient pour nous. Les semaines passent, l’état d’Annie s’améliore tout doucement mais elle ne peut bouger ni son bras droit ni sa jambe droite.

Le 3 Avril elle est admise au centre de rééducation de Aincourt, Il s’agit d’une structure hospitalière spécialisée dans le suivi des accidents cardio-vasculaires, en neurologie et en pneumologie… Là, elle va être stimulé par une excellente équipe des kinés, et suivre une première rééducation orthophonique tout en bénéficiant du traitement propre à son état neurologique et vasculaire.Annie y restera jusqu’en Juillet.

La rééducation entreprise lui permet de récupérer un peu la marche mais son bras droit, elle ne peut le commander. Affectée par une aphasie de Broca, l’élocution du langage est bien altérée, elle a du mal à retrouver certains mots, et il lui est difficile de formuler des phrases. Elle aura besoin en permanence de l’assistance orthophonique. Fauteuil, cane et troubles du langage, Annie est néanmoins heureuse de retrouver son foyer … Elle est invalide à 80%... Nous sommes à deux années et demie de la retraite … Elle ne réintégrera plus son service… Et les fois où je la fais assister aux activités que j’anime auprès des compagnons de Saint Martin, je perçois, dans son regard, le désarroi de se retrouver parmi eux, encore plus impotente qu’eux, au niveau de la mobilité et de la communication … Constatant cela, les derniers mois de notre temps de carrière, je lui évite ce genre de confrontations …

En avril 2002, je fais un voyage express à Mirebeau dans notre maison familiale où nous nous retirons lors des vacances. Rencontre d’un architecte … Il fait les relevés …Au début de l’automne 2003, après accord, je fais entamer des travaux conséquents pour transformer toute la partie grand garage en habitation principale de plain-pied. En Eté 2004, toute la réfection est faite. Le 23 décembre 2004, après plusieurs tours de déménagements, nous intégrons notre nouvelle maison de Mirebeau fonctionnelle et adaptée à la situation d’invalidité d’Annie…

 

20 ans sont passés avec des hauts et des bas, Aujourd'hui nous sommes toujours l'un près de l'autre solidaires avec nos deux filles, face à son handicap. Charlotte éducatrice est restée en Normandie et Amélie depuis l’été 2005 est venue habiter juste à côté de chez nous dans l’ancienne partie de notre maison familiale. La vie est là et on s'adapte au mieux, sans perdre ce qu'il faut de joie et de bonne humeur ... nous réjouissant de voir, à chaque temps de vacances, nos deux petites filles Adèle et Lucie et leur dévouée et aimante maman, notre fille Charlotte.

 

Générations de sœurs : Lucie et Adèle - Annie et Josette - Amélie et Charlotte (décembre 2019)

Générations de sœurs : Lucie et Adèle - Annie et Josette - Amélie et Charlotte (décembre 2019)

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B
J'étais au sport d'hiver qd tu m'as appris l'avc d'Annie puis le décès de Gilles, c'est comme si c'était hier.<br /> J'ai tjrs ressenti un sentiment d'injustice, ni Annie, ni Gilles ne méritait d'être ainsi frappé ds leur chair.<br /> Hélas le destin en a décidé autrement.<br /> A bientôt les amis.
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M
Ton témoignage me touche beaucoup. Je me souviens de cette photo émouvante où toutes les soeurs de trois générations sont réunies pour noël. Tu l'avais mis dans un article. On sait que ce genre de maladie peut toucher tout le monde à n'importe quel moment et quel que soit l'âge...après il faut faire avec et avoir beaucoup de courage et d'amour pour entourer la personne...Amitiés à vous deux, ta fille a fait un jolie texte pour exprimer son vécu, un moment que bien entendu elle n'oubliera jamais comme vous tous.
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F
Depuis le début de l'année 2002, en janvier, Annie était fatiguée, parfois marchait avec peine et s’essoufflait. Nous avions pris un rendez-vous chez le cardiologue le Dr T. à Gisors. Il nous reçut une semaine environ avant qu'Annie fasse son AVC. Après examen attentif ; il avait déclaré qu'il n'y avait rien d'inquiétant au niveau cardiaque et que la fatigue était sans doute liée à la ménopause tardive qui s'annonçait (et qui s'est prolongée sur les 2 années suivantes). Il faut dire qu'Annie a toujours eu un problème au niveau de la respiration, pour expulser, comme une sorte "d'apnée instinctuelle" consécutive à son souffle court. Il résulte de tout ceci que rien ne laissait penser à un AVC qui, il faut le souligner, sont le plus souvent imprévisibles et c'est ce que l'on pensait à cette époque, car depuis, ces accidents étant de plus en plus fréquents, même chez des personnes jeunes et aussi des enfants, on connaît mieux les causes et surtout, les interventions médicales pratiquées à temps, sont de plus en plus suivies de guérison voire d'empêcher l’évolution de cet accident vasculaire et d'en diminuer les séquelles au niveau cérébrale et moteur. Il a été fait aussi de réels progrès dans la prise en charge au niveau rééducation. Il en demeure que les AVC sont de plus en plus fréquents et résultent souvent d'une hygiène de vie malmenée par les stress, eux,toujours plus nombreux.
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D
un témoignage qui ne peut laisser insensible ; chacun peut être soudain frappé, ou voir un proche frappé, par la maladie...courage en tous cas, et voeux de meilleure santé possible ; amitiés.
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Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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